La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2024 | FRANCE | N°22BX00928

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 6ème chambre, 19 mars 2024, 22BX00928


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



La communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la société Prima Groupe et la société Anco Atlantique à lui verser la somme de 784 748,28 euros toutes taxes comprises représentant le coût des travaux de réparation des désordres affectant le réservoir d'eau de Grangeneuve.





Par un jugement n° 2002350 du 24 janvier 2022, le tribunal a condamné la société

Prima Groupe à verser à la communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud la somme de 784 748,28 euros toutes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la société Prima Groupe et la société Anco Atlantique à lui verser la somme de 784 748,28 euros toutes taxes comprises représentant le coût des travaux de réparation des désordres affectant le réservoir d'eau de Grangeneuve.

Par un jugement n° 2002350 du 24 janvier 2022, le tribunal a condamné la société Prima Groupe à verser à la communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud la somme de 784 748,28 euros toutes taxes comprises et a rejeté les conclusions de cette dernière dirigées contre la société Anco Atlantique.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 mars 2022, les 4 septembre, 5 octobre et 6 octobre 2023, la société Prima Groupe, représentée par la SELARL Galy et Associés agissant par Me Fillatre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2002350 du 24 janvier 2022 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de la communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud ;

3°) de désigner un nouvel expert chargé de se prononcer sur le rôle des différents intervenants dans la conception du projet en litige ;

4°) à titre subsidiaire, de limiter à 50 % le montant des travaux de réparation dus à la communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud, et de condamner la société Anco Atlantique à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

5°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne les responsabilités encourues :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité au motif que l'ouvrage présentait un défaut de conception résultant du dimensionnement insuffisant des canalisations d'amenée d'eau ; sa mission de maîtrise d'œuvre portait sur la construction d'un réservoir d'eau, d'un surpresseur, d'un dispositif de décontamination de l'eau ainsi que sur les aménagements accessoires à ces installations ; l'insuffisance du dimensionnement des canalisations est un problème qui concerne l'état du réseau existant, et est étranger à la mission du maître d'œuvre ; retenir la responsabilité du maître d'œuvre revient à lui imposer d'intervenir pour renforcer le réseau d'eau existant, ce qui ne relève pas de ses missions contractuelles ;

- les phases d'études initiales relatives à la conception du projet ont été validées par Veolia et par la communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud dans le cadre de l'élaboration du schéma directeur d'aménagement et de gestion de l'eau de la Gironde ; ces derniers n'avaient pas prévu de faire modifier le réseau existant ou de créer de nouveaux tronçons en vue de le renforcer ;

- les études d'exécution du lot n° 1 " génie civil " étaient à la charge de la société titulaire de ce lot et incluaient une étude sur le dimensionnement des canalisations de l'ouvrage ; les désordres en litige engagent donc la responsabilité du titulaire de ce lot ;

- la responsabilité du contrôleur technique Anco Atlantique est également engagée à raison des désordres en litige dès lors que celui-ci était investi d'une mission L relative à la solidité de l'ouvrage et d'une mission PV relative au récolement des procès-verbaux de réception de l'ouvrage ; le contrôleur technique aurait donc dû déceler l'insuffisance de dimensionnement des canalisations et attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur cette question.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

- la somme que le tribunal a mise à la charge de la société Prima Groupe correspond à la solution la plus onéreuse, consistant à renforcer une portion du réseau d'amenée d'eau existant et à créer une antenne supplémentaire ; ce faisant, le tribunal a fait supporter à la société Prima Groupe le coût de l'amélioration d'un ouvrage existant et est allé au-delà de ce que commandait la réparation des désordres en litige ; dès lors, ainsi, que les travaux de réparation conduisent à apporter une plus-value à l'ouvrage, il est nécessaire de faire supporter au maître de l'ouvrage une partie de leur coût, soit 50 % au cas d'espèce.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 février et 10 août 2023, la société Anco Atlantique, représentée par TGS France Avocats, agissant par Me Meziane, conclut :

1°) au rejet de la requête de la société Prima Groupe ;

2°) au rejet des conclusions présentées à son encontre par la communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud et de la société Prima Groupe une somme de 2 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Prima Groupe et la communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon doivent être écartés comme infondés.

