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08/02/2024 | FRANCE | N°21BX04225

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 08 février 2024, 21BX04225


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... Biron a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :



- d'annuler la décision implicite de la commune de Teuillac et la décision du 20 juillet 2018 de la communauté de communes Couserans-Pyrénées rejetant sa réclamation indemnitaire préalable et sa demande tendant à ce que sa situation soit régularisée avec sa mutuelle, au regard de ses salaires et de son avancement, ainsi que sa demande tendant à être placée à la retraite pour invalidit

imputable au service à défaut d'un reclassement ;

- de condamner la commune de Teuillac et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... Biron a demandé au tribunal administratif de Bordeaux :

- d'annuler la décision implicite de la commune de Teuillac et la décision du 20 juillet 2018 de la communauté de communes Couserans-Pyrénées rejetant sa réclamation indemnitaire préalable et sa demande tendant à ce que sa situation soit régularisée avec sa mutuelle, au regard de ses salaires et de son avancement, ainsi que sa demande tendant à être placée à la retraite pour invalidité imputable au service à défaut d'un reclassement ;

- de condamner la commune de Teuillac et la communauté de communes Couserans-Pyrénées à lui verser la somme de 335 704,21 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices découlant de sa maladie, la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence ainsi que la somme de 60 000 euros au titre de l'allocation temporaire d'invalidité ;

- de condamner la commune de Teuillac à lui payer une somme qui ne saurait être inférieure à 30 000 euros au titre des rémunérations qui auraient dû lui être versées pendant ses congés de maladie imputables au service ;

- d'enjoindre à la commune de Teuillac de régulariser sa situation au titre de la mutuelle nationale territoriale et d'enjoindre à la commune de Teuillac et à la communauté de communes Couserans-Pyrénées de régulariser sa situation au titre de l'avancement et de la retraite et de procéder à liquidation et au versement de l'allocation temporaire d'invalidité qui lui est due, et de la placer à la retraite pour invalidité imputable au service avec un taux qui ne serait être inférieur à 30 %, sauf reclassement possible.

Par un jugement n° 1804139 du 22 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la communauté de communes Couserans-Pyrénées à verser à Mme Biron la somme de 119 980, 70 euros, a condamné la commune de Teuillac à verser à Mme Biron la somme de 5 000 euros et a annulé la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Teuillac a refusé de verser à Mme Biron la fraction des traitements dont elle a été illégalement privée. Le tribunal a enjoint à la commune de Teuillac de payer à Mme Biron le complément de rémunération correspondant à la fraction des traitements dont elle a été illégalement privée et a condamné la communauté de communes de Couserans-Pyrénées à verser à la commune de Teuillac la somme de 720,36 euros, ainsi que la somme correspondant aux traitements payés par cette dernière à Mme Biron pendant la période du 9 décembre 2007 au 31 décembre 2019 et les frais d'expertise.

Procédure devant la Cour :

I. Sous le n° 21BX04225, par une requête et des mémoires, enregistrés, les 16 novembre 2021, 25 octobre 2023, la communauté de communes Couserans-Pyrénées, représentée par la société Urbi et Orbi avocats, agissant par Me Magrini, demande à la Cour :

1°) de réformer partiellement le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 septembre 2021 précité ;

2°) de limiter sa condamnation au versement à la commune de Teuillac de la somme correspondant seulement aux traitements payés par cette dernière à Mme Biron pendant la période du 9 décembre 2007 au 31 décembre 2017, et non jusqu'au 31 décembre 2019, et de réformer le jugement en ce qu'il a de contraire à l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Teuillac une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en jugeant qu'elle devait supporter la charge des traitements de Mme Biron entre le 9 décembre 2007 et le 31 décembre 2019, le tribunal a commis une erreur d'appréciation ; d'une part, le comportement de la commune de Teuillac a été de nature à retarder la reprise de l'agent, son reclassement ou sa mise à la retraite ; d'autre part, la commune de Teuillac a été plus que négligente dans la gestion de la carrière de Mme Biron ; ainsi dès la fin de sa reprise à mi-temps thérapeutique le 10 avril 2011, la commune de Teuillac aurait dû engager la procédure permettant d'établir son aptitude à exercer ses fonctions et examiner si elle pouvait bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou être mise en mesure de demander son reclassement si elle était déclarée en mesure d'occuper les fonctions correspondantes ; or, il s'est passé quatre années durant lesquelles la commune n'a rien mis en œuvre pour entamer le reclassement de l'agent ou procéder à une mise à la retraite pour invalidité ;

