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05/03/2024 | FRANCE | N°22BX00748

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 05 mars 2024, 22BX00748


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Valenco a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2020 par lequel le maire de Rochefort a délivré à M. D... C... et Mme A... B... un permis de construire cinq logements sur les parcelles cadastrées AY n° 326 et n° 332, pour une surface totale de 223 m² et une surface de plancher créée de 45 m², ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux du 26 novembre 2020.

Par un jugement n° 21

00816 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 1er oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Valenco a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2020 par lequel le maire de Rochefort a délivré à M. D... C... et Mme A... B... un permis de construire cinq logements sur les parcelles cadastrées AY n° 326 et n° 332, pour une surface totale de 223 m² et une surface de plancher créée de 45 m², ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux du 26 novembre 2020.

Par un jugement n° 2100816 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 1er octobre 2020 en tant que le projet méconnait les articles 6.3 et 6.7 du plan local d'urbanisme de la commune de Rochefort et a fixé un délai de trois mois dans lequel M. C... et Mme B... pourront déposer une demande de permis de construire modificatif, en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 mars, 14 septembre et 6 décembre 2022, la SCI Valenco, représentée par Me Boulineau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100816 du tribunal administratif de Poitiers du 6 janvier 2022 en tant qu'il n'a pas prononcé l'annulation totale de l'arrêté du 1er octobre 2020 du maire de la commune de Rochefort ;

2°) d'annuler dans son intégralité l'arrêté du 1er octobre 2020 du maire de la commune de Rochefort, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux présenté le 26 novembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Rochefort et de M. C... et Mme B... une somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles 8 et 9 du règlement de la zone UM du plan local d'urbanisme de la commune de Rochefort dès lors que le porche d'entrée de la parcelle n° 329, qui permet l'accès au terrain d'assiette, d'une largeur de 2,50 mètres pour une hauteur de 2,43 mètres, empêchera l'accès à certains véhicules larges ou aux camions ainsi que le croisement de tous types de véhicules ; aucun dispositif ne permet la sécurisation de la rue Pasteur ; le permis ne respecte pas les dispositions minimum d'accessibilité pour les services de secours et d'incendie ;

- le projet méconnaît, pour la partie dédiée au stationnement, située en zone 1AUm, les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme relatives à cette zone ; il entraine la transformation d'un espace vert à protéger ou à créer en zone de stationnement, contrairement aux préconisations de l'article 1er ; en méconnaissance des dispositions de l'article 5, les clôtures en limites séparatives ne font l'objet d'aucun traitement ; le projet n'est pas compatible avec les objectifs de l'orientation d'aménagement et de programmation Pasteur, dont l'enjeu principal est la préservation des cœurs d'îlots en poumon vert, dès lors qu'une zone engazonnée ainsi que de nombreux arbres de hautes ou moyennes tiges seront supprimés pour la création des aires de stationnement ;

- en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, le projet porte atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants et se trouve entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; le service instructeur n'a pas été mis à même de vérifier l'insertion du projet dans son environnement direct, en méconnaissance des dispositions de l'article 5.31 du règlement du plan local d'urbanisme applicable en zone UMf ; le projet est visible depuis l'hôpital de la Marine, qui constitue un bâtiment classé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2022, M. C... et Mme B..., représentés par Me Grézillier, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Valenco sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2023, la commune de Rochefort, représentée par Me Brugière, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Valenco sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Boulineau, représentant la SCI Valenco, de Me Brugière, représentant la commune de Rochefort, et de Mme B....

Une note en délibéré présentée par M. C... et Mme B... a été enregistrée le 26 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 juillet 2020, M. C... et Mme B... ont déposé une demande de permis de construire cinq logements sur les parcelles cadastrées AY n° 326 et n° 332, sur le territoire de la commune de Rochefort, pour une surface totale de 223 m² et une surface de plancher créée de 45 m². Par un arrêté du 1er octobre 2020, le maire de Rochefort a délivré à M. C... et Mme B... le permis de construire sollicité. Par un jugement du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Poitiers, saisi par la SCI Valenco, a annulé cet arrêté en tant que le projet méconnait les articles 6.3 et 6.7 du plan local d'urbanisme de la commune de Rochefort et a fixé un délai de trois mois dans lequel M. C... et Mme B... pourront déposer une demande de permis de construire modificatif, en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme. La société relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas prononcé l'annulation totale de l'arrêté du 1er octobre 2020 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux présenté le 26 novembre 2020.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Lorsqu'un tribunal administratif, après avoir écarté comme non fondés les autres moyens de la requête, a retenu l'existence d'un ou plusieurs vices entachant la légalité du permis de construire, de démolir ou d'aménager dont l'annulation lui était demandée et, après avoir estimé que ce ou ces vices étaient régularisables par un permis modificatif, a décidé de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme en prononçant une annulation partielle du permis attaqué et en fixant, le cas échéant, le délai dans lequel le titulaire du permis en cause pourra en demander la régularisation, l'auteur du recours formé contre le permis est recevable à faire appel du jugement en tant qu'en écartant certains de ses moyens et en faisant usage de l'article L. 600-5, il a rejeté sa demande d'annulation totale du permis.

