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19/03/2024 | FRANCE | N°22BX00952

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 6ème chambre, 19 mars 2024, 22BX00952


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 2 mai 2019 par laquelle la commune de Bergerac a refusé de renouveler son contrat à durée déterminée, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et de condamner la commune de Bergerac à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de ses préjudices financier et moral, augmentée des intérêts au taux légal.





Par un jugement

n° 2001990 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 2 mai 2019 précitée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 2 mai 2019 par laquelle la commune de Bergerac a refusé de renouveler son contrat à durée déterminée, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et de condamner la commune de Bergerac à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de ses préjudices financier et moral, augmentée des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 2001990 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 2 mai 2019 précitée par laquelle la commune de Bergerac a refusé de renouveler le contrat à durée déterminée de l'intéressée, a condamné la commune de Bergerac à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices subis, intérêts compris et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars 2022 et le 27 octobre 2022, la commune de Bergerac, représentée par la SELARL HMS Atlantique Avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 janvier 2022 précité ;

2°) de rejeter la demande de Mme D... ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a fait droit à la demande de Mme D... qu'en se fondant la théorie de l'acquiescement aux faits dès lors qu'elle n'a pas défendu en première instance et le juge d'appel, qui n'est pas tenu par un tel raisonnement, devra réformer ce jugement ;

- la décision contestée a été signée par une autorité compétente ;

- elle est justifiée par l'intérêt du service dès lors que Mme D... a eu de nombreuses difficultés relationnelles dans ses fonctions et a notamment fait montre d'une incapacité à travailler en équipe ;

- la décision contestée est dépourvue d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2022, Mme A... D..., représentée par Me Batail, conclut au rejet de la requête et à ce que la commune de Bergerac lui verse une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête d'appel ne sont pas fondés et fait valoir que :

- la décision contestée a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'absence de motif tiré de l'intérêt du service ou de considération liée à sa personne la justifiant ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que son dernier contrat ne mentionne pas le motif de son recrutement tiré du remplacement d'un agent indisponible et qu'en l'absence de preuve de la disponibilité de l'agent remplacé, son contrat devait être renouvelé ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir et de discrimination liée à son état de santé.

Par ordonnance du 28 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 novembre 2022.

Par une décision du 27 octobre 2022 Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Safar, substituant la SELARL HMS Atlantique, pour la commune de Bergerac.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D... a été recrutée le 21 septembre 2009 par la commune de Bergerac en qualité d'adjointe technique territoriale contractuelle. Elle a bénéficié de divers contrats à durée déterminée de droit public et de droit privé pour la période allant du 21 septembre 2009 au 6 juillet 2019 avec trois interruptions de quelques mois. Mme D... a été placée en congé de maladie ordinaire à partir du 30 octobre 2018. Par courrier du 2 mai 2019, Mme D... a été informée que son contrat à durée déterminée ne serait pas reconduit à l'issue de son terme. Elle a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cette décision du 2 mai 2019 l'informant du non-renouvellement de son contrat ainsi que la condamnation de la commune de Bergerac à lui verser la somme de 25 000 euros au titre de l'indemnisation de ses préjudices. Par un jugement du 27 janvier 2022, le tribunal a annulé la décision du 2 mai 2019 précitée et a condamné la commune de Bergerac à verser à Mme D... la somme de 15 000 euros en réparation de ses préjudices, intérêts compris. La commune de Bergerac relève appel de ce jugement dont elle demande l'annulation et conclut au rejet de la demande de Mme D.... Cette dernière sollicite la confirmation du jugement attaqué et le rejet de l'appel formé par la commune de Bergerac.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. La circonstance que la commune de Bergerac n'a pas produit d'observations devant le tribunal administratif de Bordeaux, saisi de la demande de Mme D..., n'est pas de nature à interdire à la commune de Bergerac de contester en appel la matérialité des faits dont le tribunal a admis, par application des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, qu'elle a avait reconnu l'exactitude.

3. Un agent public, qui a été recruté par un contrat à durée déterminée, ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent. Dès lors qu'elles sont de nature à caractériser un intérêt du service justifiant le non renouvellement du contrat, la circonstance que des considérations relatives à la personne de l'agent soient par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'une décision de non renouvellement du contrat soit légalement prise, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