- en outre, par un avis du 17 février 2016, le comité médical départemental a indiqué que l'agent était inapte à ses fonctions ; par courrier du 28 avril 2016, la commune a alors demandé à l'agent d'engager une procédure de reclassement mais cette demande n'a pas été suivie d'effet ; rien ne s'est alors passé avant l'année 2018 ; les premiers juges ont estimé que la procédure de reclassement aurait pu aboutir le 31 décembre 2019 commettant une erreur d'appréciation dès lors qu'elle aurait pu aboutir dans le délai raisonnable d'un an, soit au 31 décembre 2017.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 août 2023 et le 14 novembre 2023, la commune de Teuillac, représentée par la SCP Kappelhoff-Lançon-Valdes, agissant par Me Valdes, conclut :

- à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a d'une part condamné la communauté de communes Couserans-Pyrénées à réparer l'entier préjudice de Mme Biron et d'autre part déclaré recevable son action récursoire à l'encontre de la communauté de communes ;

- à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a limité la période de remboursement des traitements dus à Mme Biron par la communauté de communes Couserans-Pyrénées à la commune de Teuillac jusqu'au 31 décembre 2019 et non jusqu'à sa mise en retraite ;

- à la condamnation de la communauté de communes à lui rembourser, d'une part, la somme de 388 165,56 euros correspondant aux traitements versés à Mme Biron par la commune de Teuillac depuis 2007 jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité et, d'autre part, la somme de 720,36 euros correspondant à la facture de la cure thermale de Mme Biron et à la note de consultation du docteur A... ;

- et, en outre, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la communauté de communes de Couserans-Pyrénées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés ; Mme Biron a sollicité sa reprise du travail pour la fin de l'année 2015 ainsi que la réalisation d'un bilan de compétences en 2016 mais n'a jamais donné suite au courrier du 28 avril 2016 de la commune de Teuillac lui demandant de produire son bilan de compétence afin de pouvoir procéder à une recherche de reclassement ; la commission de réforme a ensuite rendu le 4 avril 2018 un avis d'inaptitude définitive à toute fonction et, par un avis du 6 juin 2018, elle a rendu un avis favorable à sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service ; ces éléments démontrent que la commune de Teuillac s'est particulièrement préoccupée de son agent et a été active dans la gestion de son dossier ;

- s'agissant du versement des salaires, à ce jour et depuis 2007, la commune de Teuillac a versé à Mme Biron la somme de 318 361,15 euros à titre de traitements ; la Cour doit dès lors condamner la communauté de communes à lui rembourser cette somme ;

- au regard des pièces versées, la communauté de communes doit être condamnée à rembourser à la commune de Teuillac la somme de 69 804,41 euros, soit un total de 388 156,56 euros correspondant au versement de son traitement depuis 2007 jusqu'à sa mise en retraite pour invalidité, ainsi que les frais de cure thermale.

Par ordonnance du 26 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 novembre 2023.

Par un courrier du 21 décembre 2023, les parties ont été informées, qu'en application de l'article L. 611-7 du code de justice administrative, la Cour était susceptible de se fonder sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes présentées par la commune de Teuillac tendant à la condamnation de la communauté de communes de Couserans-Pyrénées à lui verser la somme de 720,36 euros correspondant à une cure thermale.

II. Sous le n° 22BX02005, par un courrier du 21 février 2022, Mme C... Biron, représentée par la société d'avocats Cabinet Laveissière, agissant par Me Laveissière, a demandé à la Cour l'exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1804139 du 22 septembre 2021.

Par un courrier du 1er juin 2022, la commune de Teuillac, représentée par la SCP Kappelhoff-Lançon-Valdes, agissant par Me Valdes, a fait valoir, d'une part, que les sommes de 5 000 euros et 1 200 euros ont été versées à Mme Biron, d'autre part, que la communauté de communes Couserans-Pyrénées ne lui a toujours pas versé la somme de 223 303,74 euros correspondant aux traitements payés à Mme Biron du 9 décembre 2007 au 31 décembre 2019, ainsi que les frais de cure thermale.