Par des mémoires, enregistrés les 2 juin 2023 et 29 septembre 2023, la communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud, représentée par la SELARL HMS Atlantique, conclut :

1°) au rejet de la requête de la société Prima Groupe ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la société Anco Atlantique, et à la condamnation solidaire des sociétés Prima Groupe et Anco Atlantique à lui verser la somme de 784 748,28 euros toutes taxes comprises au titre des désordres en litige ;

3°) et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Prima Groupe une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés. Elle soutient, en outre, que les désordres en litige engagent, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la responsabilité contractuelle de la société Anco Atlantique qui était chargée d'une mission portant sur la solidité de l'ouvrage et le récolement des procès-verbaux, et est intervenue pendant la phase de conception du projet.

Par ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 octobre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Michel, substituant Me Fillatre, pour la société Prima Groupe, de Me Safar, substituant la SELARL HMS Atlantique, pour la communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud, et de Me Meziane pour la société Anco Atlantique.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la mise en œuvre du schéma directeur d'alimentation en eau potable du département de la Gironde, la communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon sud (COBAS) a décidé de faire construire, sur le territoire de la commune du Teich, un réservoir d'eau d'une capacité de 620 m3 équipé d'un local technique comprenant trois surpresseurs et d'un dispositif de traitement de l'eau au chlore. La COBAS a confié la maîtrise d'œuvre de l'opération à la société Prima Groupe selon un acte d'engagement signé le 19 février 2015, tandis que le contrôle technique de cette opération a été attribué à la société Anco Atlantique par un contrat signé le 28 avril 2015. Les marchés de travaux ont été divisés en trois lots, dont le premier, portant sur le génie civil, les équipements et les réseaux, consistait, sur la base d'un cahier des clauses techniques particulières rédigé par le maître d'œuvre Prima Groupe, à édifier le réservoir de 620 m3 et le local technique.

2. Par une décision du 19 octobre 2017, la COBAS, maître de l'ouvrage, a prononcé la réception du lot n°1 avec des réserves tenant à la capacité de l'ouvrage à assurer dans des conditions règlementaires la défense incendie des secteurs de Balanos et du Teich sud. A la demande de la COBAS, le président du tribunal administratif de Bordeaux a, par ordonnance du 16 août 2018, désigné un expert chargé d'examiner l'ouvrage, de décrire les désordres l'affectant, d'en déterminer les causes et de définir les travaux nécessaires pour y mettre fin ainsi que leur coût. Après le dépôt du rapport d'expertise le 30 septembre 2019, la COBAS a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la société Prima Groupe et de la société Anco Atlantique à lui verser la somme de 784 748,28 euros toutes taxes comprises représentant le coût des travaux nécessaires à la réparation des désordres affectant le réservoir. Par un jugement rendu le 24 janvier 2022, le tribunal a condamné la société Prima Groupe à verser à la COBAS la somme de 784 748,28 euros toutes taxes comprises. La société Prima Groupe relève appel de ce jugement dont elle demande l'annulation. A titre subsidiaire, elle demande à être garantie de la condamnation prononcée à son encontre par la société Anco Atlantique. Par la voie de l'appel incident, la COBAS demande à la Cour de réformer le jugement du tribunal en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la société Anco Atlantique, et sollicite la condamnation solidaire de cette dernière et de la société Prima Groupe à lui verser la somme de 784 748,28 euros toutes taxes comprises.

