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16/01/2024 | FRANCE | N°23BX02387

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 16 janvier 2024, 23BX02387


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 novembre 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2202728 du 4 septembre 2023, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requê

te et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 4 novembre et 4 décembre 2023, M. C... F...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 novembre 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2202728 du 4 septembre 2023, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 4 novembre et 4 décembre 2023, M. C... F..., représenté par SP Avocats, agissant par Me Pather, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 4 septembre 2023 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la consultation du fichier visabio a été effectuée par des agents qui n'y étaient pas autorisés par les articles R. 142-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- étant mineur, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; l'acte d'état civil qu'il produit fait foi jusqu'à preuve contraire, en application de l'article 47 du code civil ; le seul fait qu'il ne soit pas légalisé, et dépourvu de timbre fiscal et de photographie ne permet pas d'établir son caractère irrégulier ;

- le procès-verbal de recueil et de comparaison des empreintes n'est pas produit ; un relevé visabio ne permet pas, à lui-seul, d'établir la majorité d'une personne ;

- ses déclarations devant les forces de police ont été effectuées hors la présence de son avocat, sous la menace de poursuites pénales et d'emprisonnement ;

- l'évaluation sociale avait également conclu à sa majorité ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi sera annulée en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2023, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 11 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Se disant M. C... F..., ressortissant ghanéen né le 7 août 2006, le requérant a déclaré être entré seul sur le territoire français en septembre 2022 et a été accueilli provisoirement par les services de l'aide sociale à l'enfance du département des Pyrénées-Atlantiques, mais par décision du 22 novembre 2022, le président du conseil départemental a refusé de le prendre en charge en qualité de mineur isolé au motif que sa véritable identité serait M. E... D..., né le 7 juillet 2002. Le lendemain, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, se fondant sur le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. F... a demandé l'annulation de ces décisions au tribunal administratif de Pau, qui a rejeté sa demande par un jugement en date du 22 mars 2023 dont l'intéressé relève appel.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ". L'arrêté du 23 novembre 2022 vise le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne qu'il ne peut justifier ni d'une entrée régulière, ni de la possession d'un premier titre de séjour régulièrement délivré. Il précise que si l'intéressé a déclaré se nommer M. C... F..., les investigations ont révélé que son identité était M. E... D... ainsi qu'il résulte notamment du procès-verbal d'audition dressé le 22 novembre 2022 par l'unité judiciaire d'investigation de Pau. Si le requérant soutient que la nature de ces investigations n'est pas précisée, l'arrêté mentionne que M. D... est connu du fichier Visabio, et l'article L. 613-1 n'imposait pas que soient détaillées l'ensemble des vérifications effectuées par les services de police ou préfectoraux. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 142-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas justifié des pièces ou documents mentionnés à l'article L. 812-1 (...), les données des traitements automatisés des empreintes digitales mis en œuvre par le ministère de l'intérieur peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services de ce ministère dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ". Aux termes de l'article R. 142-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ministère chargé des affaires étrangères et le ministre chargé de l'immigration sont autorisés à mettre en œuvre, sur le fondement du 1° de l'article L. 142-1, un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " VISABIO ". / Ce traitement a pour finalités : (...) / 5° De faciliter, sur le territoire national, les vérifications d'identité opérées, en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale, par les services de la police et de la gendarmerie nationales ; 6° De faciliter la vérification par les services mentionnés au 5° de l'authenticité des visas et de la régularité du séjour ; 7° De faciliter l'identification des étrangers en situation irrégulière en vue de leur éloignement ; (...) ". Et l'article R. 142-6 du même code dispose que : " Peuvent être destinataires des données à caractère personnel et des informations enregistrées dans le traitement mentionné à l'article R. 142-1, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître : (...) / 7° Pour des missions de contrôle de l'authenticité des visas et de régularité du séjour, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire des services de la police et de la gendarmerie nationales individuellement désignés et spécialement habilités dans les conditions prévues au 3° du présent article ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le brigadier A..., officier de police judiciaire, en résidence à Billère a procédé le 22 novembre 2022, lors de l'audition du requérant placé en garde à vue pour des faits d'escroquerie au préjudice du département des Pyrénées Orientales, à la consultation du fichier Visabio, conformément aux dispositions précitées du 7° de l'article R. 142-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de contrôler la régularité de son séjour, l'absence de mention de l'habilitation de l'agent sur cet acte de procédure n'étant pas de nature, par elle-même, à entacher d'irrégularité la mesure d'éloignement. Les éléments ainsi recueillis ont démontré que le requérant s'avérait être M. E... D... né le 7 juillet 2002, ce qu'il a d'ailleurs reconnu. Le requérant ne peut par suite utilement soutenir que l'agent qui a procédé à la consultation du fichier Visabio ne pouvait consulter ce fichier que dans le cadre d'une mission de prévention et de répression d'actes de terrorisme.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ". Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise par l'autorité administrative à l'égard d'une personne dont elle estime, au terme de l'examen de sa situation, qu'elle est majeure, alors même qu'elle allèguerait être mineure. Elle implique en revanche que le juge administratif se prononce sur la minorité alléguée sauf, en cas de difficulté sérieuse, à ce qu'il saisisse l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle portant sur l'état civil de l'intéressé. Dans l'hypothèse où une instance serait en cours devant le juge des enfants, le juge administratif peut surseoir à statuer si une telle mesure est utile à la bonne administration de la justice. Lorsque le doute persiste au vu de l'ensemble des éléments recueillis, ce doute doit profiter à la qualité de mineur de l'intéressé. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la consultation du fichier Visabio a révélé que les empreintes du requérant étaient enregistrées sous l'identité de M. E... G... D..., ressortissant ghanéen ayant effectué deux demandes de visa, les 12 octobre 2021 et 22 juin 2022, cette deuxième demande ayant été acceptée par les autorités espagnoles.

6. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a reconnu, lors de son audition par les services de police, le 22 novembre 2022, être M. E... D.... Aucun élément ne permet de remettre en cause ses aveux circonstanciés. En particulier, contrairement à ce que soutient le requérant, son avocat était présent lors de ses déclarations.

7. En outre, le requérant fait valoir qu'il a transmis aux autorités un acte de naissance au nom de M. C... F..., et se prévaut des dispositions de l'article 47 du code civil, aux termes duquel : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Toutefois, le préfet de la Gironde ne critique pas l'authenticité de ce document, mais conteste qu'il concerne le requérant. Par suite, celui-ci ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.

8. Le requérant fait également valoir que l'évaluation sociale effectuée en application de l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles a conclu à sa minorité. Toutefois, les agents chargés de l'évaluation ont mentionné, dans le rapport d'évaluation, que : " Nous ne possédons pas beaucoup d'éléments sur la vie de F... C.... (...) Le comportement et le développement physique observé permettent de justifier d'une minorité pour F... C.... Cependant, il semblerait que ce dernier soit plus proche de la majorité que de l'âge allégué de 16 ans ". Par ailleurs, le département des Pyrénées-Atlantiques a refusé sa prise en charge notamment au motif, non contesté par le requérant, que " La profession de sportif a été mentionnée [lors de la demande de visa]. Or, une simple vérification sur Google fait apparaître E... Lareya G... né le 7 juillet 2002 à Accra dans les sites spécialisés de transfert de joueurs ".

9. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, et bien que le préfet des Pyrénées-Atlantiques ne produise pas les relevés d'empreintes digitales, qu'en estimant que l'identité du requérant était M. E... G... D..., né le 7 juillet 2002, et qu'en conséquence il n'était pas protégé par les dispositions du 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le Préfet n'a commis ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation.

10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré récemment sur le territoire, et y est dépourvu de toute attache familiale. Même s'il a débuté une formation en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle, et pratique le football dans une association, la mesure d'éloignement n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

11. En dernier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, de l'illégalité, par la voie de l'exception, de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

12. Il s'ensuit que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... alias M. C... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 janvier 2024

Le rapporteur,

Julien B...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX02387 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02387
Date de la décision : 16/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Julien DUFOUR
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : SP AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-16;23bx02387 ?
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