Par une ordonnance du 30 août 2022, une procédure juridictionnelle a été ouverte sous le n° 22BX02005 en vue de prescrire, s'il y a lieu, les mesures nécessaires à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 septembre 2021.

Par un mémoire, enregistré le 10 novembre 2022, Mme Biron demande à la Cour d'enjoindre à la communauté de communes Couserans-Pyrénées d'exécuter le jugement attaqué dans le délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, et, en outre, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de cette dernière sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2023, la communauté de communes de Couserans-Pyrénées, représentée par la société Urbi et Orbi avocats, agissant par Me Magrini, demande à la Cour de prononcer un non-lieu à statuer dès lors qu'elle a exécuté le jugement.

Elle indique que la somme totale de 122 280,70 euros a été mise en paiement le 13 janvier 2023.

Par ordonnance du 19 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code des communes ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,

- les observations de Me Brouquières, substituant Me Magrini, pour la communauté de communes Couserans-Pyrénées, Me Valdes pour la commune de Teuillac et Me Roncin, substituant Me Laveissière, pour Mme Biron.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 janvier 2024, présentée par la commune de Teuillac dans le dossier 21BX04225.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... Biron, agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM), titularisée par un arrêté du 10 août 2005 du président de la communauté de communes du canton de Massat (Ariège), a présenté dans le courant de l'année 2006, à l'âge de 32 ans, des paresthésies des deux mains puis des membres inférieurs, symptomatiques de ce qui a alors été diagnostiqué comme une méningo-radiculite. Mme Biron a ensuite été recrutée à compter du 1er août 2007, par voie de mutation, par la commune de Teuillac (Gironde). Elle a subi des récidives de polyradiculonévrite aux mois de novembre et décembre 2007 et a été placée en congé maladie ordinaire à compter du 9 décembre 2007, puis en congé de longue maladie à compter du 7 janvier 2014, après avoir été reconnue comme travailleur handicapé le 1er septembre 2009 par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Par un jugement du 4 février 2013, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé un premier arrêté du maire de Teuillac du 29 avril 2010 refusant de reconnaître comme imputable au service la pathologie contractée par Mme Biron et lui a enjoint de réexaminer la demande de l'intéressée. Par un jugement du 6 octobre 2015, le tribunal a annulé un deuxième arrêté du maire de Teuillac du 4 avril 2014 rejetant de nouveau la demande de Mme Biron d'imputabilité au service de sa pathologie. Dans l'intervalle, et après une expertise médicale, qui a conclu à la contamination par la fièvre Q ou méningo-encéphalite à Coxiella Borneti de Mme Biron dans le cadre des fonctions exercées au sein de l'école de Soulan, la commission départementale de réforme a reconnu, le 22 janvier 2014, l'imputabilité au service de sa maladie à compter du 1er janvier 2006. Par un troisième arrêté du 30 octobre 2014, la commune de Teuillac a reconnu que la pathologie de Mme Biron était imputable au service accompli au sein de la communauté de communes. Par un jugement du 13 octobre 2015, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 octobre 2017, le tribunal a rejeté la demande présentée par la communauté de communes, tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

2. Par un courrier du 22 mai 2018, Mme Biron a adressé une réclamation indemnitaire à la commune de Teuillac et à la communauté de communes Couserans-Pyrénées et leur a demandé de procéder à la régularisation de sa situation administrative et financière, et de la placer à la retraite pour invalidité imputable au service, sauf si un reclassement était possible. Elle a demandé au tribunal l'annulation de la décision implicite née le 24 juillet 2018 du silence gardé par le maire de la commune de Teuillac sur ses demandes de versement de traitements, de l'allocation temporaire d'invalidité et de non placement à la retraite pour invalidité, et l'annulation de la décision du 20 juillet 2018 par laquelle le président de la communauté de communes Couserans-Pyrénées a rejeté ces mêmes demandes. Elle a également sollicité la condamnation des collectivités en cause à réparer les divers préjudices qu'elle a subis et qu'il leur soit enjoint de procéder à la régularisation de sa situation administrative et financière.

