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16/01/2024 | FRANCE | N°23BX00053

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 16 janvier 2024, 23BX00053


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du maire de Montauriol du 22 décembre 2021 lui infligeant une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix-huit mois.



Par un jugement n° 2200133 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint à la commune de Montauriol de procéder à la reconstitution de la carrière de Mme B... et, enfi

n, l'a condamnée à verser à cette dernière une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du maire de Montauriol du 22 décembre 2021 lui infligeant une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 2200133 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint à la commune de Montauriol de procéder à la reconstitution de la carrière de Mme B... et, enfin, l'a condamnée à verser à cette dernière une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Sous le n° 2300053, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier 2023 et 15 mai 2023, la commune de Montauriol, représentée par la SELARL Aedifico, agissant par Me Achou-Lepage, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2200133 du 10 novembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal s'est exclusivement fondé sur le procès-verbal du conseil de discipline, s'en est approprié les termes et n'a pas tenu compte des témoignages qu'elle avait produits qui démontraient que les griefs retenus étaient régulièrement établis ;

- c'est par suite à tort que, pour prononcer l'annulation de l'arrêté municipal en litige, le tribunal s'est fondé sur le motif tiré de ce que les faits reprochés à Mme B... n'étaient pas suffisamment établis et ne justifiaient pas le prononcé d'une sanction disciplinaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, Mme B..., représentée par la SELARL Tosi, agissant par Me Tosi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Montauriol une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est partiellement irrecevable ;

- les moyens invoqués par la commune ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 juillet 2023 à midi.

II. Sous le n° 23BX00326, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 février 2023 et 15 mai 2023, la commune de Montauriol représentée par la SELARL Aedifico, agissant par Me Achou-Lepage, demande à la Cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2200133 du 10 novembre 2022.

Elle soutient que les moyens invoqués dans sa requête au fond sont sérieux et de nature à justifier l'annulation ou la réformation de ce jugement ainsi que le rejet des conclusions en annulation et injonction accueillies par le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, Mme A... B..., représentée par la SELARL Tosi, agissant par Me Tosi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Montauriol une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les conditions du sursis à exécution ne sont pas remplies.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., adjointe administrative territoriale principale de 1ère classe, exerce depuis 2002 les fonctions de secrétaire de mairie à mi-temps au sein de la commune de Montauriol, cumulant ce poste avec un poste identique dans une autre commune. Par un arrêté du 9 juillet 2021, le maire de Montauriol l'a suspendue de ses fonctions à compter du 16 juillet 2021 et, par un arrêté en date du 22 décembre 2021, a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix-huit mois à compter du 3 janvier 2022 jusqu'au 3 juillet 2023 inclus. A l'appui de sa requête n° 2300053, la commune de Montauriol relève appel du jugement n° 2200133 du 10 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 22 décembre 2021 précité et lui a enjoint de procéder à la reconstitution de la carrière de Mme B... et sollicite également, à l'appui de la requête n° 2300326, le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les n°s 2300053 et 23BX00326 tendent, respectivement, à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 23BX00053 :

3. Aux termes de l'article 29, alors applicable, de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89, alors applicable, de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; (...) ".

4. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été notamment exposé au conseil de discipline, qu'il est reproché à Mme B... une succession de retards et d'insuffisances dans l'exécution de ses tâches ainsi que divers manquements dans le traitement de dossiers prioritaires tels l'enregistrement de pacte civil de solidarité et d'acte de naissance, les inscriptions de nouveaux habitants sur les listes électorales, la non-communication de documents à des administrations, entreprises ou particuliers. Il est également reproché à Mme B... un manque de ponctualité, un refus d'assister aux conseils municipaux et de rédiger les procès-verbaux et, d'une façon générale, un comportement inadapté et désagréable envers les partenaires et les usagers de nature à nuire à l'image de la commune.

6. Pour établir les faits justifiant une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de dix-huit mois relevant du 3ème groupe de sanctions, la commune de Montauriol produit une attestation établie le 16 septembre 2021 par la personne qui a remplacé Mme B... durant les mois de juillet et août 2021, et qui fait état d'un dossier de reconnaissance anticipée de naissance déposé en février 2021 non traité, et avoir constaté que le registre d'état civil de l'année 2021 n'était pas à jour et ne comportait pas une naissance hors commune, un acte de décès, une transcription de décès, ainsi qu'un dossier de pacte civil de solidarité non traité, cette personne indiquant également que le maire de Montauriol s'est adressé à la commune de Cahuzac pour obtenir des modèles de documents non traités par le secrétariat de Montauriol.

