Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et le renouvellement de son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2300158 du 23 mars 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2023, M. B..., représenté par Me Hugon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300158 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux du 23 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2022 de la préfète de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ou, à titre subsidiaire, dans le même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement attaqué ne mentionne pas les pièces complémentaires transmises le 14 mars 2023 ; il résulte des termes du jugement que le premier juge n'en a pas tenu compte ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;
- il souffre d'une pathologie neurodégénérative évolutive ; le défaut de prise en charge de cette pathologie pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en République du Congo, il ne peut effectivement bénéficier de traitements appropriés dans ce pays ; dès lors, la décision lui refusant le séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- elles sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ;
- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elles portent une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michaël Kauffmann a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant congolais né le 7 avril 1958, est entré en France, selon ses déclarations, le 5 juin 2018 et a vu sa demande d'asile rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 avril 2022, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 28 novembre 2022. Le 26 octobre 2021, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 19 décembre 2022, la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et le renouvellement de son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 23 mars 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2022.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient M. B..., il résulte des visas du jugement attaqué que le premier juge a tenu compte des pièces complémentaires enregistrées au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 14 mars 2023, constituées notamment de deux certificats médicaux des 16 juin 2022 et 27 janvier 2023. La circonstance que, dans les motifs du jugement, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a indiqué, en évoquant un certificat médical du 29 janvier 2021, que, " ce seul document " ne se prononce pas sur les conséquences d'un défaut de prise en charge médicale n'est pas de nature à établir que lesdites pièces n'auraient pas valablement été analysées et prises en compte par le premier juge. Par suite, le requérant n'est pas fondé à critiquer, pour ce motif, la régularité du jugement attaqué.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que la préfète, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation, notamment familiale, de M. B..., a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé du requérant a significativement évolué entre le moment où l'OFII s'est prononcé l'état de santé de l'appelant, le 13 janvier 2022, et la date de l'arrêté contesté, ni que l'intéressé a porté à la connaissance de la préfète des éléments nouveaux tenant à son état de santé, nécessitant que cette autorité sollicite un deuxième avis du collège de médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen complet de sa situation personnelle doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. M. B... soutient qu'il souffre d'une pathologie neurodégénérative évolutive dont la prise en charge est en cours. Par un avis du 13 janvier 2022, le collège de médecins de l'OFII a indiqué que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Le requérant conteste l'analyse du collège de médecins de l'OFII en produisant notamment deux certificats médicaux des 16 juin 2022 et 27 janvier 2023, établis par un neurologue du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, qui indiquent que l'impact de la pathologie dont est atteint l'intéressé sur son autonomie va s'aggraver avec le temps et nécessite la présence de proches aidant à ses côtés. Toutefois, ces documents ne permettent pas d'établir qu'en dehors d'une perte progressive d'autonomie, le défaut de prise en charge médicale est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. A cet égard, si le requérant indique que son épouse est décédée et que ses deux enfants sont présents en France, il ressort des pièces du dossier de première instance que l'un de ses enfants, né le 7 février 1993, a également fait l'objet d'un rejet définitif de sa demande d'asile et pourrait, le cas échéant, assister son père dans les actes de la vie quotidienne en cas de renvoi vers son pays d'origine. Au demeurant, la seule mention, dans le second des certificats susmentionnés, établi postérieurement à la date de l'arrêté litigieux, de ce que la pathologie dont est atteint M. B... nécessite des soins spécialisés en orthophonie " probablement non disponibles au Congo " ne suffit pas à établir que le requérant n'aurait pas effectivement accès à un traitement de sa pathologie dans ce pays. Dans ces conditions, aucun élément versé au dossier ne permet de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII, que la préfète s'est appropriée, et l'intéressé n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., présent sur le territoire français depuis moins de cinq ans à la date de l'arrêté contesté, n'établit pas qu'il y aurait désormais ancré l'essentiel de sa vie privée et familiale en se bornant à faire état de la présence régulière en France de l'un de ses enfants, qui est majeur. Le requérant ne justifie pas davantage de l'absence d'attaches personnelles dans son pays d'origine où il a résidé jusqu'à l'âge de 60 ans, ni du développement d'un réseau dense de relations sociales sur le territoire. Par ailleurs, ainsi qu'il a été exposé au point 6, si l'appelant fait état de sa pathologie neurodégénérative, dont le traitement est actuellement suivi en France, et du décès de son épouse en 2020, il n'établit ni que son autre fils, né le 7 février 1993 et qui a également fait l'objet d'un rejet définitif de sa demande d'asile ne pourrait, le cas échéant, l'assister dans les actes de la vie quotidienne en cas de retour vers son pays d'origine, ni de l'indisponibilité des soins médicaux que son état de santé nécessite en République du Congo. Enfin, il n'établit ni même n'allègue avoir exercé une activité professionnelle depuis son entrée en France et disposer de ressources financières stables. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France du requérant, la préfète n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision lui refusant le séjour a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la préfète n'a pas plus entaché cette décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
9. En premier lieu, ainsi qu'il été précédemment exposé, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, le moyen invoqué par la voie de l'exception, par M. B..., de son illégalité ne peut qu'être écarté.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.
Le rapporteur,
Michaël Kauffmann La présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX022432