Sur l'appel principal de la société Prima Groupe :

En ce qui concerne la responsabilité de la société Prima Groupe :

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les débits délivrés par les hydrants du réseau de sécurité-incendie du réservoir du Teich ne permettent pas d'obtenir les 60 m3/h règlementaires à un bar de pression et que le by-pass de sécurité ne fonctionne pas de manière satisfaisante en cas de coupure électrique. Pour connaître l'origine de ces désordres, l'expert judiciaire a demandé qu'une étude hydraulique soit réalisée par la société Safège. Les tests hydrauliques auxquels cette société a procédé ont montré que d'importantes pertes de charge se produisent à l'aval de la station de pompage, ainsi qu'au niveau de la conduite située le long de la route départementale D 650, et qu'elles induisent, lorsque les réserves d'eau sont sollicitées pour la défense incendie, des poteaux à incendie non-conformes à l'heure de pointe en période estivale. De plus, l'étude hydraulique a montré que la pression à l'amont du by-pass est supérieure à la pression de consigne des pompes déclenchant le fonctionnement du by-pass pour l'alimentation du secteur, ce qui entraîne un mauvais fonctionnement de ce dispositif. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ces désordres sont dus à un défaut de conception dès lors qu'ils trouvent leur origine dans le sous-dimensionnement des canalisations au regard des objectifs de débits que la réserve d'eau était censée atteindre.

4. Le cahier des charges du marché de maîtrise d'œuvre rappelait que les travaux projetés devraient servir à optimiser le service de distribution d'eau pour remédier à une faiblesse, constatée par le schéma directeur d'alimentation en eau potable, du débit fourni dans le secteur de Balanos tant pour la desserte en eau des habitants que pour la défense contre les incendies. A cette fin, les prestations de maîtrise d'œuvre confiées à la société Prima Groupe comprenaient les missions EP (études préliminaires), AVP (études d'avant-projet), PRO (études de projet), ACT/DCE (assistance à la passation des contrats de travaux/dossier de consultation des entreprises), VISA (examen de la conformité au projet des études d'exécution), DET (direction de l'exécution des travaux), AOR (assistance du maître de l'ouvrage pendant les opérations de réception) et DOE (dossier des ouvrages exécutés).

5. En particulier, au titre de sa mission " études préliminaires ", la société Prima Groupe devait écarter les solutions techniquement et économiquement irréalistes en recueillant à cette fin toutes les informations relatives au fonctionnement hydraulique du réseau concerné, aux plans des réseaux, aux essais d'hydrants nécessaires pour diagnostiquer les conditions actuelles de desserte et les besoins futurs. Le cahier des charges précise à cet égard que " sur la base des études préliminaires, le titulaire proposera au maître de l'ouvrage plusieurs scenarii. Les scenarii devront faire apparaître le dimensionnement et la localisation des installations, une description des installations ainsi que leur coût estimatif associés ". La mission " avant-projet " a pour objet de confirmer, compte tenu des études et reconnaissances complémentaires, la faisabilité de la solution retenue et d'en déterminer ses principales caractéristiques. La mission " études de projet " doit, quant à elle, permettre de définir les caractéristiques et dimensions des différents ouvrages de la solution d'ensemble et de préciser les tracés des alimentations et évacuations de tous fluides ainsi que des réseaux souterrains existants. Au titre de sa mission VISA (examen de la conformité au projet des études d'exécution), la société Prima Groupe était chargée de contrôler les études d'exécution réalisées par le titulaire du marché de travaux, de la vérification du respect des dispositions du projet et de la mise en cohérence technique des documents fournis par les entreprises.