3. Par un jugement du 22 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la communauté de communes Couserans-Pyrénées à verser à Mme Biron la somme de 119 980,70 euros au titre de divers préjudices, a condamné la commune de Teuillac à verser à Mme Biron la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, a annulé la décision implicite par laquelle la commune de Teuillac a refusé de payer à Mme Biron la fraction des traitements dont elle a été illégalement privée. Le tribunal a enjoint à la commune de Teuillac de payer à Mme Biron le complément de rémunération correspondant à la fraction des traitements dont elle a été illégalement privée et a condamné la communauté de communes de Couserans-Pyrénées à verser à la commune de Teuillac la somme de 720,36 euros, ainsi que la somme correspondant aux traitements payés par cette dernière à Mme Biron pendant la période du 9 décembre 2007 au

31 décembre 2019 et a mis à sa charge les frais d'expertise.

4. Par sa requête n° 21BX04225, la communauté de communes Couserans-Pyrénées fait appel de ce jugement dont elle demande la réformation en tant seulement qu'il l'a condamnée à verser les traitements dus à Mme Biron jusqu'au 31 décembre 2019 et demande que le terme du versement de ces traitements soit fixé au 31 décembre 2017. La commune de Teuillac conclut au rejet de cette requête et, par la voie de l'appel incident, demande que la condamnation de la communauté de communes au paiement des traitements dus à Mme Biron soit prolongée jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité et que la somme de 720,36 euros correspondant à une cure thermale soit mise à la seule charge de la communauté de communes de Couserans-Pyrénées. Par la requête n° 22BX02005, Mme Biron et la commune de Teuillac demandent l'exécution du jugement.

Sur la requête n° 21BX04225 :

En ce qui concerne la recevabilité :

5. La commune de Teuillac réitère devant la Cour ses conclusions tendant à la condamnation de la communauté de communes de Couserans-Pyrénées à lui verser la somme de 720,36 euros correspondant à une cure thermale. Ainsi que les parties en ont été informées par courrier du 21 décembre 2023, de telles conclusions sont irrecevables dès lors que la commune de Teuillac a déjà obtenu satisfaction devant le tribunal sur ce point et ne justifie par suite pas d'un intérêt pour agir.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

6. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) La collectivité est subrogée dans les droits éventuels du fonctionnaire victime d'un accident provoqué par un tiers jusqu'à concurrence du montant des charges qu'elle a supportées ou supporte du fait de cet accident. Elle est admise à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées audit fonctionnaire pendant la période d'indisponibilité de celui-ci (...) ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 81 de la même loi : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / Lorsque l'admission à la retraite pour invalidité intervient après que les conditions d'ouverture du droit à une pension de droit commun sont remplies par ailleurs, la liquidation des droits s'effectue selon la réglementation la plus favorable pour le fonctionnaire. / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. En aucun cas, elle ne pourra avoir une date d'effet postérieure à la limite d'âge du fonctionnaire sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée ". Aux termes de l'article 36 du même décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) ".

8. En application de ces dispositions, la collectivité au service de laquelle se trouvait l'agent lors de l'accident de service doit supporter les conséquences financières de la rechute consécutive à cet accident, alors même que cette rechute est survenue alors qu'il était au service d'une nouvelle collectivité. La collectivité qui employait l'agent à la date de l'accident doit ainsi prendre en charge non seulement les honoraires médicaux et les frais exposés par celui-ci qui sont directement entraînés par la rechute mais aussi le remboursement des traitements qui lui ont été versés par la collectivité qui l'emploie à raison de son placement en congé de maladie ordinaire, de congé de longue maladie ou de congé de longue durée, dès lors que ce placement a pour seule cause la survenue de la rechute consécutive à l'accident de service. Si la collectivité qui l'emploie est tenue de verser à son agent les traitements qui lui sont dus, elle est cependant fondée à demander à la collectivité qui l'employait à la date de l'accident, par une action récursoire, le remboursement de ceux de ces traitements qui sont liés à la rechute ainsi que des éventuels honoraires médicaux et frais qu'elle aurait pris en charge du fait de cette rechute. Cette action récursoire ne peut être exercée, s'agissant des traitements, qu'au titre de la période qui est raisonnablement nécessaire pour permettre la reprise par l'agent de son service ou, si cette reprise n'est pas possible, son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois ou encore, si l'agent ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, pour que la collectivité qui l'emploie prononce sa mise d'office à la retraite par anticipation.

