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08/02/2024 | FRANCE | N°22BX01900

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 08 février 2024, 22BX01900


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 1er juillet 2021 par laquelle le maire de Bordeaux a annulé son arrêté du 27 décembre 2018 acceptant sa démission et la radiant des cadres, l'a réintégrée à compter du 1er février 2019 dans les effectifs de la commune et l'a placée en disponibilité de droit à compter de cette même date pour une durée de trois ans. Mme D... a également demandé au tribunal d'enjoindre au maire de r

econstituer sa carrière à compter du 1er février 2019.



Par un jugement n° 2104731 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 1er juillet 2021 par laquelle le maire de Bordeaux a annulé son arrêté du 27 décembre 2018 acceptant sa démission et la radiant des cadres, l'a réintégrée à compter du 1er février 2019 dans les effectifs de la commune et l'a placée en disponibilité de droit à compter de cette même date pour une durée de trois ans. Mme D... a également demandé au tribunal d'enjoindre au maire de reconstituer sa carrière à compter du 1er février 2019.

Par un jugement n° 2104731 du 5 mai 2022, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2022, Mme B... D..., représentée par Lavalette Avocats Conseils, agissant par Me Gomez, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2104731 du 5 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision en litige du 1er juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au maire de Bordeaux de reconstituer sa carrière à compter du 1er février 2019 en lui accordant une nouvelle disponibilité pour suivi de conjoint, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée ;

Au fond :

- la décision en litige du 1er juillet 2021, par laquelle le maire de Bordeaux a retiré son arrêté du 27 décembre 2018 acceptant sa démission et prenant acte de sa radiation des cadres à compter du 1er février 2019 et l'a placée en disponibilité à cette dernière date, a été signée par une autorité incompétente en l'absence de délégation de signature précise et publiée ;

- la décision en litige méconnaît les effets utiles du jugement du 4 mai 2021 en méconnaissance de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entachée de rétroactivité illégale dès lors qu'elle la réintègre à compter du 1er février 2019 puis lui accorde immédiatement une disponibilité de droit et le maire de Bordeaux la place ainsi en disponibilité au moment même de sa réintégration, se dispensant ainsi de son obligation de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

- la décision en litige a été prise en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 mai 2021 qui avait annulé une décision du maire rejetant sa demande de placement en disponibilité, ainsi que l'arrêté du 27 décembre 2018 acceptant sa démission.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2023, la commune de Bordeaux, représentée par le cabinet Praxiome Bordeaux, agissant par Me Bach, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D... une somme de 2 513 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 22 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 novembre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 :

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Lagrue, substituant Me Gomez, pour Mme D... et de Me Bach pour la commune de Bordeaux.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D..., adjointe technique territoriale principale, affectée depuis 2009 au service des objets trouvés de la police municipale de la commune de Bordeaux, a présenté, en septembre 2018, une demande de mise en disponibilité pour suivre sa conjointe, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet du maire de Bordeaux. Par un arrêté du 27 décembre 2018, le maire de Bordeaux a accepté la démission de Mme D... et radié celle-ci des cadres à compter du 1er février 2019. Par jugement n° 1903964 du 4 mai 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le refus implicite opposé à la demande de mise en disponibilité présentée par Mme D... ainsi que l'arrêté du 27 décembre 2018. Le Tribunal a également enjoint au maire de Bordeaux de réintégrer Mme D... dans ses effectifs et de lui accorder la disponibilité demandée. Par un arrêté du 1er juillet 2021, le maire de Bordeaux a retiré l'arrêté du 27 décembre 2018, a réintégré Mme D... dans les effectifs de la commune à compter du 1er février 2019, puis a placé celle-ci en position de disponibilité pour une durée de trois ans à compter de cette dernière date, soit jusqu'au 31 janvier 2022. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté du 1er juillet 2021. Elle relève appel du jugement rendu le 5 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Au point 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a répondu au moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige du 1er juillet 2021, contrairement à ce que soutient la requérante en appel. Pour écarter ce moyen, les premiers juges ont relevé que M.E...l C..., directeur chargé de la vie administrative et de la qualité de vie au travail, avait reçu délégation du maire de Bordeaux à l'effet de signer l'arrêté contesté par un arrêté du 15 juillet 2020 régulièrement affiché et mis en ligne, ainsi qu'en a justifié la commune de Bordeaux devant le tribunal administratif de Bordeaux. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché de l'omission à statuer ainsi alléguée.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er juillet 2021 :