4. Mme D... soutient que le non renouvellement de son contrat à durée déterminée n'est pas justifié par l'intérêt du service dès lors notamment que ses contrats ont été plusieurs fois renouvelés pour la période allant de 2009 à 2019. Toutefois, il ressort des éléments produits pour la première fois en appel par la commune de Bergerac, et notamment de trois notes d'informations des 16 janvier 2018 et 25 janvier 2018 rédigées par la directrice de l'école primaire André Malraux et du 18 octobre 2018 rédigée par la directrice de l'école primaire Bout des Vergnes dans lesquelles Mme D... a été successivement affectée, ainsi que de deux rapports rédigés par la responsable des ressources humaines du 17 janvier 2018 et du 6 juillet 2018, que Mme D... rencontre des difficultés relationnelles récurrentes avec ses collègues de travail, ce qui génère des situations de tension dans l'équipe et nuit à la bonne marche du service. Ces notes de service font également état de difficultés de comportement de l'intéressée avec les enfants de l'école. Son comportement a conduit l'administration à demander à Mme D..., par courrier du 20 novembre 2018, de modifier son comportement. Si l'intéressée produit plusieurs attestations de collègues relatant leurs bonnes relations avec elle et son sérieux dans son travail, ces témoignages qui ne concernent que des postes antérieurs où elle travaillait le plus souvent seule ou qui ont été rédigés dans le cadre de son dossier de demande de naturalisation, ne permettent pas de contredire les rapports et notes circonstanciés faisant état de ses difficultés relationnelles récurrentes avec plusieurs collègues et avec les enfants, alors en outre qu'un incident déjà lié à des difficultés du même ordre était survenu en 2013. De plus, le 18 janvier 2019, ses supérieurs hiérarchiques ont rendu un avis défavorable à la reconduction de son contrat. Ces éléments témoignent d'une difficulté récurrente d'adaptation au travail en équipe de l'intéressée en dépit de ses changements d'affectation décidés par la commune de Bergerac. Enfin, la circonstance que la décision contestée fasse également mention de l'absence pour cause d'arrêt maladie de Mme D... est sans incidence sur sa légalité dès lors que pour décider de ne pas renouveler son contrat, l'administration s'est principalement fondée sur le motif tenant à ses difficultés relationnelles persistantes. En conséquence, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en décidant, pour ce motif, de ne pas renouveler le contrat de Mme D..., l'administration aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ou agi pour des motifs étrangers à l'intérêt du service.

5. Il s'ensuit que la commune de Bergerac est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 2 mai 2019 en litige. Par suite, il appartient à la Cour saisie par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer immédiatement sur les autres moyens de la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Bordeaux et sur le surplus de ses conclusions d'appel.

Sur les autres moyens dirigés contre la décision contestée du 2 mai 2019 :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté municipal du 15 juillet 2017, M. C... E..., maire de la commune de Bergerac, a donné délégation à M. B... F..., premier adjoint, " pour les affaires générales, pour les affaires de personnel et pour la signature des actes notariés et administratifs ". Par suite le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige doit être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : (...) Le contrat conclu pour un motif de remplacement momentané d'agent absent, de vacance temporaire d'emploi ou d'accroissement temporaire ou saisonnier d'activités comporte une définition précise du motif de recrutement. /Le descriptif précis du poste vacant à pourvoir est annexé au contrat conclu pour assurer la vacance temporaire d'un emploi en application de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. (...) ".

8. Mme D... soutient que le dernier contrat à durée déterminée, sur le fondement duquel la commune de Bergerac l'a employée jusqu'au 7 juillet 2019, ne mentionne pas le motif tiré du remplacement d'un agent indisponible. Toutefois, cette circonstance, qui concerne uniquement le contrat de recrutement de l'intéressée, est sans incidence sur la légalité de la décision de non-renouvellement de son contrat, fondée sur l'intérêt du service. Par ailleurs, la circonstance que la décision de non-renouvellement ne justifie pas de la disponibilité de l'agent remplacé est également sans incidence dès lors que la décision en litige repose sur d'autres motifs, lesquels ne sont pas étrangers à l'intérêt du service comme il a été dit précédemment.

9. En troisième lieu, contrairement à ce que fait valoir Mme D..., et ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision attaquée, est motivée par l'intérêt du service. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée de détournement de pouvoir doit, par suite, être écarté.

10. En dernier lieu, si la requérante soutient qu'elle serait victime d'une discrimination en raison de son état de santé, il résulte de ce qui a été dit que si la décision de non renouvellement de son contrat en litige mentionne qu'elle est en arrêt de maladie, elle repose sur des considérations étrangères à toute discrimination mais est justifiée par l'intérêt du service.

11. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 2 mai 2019 portant non renouvellement de son contrat.

Sur les conclusions indemnitaires :

12. Il résulte de tout ce qui a été dit plus haut que les conclusions indemnitaires de la requérante, fondées sur la prétendue illégalité fautive de la décision de ne pas renouveler son contrat, ne peuvent par suite qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bergerac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... la somme demandée par la commune de Bergerac au titre des frais liés à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La demande de Mme D... présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : les conclusions de la commune de Bergerac présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et à la commune de Bergerac.

Délibéré après l'audience du 26 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mars 2024.

La rapporteure,

Caroline Gaillard

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00952
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : SELARL HMS ATLANTIQUE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;22bx00952 ?
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