9. Il résulte également des dispositions combinées citées aux points 5 et 6, que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service, d'une maladie contractée ou aggravée en service ou de l'une des autres causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé de maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation. L'administration a l'obligation de maintenir l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre le service ou jusqu'à sa mise à la retraite.

10. La communauté de communes de Couserans-Pyrénées soutient que la date du 31 décembre 2019, qui correspond selon les premiers juges à celle à laquelle il était raisonnable de penser que Mme Biron aurait pu être reclassée, est entachée d'erreur d'appréciation et doit être ramenée au 31 décembre 2017. La commune de Teuillac, par la voie de l'appel incident, soutient qu'elle n'a commis aucune faute ou retard dans la prise en charge de la situation de Mme Biron et demande la réformation du jugement en tant qu'il a fixé au 31 décembre 2019 et non à la date de la mise en retraite pour invalidité de Mme Biron la fin de la prise en charge des traitements de Mme Biron par la communauté de communes Couserans-Pyrénées.

11. Il résulte des points 5 et 6 et il n'est d'ailleurs pas contesté que la communauté de communes de Couserans-Pyrénées doit verser à Mme Biron les traitements dont cette dernière a été illégalement privée à compter du 9 décembre 2007, date de son placement en congé de maladie, et que les traitements effectivement versés par la commune de Teuillac à Mme Biron durant ses périodes d'arrêts de travail doivent être mis à la charge de la communauté de communes de Couserans-Pyrénées, dans la mesure où elle a fait elle-même toutes diligences pour mettre un terme à ces arrêts de travail.

12. Il résulte de l'instruction, et notamment du tableau récapitulatif produit par la commune de Teuillac, qui n'a pas fait l'objet de contestation, que cette dernière a payé à Mme Biron les sommes dues au titre des traitements durant ses périodes d'arrêts de travail. Il résulte également de l'instruction qu'en dehors d'une période de reprise de ses fonctions d'ATSEM à mi-temps thérapeutique du 11 octobre 2010 au 10 avril 2011, Mme Biron a été placée, sans discontinuité, en congé de maladie pour accident de service depuis le 9 décembre 2007. Le 18 janvier 2010, elle a bénéficié de la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, dont l'équipe disciplinaire avait constaté que les possibilités pour Mme Biron d'obtenir ou de conserver un emploi étaient réduites. Après que sa maladie a été reconnue imputable au service par la commune de Teuillac par un arrêté du 30 octobre 2014, Mme Biron a informé le maire de la commune de son souhait de reprendre une activité sur un poste aménagé avant de demander le 24 octobre 2015 à cette même autorité de transmettre à la commission de réforme sa demande de mise à la retraite pour invalidité. Le 17 février 2016, le comité médical départemental a reconnu Mme Biron inapte à ses fonctions d'ATSEM et la commune de Teuillac lui a alors demandé, le 26 avril 2016, de lui transmettre les documents nécessaires à la recherche de son reclassement, sans obtenir de réponse. Or, il ne résulte pas de l'instruction qu'entre avril 2016 et le 23 novembre 2017, date de saisine de la commission de réforme pour qu'elle se prononce sur son aptitude à l'exercice de ses fonctions, la commune de Teuillac aurait engagé une procédure ni sollicité l'avis d'aucune instance consultative, ni d'un médecin expert quant à la situation administrative et médicale de son agent. Il résulte également de l'instruction que ce n'est que le 13 décembre 2018 que la commune de Teuillac a transmis à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales (CNRACL) un dossier d'études des droits à pension pour invalidité de Mme Biron.

13. Ainsi, il appartenait à la commune de Teuillac dès le courant de l'année 2016 d'engager la procédure permettant d'établir, après consolidation de son état de santé, l'aptitude de Mme Biron à reprendre son service et d'examiner si elle pouvait, le cas échéant, bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, à défaut, être mise en mesure de demander son reclassement dans un emploi. Ainsi, l'ensemble de ces procédures pouvaient aboutir au plus tard au 31 décembre 2018, si elles avaient été menées avec une diligence adéquate par la commune de Teuillac.