6. Le cahier des charges du marché de maîtrise d'œuvre portait au premier chef sur la réalisation d'un réservoir d'eau équipé de locaux techniques et d'un dispositif de traitement de l'eau par chlore, mais prévoyait aussi des " aménagements sur le réseau afin d'assurer le bon fonctionnement du système ". Si, au titre de ces aménagements, le cahier des charges évoquait le " maillage, démaillage " et la " mise en place de clapets anti-retour ", ces prestations n'y sont pas énumérées de manière limitative et ne sauraient être interprétées comme restreignant l'intervention de la société Prima Groupe à des aménagements minimes sur les réseaux existants, excluant par là-même toute modification du dimensionnement du réseau d'alimentation si une telle intervention s'avérait nécessaire au bon fonctionnement de l'ouvrage à construire. A cet égard, il résulte du point 5 que la société Prima Groupe, contractuellement chargée de réaliser un diagnostic des conditions de desserte actuelle et des besoins futurs du secteur, devait recueillir les informations relatives au fonctionnement hydraulique du réseau existant, proposer au maître de l'ouvrage les scenarii faisant apparaître le dimensionnement et la localisation des installations ou encore écarter les solutions techniquement irréalistes. Dans ces conditions, la société Prima Groupe était tenue de mettre en évidence les défaillances éventuelles du réseau existant avant la mise en œuvre du projet afin de proposer au maître de l'ouvrage une solution palliant les difficultés de desserte observées dans le secteur concerné. En particulier, une telle mission imposait à la société Prima Groupe d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur l'incompatibilité éventuelle entre le réservoir à construire et le réseau existant et de concevoir, dès le stade des études préliminaires, un redimensionnement du réseau en vue de l'intégrer au futur réservoir. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que la responsabilité contractuelle de la société Prima Groupe était engagée à raison des désordres en litige.

7. Enfin, et ainsi qu'il a été dit, les problèmes de pression du réseau hydraulique desservant le secteur de Balanos étaient identifiés et ont conduit la COBAS à lancer le projet de construction du réservoir d'eau doté de surpresseurs. En exécution de son marché de maîtrise d'œuvre, la société Prima Groupe devait, si elle constatait à l'issue des études préliminaires une incompatibilité entre le réservoir à construire et le réseau existant, en informer le maître de l'ouvrage et concevoir le redimensionnement du réseau pour permettre la mise en œuvre effective du projet. Dans ces conditions, la COBAS, qui est précisément intervenue pour qu'une solution soit trouvée aux problèmes de réseaux existants, n'a pas commis de faute de nature à exonérer la société Prima Groupe de sa responsabilité.

En ce qui concerne la responsabilité de la société Anco Atlantique :

8. Aux termes de l'article L. 125-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes. ". Aux termes de l'article L. 125-2 du même code : " (...) Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage. ". Aux termes de l'article L. 125-3 de ce code : " L'activité de contrôle technique est (...) incompatible avec l'exercice de toute activité de conception, d'exécution ou d'expertise d'un ouvrage (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que la société Anco Atlantique a été chargée, dans le cadre de sa mission de contrôle technique, d'une mission " L " relative à la solidité des ouvrages et de leurs équipements indissociables et d'une mission " PV " relative au récolement des procès-verbaux d'essais de fonctionnement des installations. Ces deux missions étaient limitées au réservoir d'eau, aux locaux techniques attenants ainsi qu'aux aménagements induits par ces ouvrages à l'exclusion du réseau de canalisation existant qui n'était pas mentionné dans le bon de commande signé par la COBAS et la proposition de prix présentée par Anco Atlantique. Ainsi, la vérification du sous-dimensionnement des canalisations existantes n'était pas au nombre des missions confiées au contrôleur technique Anco Atlantique. Par suite, la société Prima Groupe n'est pas fondée à soutenir que les désordres en litige engagent la responsabilité contractuelle de la société Anco Atlantique.

En ce qui concerne le montant de la réparation :

10. Le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation en raison des désordres affectant l'ouvrage correspond aux frais entraînés par les travaux de réparation indispensables pour rendre cet ouvrage conforme à sa destination. Le coût des travaux non prévus au contrat qui sont nécessaires pour réaliser un ouvrage conforme à sa destination est à la charge du maître de l'ouvrage à la condition que ces travaux apportent une plus-value à l'ouvrage par rapport à sa valeur prévue au marché.

