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01/02/2024 | FRANCE | N°23BX01247

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 01 février 2024, 23BX01247


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 24 août 2022 par laquelle le préfet de la Dordogne a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse.



Par un jugement n° 2205226 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 9 mai 2023, M. A..., r

eprésenté par Me Zerrouki demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 24 août 2022 par laquelle le préfet de la Dordogne a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse.

Par un jugement n° 2205226 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2023, M. A..., représenté par Me Zerrouki demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 mars 2023 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Dordogne du 24 août 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation dès lors que la condition de ressources doit être appréciée en prenant en compte ses revenus bruts sur la période de décembre 2020 à décembre 2021 ; en outre son salaire a été augmenté à deux reprises depuis le 1er mai 2022 ;

- la décision du préfet est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il a pris en compte une cellule familiale de 4 personnes alors qu'ils n'ont pas d'enfants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1598 du 16 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 27 septembre 2021 relatif au relèvement du salaire minimum de croissance ;

- le décret n° 2021-1741 du 22 décembre 2021 portant relèvement du salaire minimum de croissance ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 12 juin 2026. Par une demande déposée le 6 décembre 2021 et enregistrée le 17 mai 2022, il a sollicité le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse. Par décision du 24 août 2022, le préfet de la Dordogne a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 8 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 24 août 2022 :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans (...) ". Aux termes de l'article L. 434-7 du même code : " L'étranger qui en fait la demande est autorisé à être rejoint au titre du regroupement familial s'il remplit les conditions suivantes : 1° Il justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille (...) ". Aux termes de l'article L. 434-8 de ce code : " Pour l'appréciation des ressources mentionnées au 1° de l'article L. 434-7 toutes les ressources du demandeur et de son conjoint sont prises en compte, (...) Ces ressources doivent atteindre un montant, fixé par décret en Conseil d'Etat, qui tient compte de la taille de la famille du demandeur et doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième (...) ". Enfin selon l'article R. 434-4 de ce code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 434-7, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : (...) 1° Cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; 2° Cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 434-26 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'entrer en France dans le cadre du regroupement familial est le préfet et, à Paris, le préfet de police. Cette autorité statue sur la demande de regroupement familial dans un délai de six mois à compter du dépôt par l'étranger du dossier complet de cette demande. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la demande de regroupement familial. ". Aux termes de l'article R. 434-12 du même code : " Au vu du dossier complet, les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration délivrent sans délai une attestation de dépôt de dossier qui fait courir le délai de six mois prévu à l'article L. 421-4.

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période et que seule la présentation d'un dossier complet permet la délivrance par l'administration de l'attestation de dépôt de cette demande et détermine la date à partir de laquelle doit être apprécié le caractère suffisant des ressources. En outre, en application du décret du 17 décembre 2020 portant relèvement du salaire minimum de croissance, le montant mensuel brut du salaire minimum interprofessionnel de croissance était de 1 554,58 euros pour l'année 2021, porté à 1589,47 euros mensuels à compter du 1er octobre 2021 par arrêté du 27 septembre 2021 et à 1 603,12 euros mensuels à compter du 1er janvier 2022 par le décret du 22 décembre 2021 portant relèvement du salaire minimum de croissance.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, saisie d'une demande datée du 6 décembre 2021, l'office français de l'immigration et de l'intégration a enregistré le dossier complet le 17 mai 2022. Ainsi, le caractère suffisant du niveau de ressources de M. A... doit être apprécié sur la période de douze mois précédant cette date, soit de mai 2021 à avril 2022. Il ressort de la décision attaquée que pour estimer que ces ressources étaient insuffisantes, le préfet s'est fondé sur la circonstance que le foyer du requérant était composé de 4 personnes du fait de la présence des deux enfants de M. A... issus d'une précédente union et que son revenu brut mensuel moyen s'élevait à 1 695 euros. Si M. A... soutient que son foyer n'est composé que de deux personnes, il ressort des pièces du dossier et notamment du jugement du juges aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Périgueux du 8 juillet 2021 qu'il est le père de deux enfants issus d'un précédent mariage dont la résidence est fixée au domicile de leur mère, et pour lesquels il exerce un droit de visite tous les week-end et la moitié des vacances scolaires et que sa contribution à l'entretien et l'éducation des enfants est fixée à 50 euros par mois et par enfant. Il ressort en outre des bulletins de salaire produits par le préfet à la suite d'une mesure d'instruction que le revenu mensuel brut de M. A... sur cette période, en tenant compte des primes de panier, s'élevait à au moins 1 857 euros. Ainsi, en admettant même que la famille de M. A... puisse être regardée comme étant composée de quatre personnes, ses ressources mensuelles étaient supérieures à la moyenne mensuelle brute du salaire minimum de croissance augmenté de 10% prévu dans ce cas, qui s'élevait à 1 737,43 euros bruts. Par suite, en refusant le bénéfice du regroupement familial sollicité au motif que M. A... ne justifiait pas de ressources suffisantes au cours des douze mois précédant sa demande, le préfet de la Dordogne a fait une inexacte application des dispositions précitées.

6. Il s'ensuit, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 24 août 2022.

Sur l'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Dordogne fasse droit à la demande de regroupement familial présentée par le requérant. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Dordogne de délivrer l'autorisation de regroupement familial au bénéfice de l'épouse de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. M. A... n'a pas présenté de demande d'aide juridictionnelle. Par suite, il n'y a pas lieu que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me Zerrouki, son avocat, de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État, qui dans la présente instance, est la partie perdante, le versement à M. A... lui-même d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2205226 du 8 mars 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ainsi que la décision du 24 août 2022 du préfet de la Dordogne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Dordogne d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de l'épouse de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera une somme de 1 200 euros à M. A... au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX01247 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01247
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : ZERROUKI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;23bx01247 ?
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