3. En premier lieu, à l'appui de son moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige, la requérante ne se prévaut devant la Cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation présentée devant les premiers juges. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I. - Le fonctionnaire est placé dans une des positions suivantes : / 1° Activité ; /2° Détachement ; / 3° Disponibilité ; / 4° Congé parental ". Aux termes de l'article 24 du décret du 13 février 1986 relatif aux positions de détachement, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration : " La mise en disponibilité est accordée de droit au fonctionnaire, sur sa demande : (...) 2° Pour suivre son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité lorsque celui-ci est astreint à établir sa résidence habituelle, à raison de sa profession, en un lieu éloigné du lieu d'exercice des fonctions du fonctionnaire. La mise en disponibilité prononcée en application des dispositions ci-dessus ne peut excéder trois années (...) ".

5. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Cette règle comporte une exception lorsque ces décisions sont prises en exécution d'une décision de justice laquelle, par l'annulation qu'elle prononce, entraîne nécessairement certains effets dans le passé à raison même du fait que les actes annulés pour excès de pouvoir sont réputés ne jamais être intervenus. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration peut ainsi, en exécution de la chose jugée, leur conférer une portée rétroactive dans la mesure nécessaire à la continuité de la carrière de l'agent ou à la régularisation de sa situation.

6. Ainsi qu'il a été dit, par un jugement du 4 mai 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision par laquelle le maire de Bordeaux avait implicitement rejeté la demande de mise en disponibilité présentée par Mme D..., sur le fondement de l'article 24 précité du décret du 13 février 1986, ainsi que l'arrêté du 27 décembre 2018 portant acceptation de la démission et radiation des cadres de cette dernière à compter du 1er février 2019. L'exécution de ce jugement impliquait nécessairement que la commune de Bordeaux réintègre Mme D... dans ses effectifs en prenant rétroactivement les mesures permettant de placer cette dernière dans une position statutaire régulière au 1er février 2019, date de sa radiation des cadres. Par suite, en conférant une portée rétroactive à sa décision du 1er juillet 2021, le maire de Bordeaux n'a pas entaché sa décision d'illégalité.

7. En troisième lieu, en exécution de la chose jugée par le tribunal, il appartenait au maire de Bordeaux de placer Mme D... dans une position statutaire régulière au 1er février 2019, date à laquelle cette dernière avait été évincée du service. Par suite, en réintégrant Mme D... à compter du 1er février 2019 et en lui accordant, à cette même date, la disponibilité sollicitée, le maire de Bordeaux a satisfait à son obligation d'exécuter le jugement du tribunal, laquelle n'impliquait nullement que Mme D... obtienne une disponibilité pour trois années à compter du 4 mai 2021, date de mise à disposition de ce jugement. Enfin si, à l'article 1er de l'arrêté en litige, le maire de Bordeaux a " annulé " l'arrêté du 27 décembre 2018, cette mention, superfétatoire compte tenu de l'annulation de cette décision déjà prononcée par le tribunal, ne constitue pas une méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 4 mai 2021. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le maire de Bordeaux aurait méconnu son obligation d'exécuter la chose jugée ni, par ailleurs, que les mesures de régularisation décidées auraient, en tout état de cause, porté atteinte au droit au procès équitable garanti à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bordeaux, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme D... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Bordeaux au même titre.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera une somme de 1 500 euros à la commune de Bordeaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et à la commune de Bordeaux.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024. Le rapporteur,

Frédéric A...

La présidente,

Ghislaine MarkarianLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22BX01900 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01900
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : LAVALETTE AVOCATS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;22bx01900 ?
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