11. Il résulte du rapport d'expertise que la société Safege, missionnée à cette fin par l'expert judiciaire, a proposé deux solutions pour remédier aux désordres en litige, la première prévoyant le remplacement des portions de réseau responsables des pertes de charge les plus importantes sur un linéaire de 1,5 km avec mise en œuvre d'un complément de réserve d'eau pour un montant de 569 043 euros hors taxes, la seconde garantissant la conformité de l'ensemble des hydrants pour un coût de 1 627 729 euros hors taxes. Une autre solution alternative assurant un fonctionnement conforme de la totalité des hydrants, par le renforcement d'une portion du réseau et la création d'une nouvelle antenne, a été proposée par la société Altereo, auteur d'une étude hydraulique de sécurisation. Cette solution a été chiffrée à 830 000 euros hors taxes par le bureau d'études AGI Infra, ramenés, après une mise en concurrence organisée par la COBAS, à 642 848 euros hors taxes, auxquels s'ajoutent les honoraires de maîtrise d'œuvre pour un montant de 4 520 euros hors taxes et le coût de la pose d'un régulateur de pression pour le fonctionnement du by-pass à hauteur de 6 588,90 euros hors taxes. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que cette dernière solution, dont le coût total de 653 956,90 euros hors taxes, soit 784 748,28 euros toutes taxes comprises, est d'ailleurs nettement inférieur à celui de la solution n° 2 préconisée par la société Safège, est la plus à même d'assurer un fonctionnement de l'ouvrage conforme à sa destination. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé à 784 748,28 euros toutes taxes comprises le coût des travaux de réparation des désordres en litige.

12. Selon la société Prima Groupe, cette dernière solution revient à apporter une plus-value au réseau de distribution d'eau existant dès lors qu'elle implique son renforcement alors que de tels travaux n'étaient pas prévus au marché. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le renforcement du réseau est nécessaire pour assurer le débit réglementaire de 60m3/h sous un bar exigé par le service départemental d'incendie et de secours et pour garantir la conformité du fonctionnement des poteaux à incendie en heure de pointe diurne estivale, comme le prévoyait le marché de maîtrise d'œuvre. Ainsi, la société Prima Groupe n'est pas fondée à soutenir que ces travaux n'entreraient pas dans le champ de ses missions définies dans l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre et le cahier des charges de ce même marché, lequel indiquait que la réserve projetée devrait assurer un niveau de service compatible avec les besoins du secteur tant pour la desserte en eau potable que pour la défense contre les incendies. Il ne résulte pas de l'instruction que les travaux à réaliser concerneraient des sections du réseau de distribution d'eau sans rapport avec le secteur de Balanos et excéderaient ainsi le périmètre géographique du marché. Il s'ensuit que la société Prima Groupe n'est pas fondée à soutenir que le coût des travaux de renforcement devrait être, au moins partiellement, laissé à la charge de la COBAS en raison d'une plus-value apportée au réseau existant. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé à 784 748,28 euros toutes taxes comprises le montant de la réparation due à la COBAS par la société Prima Groupe.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que la société Prima Groupe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, à verser à la COBAS la somme de 784 748,28 euros toutes taxes comprises avec les intérêts légaux à compter du 9 juin 2020 et les intérêts capitalisés au 9 juin 2021.

En ce qui concerne l'appel en garantie formé par la société Prima Groupe :

14. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Prima Groupe à l'encontre de la société Anco Atlantique ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'appel incident de la COBAS :

15. Il résulte du point 9 que la COBAS n'est pas fondée à soutenir que les désordres en litige engagent la responsabilité contractuelle de la société Anco Atlantique. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de la COBAS tendant à la condamnation de la société Anco Atlantique à réparer les désordres en litige. Les conclusions de la COBAS doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les frais d'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par la société Prima Groupe tendant à ce que la COBAS, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. De même, la société Anco Atlantique n'étant pas la partie perdante, les conclusions de la COBAS tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

17. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la société Prima Groupe une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la COBAS et non compris dans les dépens, et en mettant à la charge de la COBAS une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes frais exposés par la société Anco Atlantique.

DECIDE

Article 1er : La requête de la société Prima Groupe est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par la COBAS et ses conclusions dirigées contre la société Anco Atlantique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Prima Groupe versera à la COBAS une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La COBAS versera à la société Anco Atlantique une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Prima Groupe, à la communauté de communes du bassin d'Arcachon Sud et à la société Anco Atlantique.

Délibéré après l'audience du 26 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024. Le rapporteur,

Frédéric Faïck

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00928 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00928
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : MEZIANE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;22bx00928 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award