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13/02/2024 | FRANCE | N°23BX02273

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 13 février 2024, 23BX02273


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. A... a aussi demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du préfet du 12 janvier 2013 l'assignant à résidence.



Par un jugement n° 2300142 du 19 juin 2023, le tribunal administratif Poitiers a rejeté ses demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. A... a aussi demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du préfet du 12 janvier 2013 l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2300142 du 19 juin 2023, le tribunal administratif Poitiers a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 août 2023, M. A..., représenté par Me Hay, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 juin 2023 précité ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour pendant une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer le titre de séjour qu'il a sollicité, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et porte atteinte à la présomption d'innocence ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ; elles ont été prises en méconnaissance de l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 12 janvier 2023 ; elles méconnaissent le principe de la présomption d'innocence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2024, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il se borne à reproduire ses écritures de première instance

M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 25 juillet 2004, est entré en France le 16 mai 2021. Il été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Vienne à partir du 11 juin 2021. Le 25 juillet 2022, M. A... a demandé à la préfecture de Vienne la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 10 janvier 2023, M. A... a été interpellé par les services de police de Poitiers et placé en garde à vue pour des faits de viol en réunion qui auraient été commis le 19 novembre 2021. Par un arrêté du 12 janvier 2023, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et l'a assigné à résidence. M. A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de ces décisions. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2023 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire pendant deux ans.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". L'article L. 412-5 du même code dispose que : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, (...) ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4 M. A... soutient que le préfet de la Vienne ne pouvait se fonder, pour lui refuser un titre de séjour, sur la circonstance qu'il représente une menace pour l'ordre public dès lors qu'il n'a pas été condamné dans la procédure pénale en cours à la suite des faits de viol en réunion qui lui sont reprochés. Il ressort de l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 12 janvier 2023 que M. A... a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire pour des faits de viol en réunion sur personne qu'il savait particulièrement vulnérable en raison de son état d'ivresse manifeste. Les éléments pris en compte par le juge pénal sont relatés dans le compte-rendu d'enquête de police judiciaire qui fait état de fait précis et circonstanciés. Si cette mesure de contrôle judiciaire ne constitue pas une preuve de la culpabilité de M. A..., sa mise en examen n'a pu être prononcée, conformément à l'article 80-1 du code de procédure pénale, que parce qu'il existait des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'il ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont était saisi le juge d'instruction. En l'absence de tout élément permettant de douter de la vraisemblance des faits, et compte tenu de leur caractère récent et grave, le préfet pouvait, dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative, estimer que la présence en France de M. A... constituait une menace pour l'ordre public. M. A... ne peut, à cet égard, utilement invoquer la méconnaissance de la présomption d'innocence dès lors que la décision contestée, qui a le caractère d'une mesure de police administrative destinée à prévenir un risque de trouble à l'ordre public, ne constitue pas une sanction. Dans ces conditions, malgré la prise en charge du requérant par le département, le préfet de la Vienne a pu, sans erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation, refuser à M. A... le titre de séjour demandé.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour sur le territoire français :

5. En premier lieu, M. A... qui, comme il a été dit ci-dessus, n'établit pas que le refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui est opposé serait entaché d'illégalité, n'est pas fondé à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français devraient être annulées par voie de conséquence d'une telle illégalité.

6. En deuxième lieu, le moyen tiré de la violation alléguée du principe de " présomption d'innocence " est, ainsi qu'il a été dit, inopérant à l'appui d'un recours en annulation dirigé contre une mesure qui n'a pas le caractère de punition, mais celui d'un acte de police administrative.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".

8. Si l'ordonnance du 12 janvier 2023 par laquelle le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Poitiers a placé le requérant sous contrôle judiciaire, en lui interdisant de quitter le territoire français, est de nature à faire obstacle à l'exécution proprement dite de l'obligation de quitter le territoire français, du moins jusqu'à la levée de ce contrôle par le juge judiciaire, elle est cependant, par elle-même, sans incidence sur la légalité de cette mesure d'éloignement. Il s'ensuit que le préfet de la Vienne a pu légalement prendre l'obligation de quitter le territoire français en litige alors même que son exécution immédiate ne serait pas possible compte tenu de la mesure judiciaire prise à l'encontre du requérant.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ".

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 8, que la circonstance que l'interdiction de retour sur le territoire français contestée ne pourrait être immédiatement exécutée, en raison du placement sous contrôle judiciaire de M. A... faisant obstacle à l'exécution immédiate de la mesure d'éloignement, est sans incidence sur la légalité de cette interdiction de retour.

11. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction, et aux fins de versement par l'Etat d'une somme sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera délivrée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

M. Julien Dufour, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2024.

La rapporteure,

Caroline Gaillard

Le président,

Frédéric Faïck

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX02273 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02273
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : HAY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;23bx02273 ?
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