Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 3 avril 2023 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a invalidé son attestation de demande d'asile, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2301123 du 23 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 juin 2023, Mme C..., représentée par Me Durand-Louveau, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2023 ;
3°) d'annuler l'arrêté de la préfète des Deux-Sèvres du 3 avril 2023 ;
4°) d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres de lui délivrer, ainsi qu'à sa fille, une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) subsidiairement, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 3 avril 2023 jusqu'à l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile et d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres de lui délivrer, ainsi qu'à sa fille, une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
6°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le retrait de son attestation de demande d'asile méconnaît l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des risques qu'elle encoure en cas de retour dans son pays d'origine ;
- les décisions portant refus de séjour et éloignement sont insuffisamment motivées s'agissant des violences qu'elle risque de subir en cas de retour dans son pays d'origine ;
- le jugement du tribunal est insuffisamment motivé sur les risques encourus dans le pays d'origine et sur ses liens personnels et familiaux en France ;
- la décision d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé et de celui de sa fille ainsi que du traitement dont elles peuvent bénéficier en France ;
- il y a lieu d'ordonner la suspension de la décision d'éloignement sur le fondement de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ;
- cette décision méconnaît également l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête de Mme C... a été communiquée à la préfète des Deux-Sèvres qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante géorgienne née le 11 mai 1997, indique être entrée en France le 26 novembre 2022, accompagnée de sa fille A... née le 25 décembre 2013. La demande d'obtention du statut de réfugié qu'elle a présentée le 5 janvier 2023 a été rejetée, au terme d'une procédure accélérée, par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 février 2023. Par un arrêté du 3 avril 2023, la préfète des Deux-Sèvres a invalidé son attestation de demande d'asile, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 23 mai 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 juillet 2023. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. Contrairement à ce que soutient Mme C..., le jugement attaqué, qui n'avait pas l'obligation de faire état de l'ensemble des éléments versés au dossier et des arguments de l'intéressée, est suffisamment motivé au regard des dispositions précitées.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination :
5. En premier lieu, l'arrêté litigieux expose de façon suffisamment précise les éléments de fait sur lesquels la préfète des Deux-Sèvres s'est fondée. La circonstance que cet arrêté ne reprenne pas le détail des risques auxquels Mme C... aurait indiqué être exposée, ainsi que sa fille, en cas de retour dans son pays d'origine est sans incidence sur le caractère suffisant de sa motivation.
6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article 8 du même texte prévoit : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". L'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". L'article L. 721-4 du même code prévoit : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
7. Mme C... expose que son état de santé et celui de sa fille nécessitent qu'elles restent toutes deux en France pour bénéficier d'un traitement approprié. Toutefois, s'agissant de son propre état de santé, la requérante se borne à produire les résultats d'une analyse de sang ainsi qu'une ordonnance, éléments desquels il ne ressort pas qu'elle serait atteinte d'une pathologie grave ne pouvant être traitée dans son pays d'origine. S'agissant de sa fille, il ressort des pièces du dossier qu'elle souffre d'anomalies congénitales du crâne et des os du visage mais il n'est établi la nécessité d'aucun autre traitement que des antalgiques de premier niveau et d'un " entrainement physique curatif " dont il n'est pas sérieusement allégué qu'il ne pourrait être prodigué en Géorgie. Par ailleurs, Mme C... soutient que sa fille et elle seront exposées au comportement violent de son époux en cas de retour dans son pays d'origine. Elle expose que son époux, auquel elle a été mariée de force par ses parents alors qu'elle était mineure et qui participe à des activités criminelles, lui a fait subir de nombreuses violences physiques, morales et sexuelles lorsqu'ils vivaient ensemble et cherche à la retrouver depuis qu'elle a fui le domicile commun pour la France. Elle ne produit toutefois au soutien de ses allégations qu'une déclaration de main courante réalisée le 4 février 2023 au commissariat de police de Poitiers indiquant que ses parents en Géorgie l'ont informée que son époux voulait quitter le pays pour la retrouver, une retranscription non datée et dépourvue de contexte d'une conversation par SMS faisant état de menace de violence physique et, pour la première fois en appel, deux attestations de proches non datées et peu circonstanciées. Ces éléments ne sont pas de nature à établir que Mme C... et sa fille seraient exposés à un risque personnel, réel et actuel en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées doivent être écartés.
8. Aucun des moyens dirigés contre la décision d'éloignement n'ayant été accueilli, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision de retrait de l'attestation de demande d'asile et la demande de suspension de la décision d'éloignement :
9. L'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) / d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; (...) Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". L'article L. 752-5 du même code dispose : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. " Aux termes de l'article L. 752-11 du même code : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné, saisi en application des articles L. 752-6 ou L. 752-7, fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile ".
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus, le moyen tiré de ce que le retrait de l'attestation de demande d'asile à Mme C... méconnaitrait l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté et la demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur le recours formé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 février 2023 doit être rejetée.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX01727 2