Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 20 juillet 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2200969 du 9 janvier 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 mars 2023, Mme F... D... A..., représentée par Me Gali, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler la décision du 20 juillet 2021 de la préfète de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 72 heures et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le refus de séjour méconnaît le premier paragraphe de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la qualité du signataire de la décision litigieuse est illisible et il n'est pas justifié qu'il bénéficierait d'une délégation de signature régulièrement publiée ; à supposer l'existence d'une délégation de signature elle est rédigée en des termes trop généraux et ne vise pas l'hypothèse d'un acte portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français et signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
- la décision litigieuse a été édictée au terme d'une procédure irrégulière faute de saisine de la commission du titre de séjour ;
- le refus de séjour qui lui a été opposé méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît également son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- il méconnaît le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant puisque sa fille serait séparée de son père français si la cellule familiale était amenée à se reconstituer aux Comores ;
- la décision litigieuse méconnaît également l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son activité salariée ; elle remplit les critères d'une régularisation par le travail prévus par la circulaire du 28 novembre 2012.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il indique s'en remettre à son mémoire de première instance.
Mme D... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier,
- et les observations de Me Gali, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A..., ressortissante comorienne, indique être entrée en France en 2016. Un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " lui a été délivré le 9 février 2017 qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 10 février 2020. Elle a sollicité, le 26 décembre 2019, le renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. La préfète de la Gironde a refusé de faire droit à cette demande par une décision du 20 juillet 2021 dont Mme D... A... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Bordeaux. Elle relève appel du jugement du 9 janvier 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Mme D... A... soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que le refus de séjour litigieux méconnaîtrait le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme D... A... s'était borné à indiquer, devant les premiers juges, que " perdre son titre de séjour [la] placerait dans une situation de précarité qui irait incontestablement à l'encontre de l'intérêt de son enfant dont elle a l'entière charge ". Cette seule mention, alors que la demande a été présentée par le ministère d'une avocate, ne saurait être regardée comme un moyen tiré de la méconnaissance de la convention internationale des droits de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme D... A..., la qualité du signataire de la décision de refus de séjour litigieuse est parfaitement lisible. Ensuite, ainsi que l'a relevé le tribunal, la préfète de la Gironde a, par un arrêté du 5 mai 2021 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Gironde, donné délégation à M. G... C..., chef du bureau de l'admission au séjour des étrangers, à l'effet de signer les décisions portant refus de délivrance de titres de séjour en l'absence de M. B... E..., directeur des migrations et de l'intégration, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas été absent ou empêché le jour de la signature de l'acte contesté. Cette délégation est rédigée en des termes suffisamment précis et n'a pas un caractère général contrairement à ce que soutient la requérante. Enfin, la préfète de la Gironde s'étant borné à édicter à l'encontre de Mme D... A... une décision de refus de séjour, cette dernière ne peut utilement soutenir que la délégation dont bénéficie le signataire de la décision litigieuse ne porte pas sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire national et signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-8 de du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant ".
5. S'agissant de la contribution du père français de la fille de Mme D... A... à son entretien, la requérante produit au dossier un ordre de virement d'une somme de 50 euros du mois de mars 2018 et des relevés bancaires attestant de la régularité de cette contribution depuis le mois de décembre 2019. Toutefois, s'agissant de la contribution à l'éducation de sa fille, Mme D... A... se borne à produire quatre photographies de l'enfant avec un homme présenté comme son père et une attestation qu'elle a elle-même réalisée indiquant qu'il rend visite à son enfant quatre fois par an. Ces éléments ne sont pas de nature à démontrer la contribution du père français de sa fille à son éducation au sens des dispositions précitées. Par ailleurs, si Mme D... A... produit la décision du juge aux affaires familiales statuant sur sa demande de fixation des modalités de l'autorité parentale sur sa fille, cette décision est postérieure à la date de la décision attaquée et ne saurait permettre de retenir que les conditions prévues par les dispositions précitées étaient satisfaites à la date de son édiction.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles visés par ces dispositions auxquels il envisage néanmoins de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent. Dès lors que Mme D... A..., ainsi qu'il est indiqué au point 5 du présent arrêt, ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est pas fondée à soutenir que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie en application de cet article avant l'intervention de la décision de refus du titre de séjour.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... A... exerçait, à la date de la décision litigieuse, une activité de femme de chambre sous couvert d'un contrat à durée indéterminée. Pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, la préfète de la Gironde a retenu qu'aucune demande d'autorisation de travail n'avait été sollicitée pour lui permettre de continuer son activité salariée, circonstance faisant obstacle à la délivrance d'un titre de séjour. Mme D... A..., qui ne critique pas ce motif de la décision litigieuse, n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, qui ne comporte, en tout état de cause, que de simples orientations générales et n'est pas opposable à l'administration.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... A... est entrée en France dans le courant de l'année 2016, qu'elle a obtenu un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à séjourner en France entre le 9 février 2017 et le 10 février 2020 et qu'à la date de la décision litigieuse, elle exerçait une activité professionnelle depuis le mois d'avril 2019. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le père de sa fille française contribuerait à son éducation et la requérante justifie avoir conclu, le 5 juillet 2018, un pacte civil de solidarité avec un compatriote dont elle a eu un second enfant. Dans ces conditions, alors même que la sœur de son partenaire vivrait en France, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de Mme D... A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de sa fille ainée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, doit également être écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste dont serait entachée la décision litigieuse dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme D... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23BX00802 2