La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/01/2024 | FRANCE | N°23BX01618

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 16 janvier 2024, 23BX01618


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un premier jugement n° 2201770 du 23 décembre 2022, le magistra

t désigné du tribunal administratif de Limoges a renvoyé en formation collégiale l'examen des conclusion...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un premier jugement n° 2201770 du 23 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Limoges a renvoyé en formation collégiale l'examen des conclusions de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2022 en tant qu'il portait refus de séjour et a annulé cet arrêté en tant qu'il portait obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un second jugement n° 2201770 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Limoges, statuant en formation collégiale, a rejeté les conclusions de M. C... dirigées contre le refus de titre de séjour contenu dans l'arrêté du 9 décembre 2022.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2023, M. B... C..., représenté par Me Moreau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges n° 2201770 du 28 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral en litige ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer le titre de séjour sollicité, à défaut de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il représentait une menace pour l'ordre public, ce qui ne lui permettait pas de prétendre à un certificat de résidence en application de l'article 6-4° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en tant qu'ascendant direct d'un enfant mineur français ;

- s'il a été condamné et incarcéré en juin 2022, c'est en raison d'une seule et unique infraction ; le juge de l'application des peines a tenu compte de son bon comportement en détention pour l'autoriser à purger sa peine sous le régime de la semi-liberté ; il présente également des perspectives d'insertion dans la société française car il est suivi par une association de lutte contre l'exclusion et justifie d'une promesse d'embauche dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ;

- il est entré en France en 2019 et justifie d'une vie commune avec une ressortissante française ; il justifie contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille sur laquelle il exerce l'autorité parentale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2023.

Par une ordonnance du 29 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 novembre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant algérien né le 28 juillet 1997, est entré irrégulièrement sur le territoire français en septembre 2018 selon ses déclarations. Après le rejet de sa demande d'asile prononcé le 13 février 2020 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le préfet de la Haute-Vienne a pris à l'encontre de M. C... un arrêté du 22 septembre 2020 portant retrait de l'attestation de demandeur d'asile, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le recours contentieux formé par M. C... contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 décembre 2020, confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans son arrêt du 15 juillet 2021. Le 18 juin 2021, M. C... a déposé en préfecture de la Haute-Vienne une demande de certificat de résidence en invoquant sa qualité de père d'un enfant de nationalité française, né le 16 mai 2021, et qu'il a reconnu par anticipation le 7 octobre 2020. Après avoir consulté la commission du titre de séjour, qui a rendu un avis défavorable à la demande de M. C..., la préfète de la Haute-Vienne a, par arrêté du 9 décembre 2022, refusé de délivrer à ce dernier le certificat de résidence sollicité, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et prolongé de deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français décidée par son précédent arrêté du 22 septembre 2020. M. C... a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2022. Par un premier jugement du 23 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal a renvoyé en formation collégiale les conclusions dirigées contre le refus de certificat de résidence contenu dans l'arrêté en litige, puis a annulé ce même arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai et prolongation de deux années de la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français. Par un second jugement rendu le 28 février 2023, le tribunal administratif de Limoges, statuant en formation collégiale, a rejeté les conclusions de M. C... dirigées contre le refus de certificat de résidence contenu dans l'arrêté du 9 décembre 2022.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ". Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

3. Par un jugement rendu le 12 juillet 2022, le tribunal correctionnel de Limoges a condamné M. C..., qui était écroué à la maison d'arrêt de Limoges depuis le 2 juin 2022, à une peine de deux ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis probatoire de deux ans, pour des faits de transport, détention, offre ou cession, acquisition et usage de stupéfiants commis entre le 24 juin 2021 et le 30 mai 2022. Les infractions qui ont valu à M. C... d'être condamné pénalement étaient graves et présentaient un caractère très récent à la date de l'arrêté attaqué. La circonstance que le juge d'application des peines a admis M. C... au bénéfice du régime de semi-liberté, lequel est une modalité d'exécution de la peine, est sans incidence sur la réalité de la menace à l'ordre public représentée par l'intéressé, que la préfète de la Haute-Vienne pouvait légalement retenir à la suite d'ailleurs de la commission du titre de séjour. Par suite, le refus de certificat de résidence en litige n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 6-4° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... n'a jamais bénéficié d'un certificat de résidence et s'est soustrait à la mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 22 septembre 2020. Par les pièces qu'il produit, M. C... ne justifie pas entretenir une relation intense, ancienne et stable avec Mme A..., ressortissante française, quand bien même cette dernière a donné naissance à leur fille à Limoges le 16 mai 2021. A cet égard, il ressort des pièces du dossier que l'enfant a fait l'objet de mesures d'assistance éducative confiées à l'aide sociale pour l'enfance du département, par jugement du tribunal pour enfant du 2 décembre 2021, au motif que ses parents n'étaient pas en mesure de lui offrir un cadre adapté à son éducation et à son développement. Et pas plus en appel qu'en première instance, M. C... ne produit d'éléments permettant d'estimer qu'il aurait contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille ou aurait des relations régulières avec elle. Quant à la promesse d'embauche et la demande d'autorisation de travail présentées par la société " Sam Snack " dans l'intérêt de M. C..., elles ne peuvent être prises en considération dès lors qu'elles sont postérieures à la décision attaquée. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. C... conserve des attaches familiales dans son pays d'origine où vivent cinq membres de sa famille et où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, et compte tenu en outre de la menace pour l'ordre public que représente M. C..., la préfète de la Haute-Vienne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant l'arrêté en litige.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation du refus de certificat de résidence contenu dans l'arrêté du 9 décembre 2022. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et aux fins de versement par l'Etat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie pour information en sera délivrée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01618


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01618
Date de la décision : 16/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-16;23bx01618 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award