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08/02/2024 | FRANCE | N°22BX00844

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 08 février 2024, 22BX00844


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 22 octobre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé D... à procéder à son licenciement pour faute.



Par un jugement n° 1901627 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 mars 2022 e

t le 13 décembre 2022, Mme C... A..., représentée par Me Benizri, demande à la Cour :



1°) d'annuler le jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 22 octobre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé D... à procéder à son licenciement pour faute.

Par un jugement n° 1901627 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 mars 2022 et le 13 décembre 2022, Mme C... A..., représentée par Me Benizri, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 janvier 2022 précité ;

2°) d'annuler la décision du 22 octobre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé D... à procéder à son licenciement pour faute ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'inspectrice du travail a méconnu le principe du contradictoire en ne sollicitant aucune preuve auprès de l'employeur attestant de la réalité des faits reprochés ;

- elle a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en estimant que les faits reprochés étaient établis et qu'ils étaient d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2022, D..., représentée par la SELARL Millancourt André-Robert Fourcade Spera et associés, agissant par Me André-Robert, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel n'est pas régulière dès lors que le nom de D... apparaît entre parenthèses ;

- les moyens ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée au ministre du travail de l'insertion et du plein emploi qui n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 13 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. D... a sollicité l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire Mme C... A..., employée en qualité d'animatrice de la crèche " Les p'tits marmailles " depuis le 1er avril 2016 et protégée en raison de sa candidature aux élections professionnelles du comité social et économique en 2019. Par une décision du 22 octobre 2019, l'inspectrice du travail de la 4ème section de la 2ème unité de contrôle de La Réunion a autorisé son licenciement. Mme A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion l'annulation de cette décision. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'enquête contradictoire :

2. Aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'inspectrice du travail a l'obligation au cours de son enquête contradictoire d'entendre personnellement et individuellement le salarié protégé et l'employeur. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été reçue le 18 octobre 2019 par l'inspectrice du travail et a pu, au cours de son audition, apporter des éléments d'explications ainsi que des documents de nature à corroborer ses dires. Son employeur a été reçu le même jour. Alors qu'il n'appartient pas à l'inspectrice du travail de procéder à une enquête à charge ou à décharge en sollicitant des documents de nature à prouver ou non la réalité des faits reprochés à la salariée, le moyen tiré de ce que la procédure serait viciée en l'absence de preuve demandée par l'inspectrice du travail à l'un ou l'autre des parties doit être écarté.

4. Par ailleurs, aucun texte ne prévoit la transmission d'un compte-rendu de l'entretien réalisé avec l'inspectrice du travail dans le cadre de son enquête contradictoire. Par suite le moyen tiré d'un vice de procédure pour ce motif doit également être écarté.

En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés :

5. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

6. Pour justifier sa demande d'autorisation de licenciement, D... fait état de deux griefs à l'encontre de Mme A..., le premier tenant à son attitude inappropriée ayant abouti à la rupture, par un parent, de son contrat d'accueil de son enfant au sein de la crèche et, le second tenant à la mise en situation de danger de deux très jeunes enfants âgés de 20 et 28 mois placés sous sa garde. L'inspectrice du travail a estimé les deux griefs précités comme fondés et a ainsi autorisé le licenciement pour faute de Mme A....

7. S'agissant du premier grief, il ressort des pièces du dossier que, alors même que cela ne relève pas de ses missions d'animatrice, Mme A... a, le 29 août 2019, placé la mère d'un enfant en position de devoir se justifier sur son manque de capacité financière à augmenter le nombre d'heures prévu à son contrat d'accueil compte tenu de son retard à venir chercher son enfant avant la collation de l'après-midi, et par son insistance, la requérante a suscité la colère du parent qui a décidé de retirer son enfant de 1'établissement. Mme A... a en effet interpellé la mère d'un enfant sur le non-respect par cette dernière de ses horaires et sur l'absence de prise en charge du goûter de l'enfant dans son contrat. Pour se défendre, Mme A... fait valoir qu'elle ne savait pas que le goûter était prévu dans le forfait, et reproche l'absence de règles écrites au sein de l'établissement ainsi que l'attitude inappropriée de sa directrice pour avoir organisé une confrontation entre elle et la mère de l'enfant à la suite de ce différend. Cependant Mme A... ne conteste pas le caractère inapproprié de l'interpellation de ce parent, ni les graves conséquences qui en ont résulté. Au surplus, selon le procès-verbal de réunion mensuelle des délégués du personnel du 6 septembre 2018, lorsque les horaires prévus dans les contrats ne sont pas respectés par les familles, la direction de l'établissement doit être formellement saisie et il lui appartient, à elle seule, d'en rappeler les règles de fonctionnement. Par suite, ce premier grief doit être regardé comme établi.

8. S'agissant du second grief reproché à la requérante, il ressort des pièces du dossier, et plus précisément des témoignages recueillis par la puéricultrice et l'agent d'entretien présentes sur les lieux, que le 11 septembre 2019, à la fin de son service, Mme A... n'a pas respecté la procédure de sécurité imposée lors de l'accueil de jeunes enfants revenant du jardin. Ainsi, au moment du regroupement de fin de journée, Mme A... s'est contentée d'ouvrir le portillon de l'unité et a quitté son service précipitamment, sans mettre en sécurité les deux jeunes enfants, âgés respectivement de 20 mois et 28 mois, qu'elle raccompagnait du jardin, alors que la puéricultrice présente ne pouvait pas les prendre en charge dès lors qu'elle tenait un enfant en bas âge dans ses bras. L'agent d'entretien présente s'est alors précipitée pour prendre en charge les enfants, les faire entrer dans la section et enlever leurs chaussures. La puéricultrice a également pris en charge le bébé de 20 mois qui pleurait. Si l'agent d'entretien, dans une attestation rédigée le lendemain des faits, a indiqué que les enfants étaient demeurés en sécurité et n'étaient pas restés seuls, cet élément, ne permet pas de remettre en cause les faits reprochés à la requérante tenant à l'absence de mise en sécurité des deux enfants sous sa responsabilité.

9. Il résulte de tout ce qui précède, eu égard à la nature, à la gravité des faits reprochés et à leur caractère répété, dès lors que Mme A... a déjà fait l'objet d'une précédente mesure de mise à pied d'une journée pour avoir tenu des propos inappropriés à un jeune enfant, que ces fautes, dont la matérialité est établie, sont d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement.

10. Il résulte de tout de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande d'annulation de la décision en litige.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacles à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas partie perdante dans le cadre de la présente instance, une somme sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros à verser à D... sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera à D... une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à D... et au ministre du travail du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2024.

La rapporteure,

Caroline B...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX00844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00844
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : BENIZRI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;22bx00844 ?
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