3. Aux termes de l'article 9 du règlement de la zone UM du plan local d'urbanisme de la commune de Rochefort : " Les terrains doivent être desservis par une voie (publique ou privée) carrossable et en bon état de viabilité, qui permet notamment d'assurer la circulation et les manœuvres des engins de lutte contre l'incendie (...) ". Si ces dispositions ne s'appliquent pas aux voies de desserte interne des immeubles, il résulte de leur lettre même qu'elles s'appliquent à l'accès au terrain d'assiette de la construction autorisée.

4. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet immobilier autorisé par le permis de construire attaqué du 1er octobre 2020, constitué par les parcelles AY n° 326 et n° 332, dont le dossier de demande de permis de construire indique que l'accès véhiculé se fait par le 43 rue Pasteur, est enclavé et ne possède aucun accès direct à cette rue. Il est relié à cette voie par l'intermédiaire de la parcelle AY n° 329, dont M. C... et Mme B... sont copropriétaires, qui, en amont, est constituée d'un passage sous porche d'une longueur de 13,45 mètres traversant un immeuble implanté sur les parcelles AY n° 325 et n° 401, propriété de la SCI Valenco. Cette dernière expose, sans être contestée, que la hauteur maximale de ce porche, dont les caractéristiques ne sont pas précisément mentionnées dans la demande de permis de construire, est de 2,43 mètres, ce que confirme l'analyse des photographies versées à l'instance. Une telle hauteur est manifestement insuffisante pour permettre aux engins de lutte contre l'incendie de circuler et de desservir le terrain d'assiette du projet, situé à près de cinquante mètres en retrait de la rue Pasteur, qui comportera cinq nouveaux logements. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué qu'un dispositif alternatif, tel l'existence de bornes incendie situées à proximité immédiate du 43 rue pasteur, permettrait un accès satisfaisant aux parcelles en cause en cas de survenance d'un sinistre. Par suite, malgré l'avis favorable du service départemental d'incendie et de secours du 18 août 2020, qui n'est pas motivé, la SCI Valenco est fondée à soutenir que le permis de construire délivré à M. C... et Mme B... méconnaît les exigences posées par l'article 9 précité du règlement de la zone UM du plan local d'urbanisme de la commune de Rochefort.

5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme aucun autre moyen repris en appel par la société Valenco n'est de nature, en l'état de l'instruction, à conduire à l'annulation de l'arrêté contesté.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Valenco est fondée à soutenir que, le vice retenu au point 4 affectant la totalité du projet, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers n'a pas prononcé l'annulation totale de l'arrêté du 1er octobre 2020 du maire de la commune de Rochefort.

7. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

8. Compte tenu du motif d'annulation retenu, le permis de construire litigieux ne pourrait être régularisé sur le fondement de ces dispositions. Par suite, les conclusions de M. C... et Mme B..., présentées devant les premiers juges, tendant à ce qu'il en soit fait application doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

9. D'une part, aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, les conclusions de la société Valenco tendant à la condamnation de M. C... et Mme B... ainsi que de la commune de Rochefort aux entiers dépens ne peuvent qu'être rejetées.

10. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Valenco, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C... et Mme B... ainsi que par la commune de Rochefort, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C... et Mme B... ainsi que de la commune de Rochefort une somme de 1 500 euros chacun au titre des frais exposés par la société Valenco et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 2100816 du 6 janvier 2022 est annulé en tant qu'il n'a pas prononcé l'annulation totale de l'arrêté du 1er octobre 2020 du maire de la commune de Rochefort.

Article 2 : L'arrêté du 1er octobre 2020 du maire de la commune de Rochefort et la décision implicite de rejet du recours gracieux de la société Valenco présenté le 26 novembre 2020 sont annulés dans leur totalité.

Article 3 : Les conclusions subsidiaires présentées par M. C... et Mme B... devant le tribunal administratif de Poitiers tendant à la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 4 : M. C... et Mme B... verseront à la société Valenco une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La commune de Rochefort versera à la société Valenco une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Valenco, à M. D... C... et Mme A... B..., et à la commune de Rochefort.

Délibéré après l'audience du 13 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui la concerne, et à tous commissaire de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00748

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00748
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : CABINET OCEANIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;22bx00748 ?
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