14. Dans ces conditions, la communauté de communes de Couserans-Pyrénées est fondée à demander la réformation du jugement sur ce point et à demander que seuls les traitements que la commune de Teuillac justifie avoir versés à Mme Biron entre le 9 décembre 2007 et le 31 décembre 2018 soient mis à sa charge. Le jugement doit par suite être réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Sur la requête n° 22BX02005 :

15. A la demande de Mme Biron, le président de la Cour a, par une ordonnance du 30 août 2022, décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de l'exécution du jugement n° 1804139 du 21 septembre 2021 qui fait l'objet du présent arrêt.

16. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. (...) Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".

17. Il appartient au juge saisi d'une demande d'exécution d'une décision de justice sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.

18. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme Biron a perçu la somme de 119 980,70 euros en réparation de ses préjudices découlant de sa maladie d'origine professionnelle et la somme de 1 100 euros pour les frais d'expertise et la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que l'établit le mandat de paiement émis le 13 janvier 2023 par la communauté de communes de Couserans-Pyrénées.

19. En deuxième lieu, le tribunal a condamné la commune de Teuillac à verser à Mme Biron la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et a enjoint à la commune de Teuillac de payer à Mme Biron le complément de rémunération correspondant à la fraction des traitements dont elle a été illégalement privée. Il résulte de la lettre de la commune de Teuillac du 1er juin 2022, non contestée par Mme Biron, que la commune de Teuillac a versé à Mme Biron les sommes de 5 000 euros et 1 200 euros en application du jugement précité ainsi que les traitements dont elle a été illégalement privée jusqu'à sa mise à la retraite.

20. Par suite, le jugement n° 1804139 du 21 septembre 2021 dont il n'était pas fait appel de ces condamnations a été exécuté sur ces points. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.

21. En troisième lieu, le tribunal a condamné la communauté de communes de Couserans-Pyrénées à verser à la commune de Teuillac la somme de 720,36 euros et il ne résulte pas de l'instruction que la communauté de communes a exécuté le jugement sur ce point. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la communauté de communes de verser à la commune de Teuillac la somme de 720,36 euros correspondant à une cure thermale, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la période de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

22. En dernier lieu, le tribunal a condamné la communauté de communes de Couserans-Pyrénées à verser à la commune de Teuillac les sommes correspondant aux traitements payés par cette dernière à Mme Biron durant la période du 9 décembre 2007 au 31 décembre 2019. Par le présent arrêt, la Cour réforme partiellement le jugement n° 1804239 du 22 septembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux sur ce point. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions tendant à l'exécution du jugement sur ce point présentées par la commune de Teuillac sont rejetées.

Sur les frais d'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes de Couserans-Pyrénées qui n'est pas la partie perdante dans l'instance n° 21BX04225, la somme demandée par la commune de Teuillac au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Teuillac la somme demandée au même titre par la communauté de communes de Couserans-Pyrénées. Au titre de l'instance n° 22BX02005, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes Couserans-Pyrénées une somme de 1 000 euros à verser à Mme Biron en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22BX02005 en tant qu'elles concernent la demande de Mme Biron.

Article 2 : La communauté de communes de Couserans-Pyrénées est condamnée à verser à la commune de Teuillac les sommes correspondantes aux traitements payés par cette dernière à Mme Biron pendant la période du 9 décembre 2007 au 31 décembre 2018.

Article 3 : Le jugement n° 1804239 du 22 septembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.

Article 4 : Il est enjoint à la communauté de communes Couserans-Pyrénées de verser à la commune de Teuillac la somme de 720,36 euros, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 5 : la communauté de communes Couserans-Pyrénées versera à Mme Biron une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Couserans-Pyrénées, à la commune de Teuillac, à Mme C... Biron, à la CPAM du Tarn et à la CPAM de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2024.

La rapporteure,

Caroline B...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX04225-22BX02005 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04225
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : VALDES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;21bx04225 ?
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