7. Toutefois cette attestation, qui émane d'un agent placé sous l'autorité du maire et exerçant ses fonctions alors que Mme B... venait de faire de faire l'objet d'une mesure de suspension, ne saurait à elle-seule établir les griefs en cause. En outre, la commune de Montauriol produit un avis de la commune de Bergerac du 2 septembre 2021 relatif à la naissance à Bergerac le 30 août 2021 d'un enfant dont les parents sont domiciliés à Montauriol portant une inscription manuscrite " déposé en février 2021, enregistré le 11 août 2021 " sans que cet avis de naissance ne comporte la référence à une déclaration anticipée de naissance. La commune de Montauriol produit également un extrait du registre d'état civil, sans indication de date, portant transcription de naissance le 23 février 2021 hors commune, d'un décès survenu le 27 mars 2021 à Montauriol enregistré le 31 mars 2021, d'un décès survenu le 31 mars 2021 hors la commune de Montauriol et transcrit le 21 avril 2021 en mairie de Montauriol. Enfin il n'est pas établi par la production d'une déclaration de pacte civil de solidarité datée du 3 février 2021, lequel a été enregistré le 22 septembre 2021, que la demande était dès février 2021 complète. Par ailleurs, la commune de Montauriol produit diverses attestations émanant du maire d'une commune voisine, qui n'est pas l'employeur de Mme B..., du directeur du syndicat mixte de la vallée du Lot qui se borne à indiquer que Mme B... n'est pas intervenue dans un dossier géré uniquement par le maire de Montauriol alors que Mme B... exerce ses fonctions à mi-temps, d'un conseiller municipal " attestant avoir entendu " Mme B... refuser de prendre en charge le budget annexe de la commune, du maire de Cahuzac attestant " ne pas avoir ressenti un accueil chaleureux de la part de la secrétaire " " les rares fois où il s'est rendu à la mairie de Montauriol ", d'une personne résidant à Montauriol se plaignant de l'attitude désagréable de Mme B... et faisant état du manque de ponctualité et de l'incompétence flagrante de Mme B..., d'un administré attestant " suite à la demande du maire concernant les relations avec la secrétaire de mairie " d'un accueil qui n'est pas toujours satisfaisant et de la méconnaissance de Mme B... concernant l'inscription sur les listes électorales, d'un auto-entrepreneur se plaignant du non règlement d'une facture en 2019 et du comportement désagréable de Mme B..., d'un administré se plaignant de ce que Mme B... lui a indiqué de manière désagréable qu'il ne pouvait consulter le cadastre en mairie, d'administrés se plaignant de ce que Mme B... ne connaisse pas leurs chambres d'hôtes, leur a demandé de s'inscrire en ligne sur les listes électorales au lieu de prendre en charge leurs demandes ou les accueillis de manière désagréable lors du dépôt d'une demande de permis de construire, du maire de Saint-Pardoux Isaac attestant avoir eu Mme B... comme secrétaire de 2014 à 2020 et que plusieurs administrés sont venus se plaindre de son accueil et qu'elle avait de mauvaises relations de travail avec ses collègues, d'un administré se plaignant d'avoir reçu de la trésorerie locale un avis de somme à payer pour une concession funéraire alors qu'il avait précédemment déposé son règlement en mairie, d'un administré se plaignant de ne pas avoir été informé par Mme B... de l'augmentation de son loyer, d'une association se plaignant du refus de réservation d'une salle.

8. Alors qu'il ressort des pièces du dossier que la relation de travail entre le maire de Montauriol et Mme B... s'est dégradée à la suite du congé maladie de cette dernière du 17 avril 2021 pour une durée initiale de huit jours, les attestations produites ainsi par la commune de Montauriol sont peu circonstanciées et reposent sur des propos vagues et imprécis, comme l'on estimé à bon droit tant les membres du conseil de discipline que les premiers juges, et ne permettent pas d'établir la réalité de la gravité des manquements ou des fautes reprochés à Mme B..., ces attestations étant à cet égard elles-mêmes contredites par les propres attestations produites par Mme B..., qui émanent notamment d'anciens conseillers municipaux faisant état de la disponibilité de Mme B..., de son écoute, de son soutien pendant les conseils municipaux, de son professionnalisme et de sa discrétion, d'une attestation du maire de Mescoules, commune dans laquelle Mme B... exerce ses fonctions à temps partiel depuis 2016, et qui relève son professionnalisme, son sérieux et son efficacité que ce soit dans le suivi administratif, le suivi budgétaire et l'accueil du public ainsi que d'administrés attestant de son écoute et de son amabilité et de collègues. Ainsi, et alors que, selon le procès-verbal du conseil de discipline, les évaluations professionnelles de Mme B... font état d'une manière de servir satisfaisante, qu'elle a bénéficié d'une NBI pour la polyvalence de ses fonctions et n'avait pas fait jusqu'alors l'objet de sanction disciplinaire, il résulte ainsi de ce qui précède que les faits précédemment évoqués, s'ils peuvent pour certains manifester une implication moindre de Mme B... dans l'exercice de ses fonctions, n'établissent pas les fautes alléguées qui seraient de nature à justifier une sanction du 3ème groupe et, en l'espèce, une exclusion temporaire de fonctions pour dix-huit mois. Par suite, le tribunal, qui a pris en compte tous les éléments produits dans le cadre de ce litige, a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, jugé que le maire de Montauriol a pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer à l'encontre de Mme B... une exclusion temporaire de fonctions de dix-huit mois, sanction relevant du troisième groupe.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Mme B..., que la commune de Montauriol n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté du maire de Montauriol du 22 décembre 2021.

Sur la requête n° 2300326 :

10. Le présent arrêt rejetant au fond la requête de la commune de Montauriol contre le jugement n° 2200133 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 10 novembre 2022, les conclusions de la requête n° 23BX00326 tendant à ce que la Cour prononce le sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les frais du litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que la commune de Montauriol réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montauriol une somme globale de 2 000 euros à verser à Mme B... au même titre.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23BX00326.

Article 2 : La requête n° 23BX00053 est rejetée.

Article 3 : La commune de Montauriol versera à Mme B... une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montauriol et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 janvier 2024.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

La présidente,

Ghislaine C... La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 23BX00053-23BX00326


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00053
Date de la décision : 16/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: Mme Ghislaine MARKARIAN
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : TOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-16;23bx00053 ?
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