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16/11/2023 | FRANCE | N°21BX03654

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 16 novembre 2023, 21BX03654


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Loréa a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, d'annuler la convention conclue le 22 avril 2019 entre la commune de Bordeaux et la SARL BCC pour l'occupation domaniale temporaire des espaces de restauration dénommés " l'Orangerie " et " Carré Détente " du muséum d'histoire naturelle, situés au sein du Jardin public et, à titre subsidiaire, de résilier cette convention ou, à défaut, de sursoir à statuer dans l'attente de

l'appréciation de la légalité du refus opposé à sa demande de communication de d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Loréa a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, d'annuler la convention conclue le 22 avril 2019 entre la commune de Bordeaux et la SARL BCC pour l'occupation domaniale temporaire des espaces de restauration dénommés " l'Orangerie " et " Carré Détente " du muséum d'histoire naturelle, situés au sein du Jardin public et, à titre subsidiaire, de résilier cette convention ou, à défaut, de sursoir à statuer dans l'attente de l'appréciation de la légalité du refus opposé à sa demande de communication de documents administratifs.

Par un jugement n° 1904769 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a enjoint à la commune de Bordeaux de régulariser la convention en cause par une nouvelle délibération du conseil municipal en autorisant rétroactivement la signature, dans un délai de quatre mois suivant la notification de ce jugement ou, à défaut, de résilier cette convention.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2021, la SARL Loréa, représentée par

Me Galinat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'auditionner, avant dire droit, les signataires de la convention en litige et de faire procéder à une vérification d'écritures la concernant ;

3°) d'annuler et subsidiairement de résilier la convention conclue le 22 avril 2019 entre la commune de Bordeaux et la société BCC pour l'occupation domaniale des espaces de restauration dénommés " l'Orangerie " et " Carré Détente " du muséum d'histoire naturelle, situés au sein du Jardin public ;

4°) à défaut, de sursoir à statuer dans l'attente de l'appréciation de la légalité du refus opposé à sa demande de communication de documents administratifs ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux et de la société BCC une somme de 5 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le consentement des conseillers municipaux a été vicié dès lors qu'ils n'ont pas disposé d'une information suffisante pour se prononcer sur l'identité de l'attributaire de la convention en litige ; ce vice d'une particulière gravité entraîne nécessairement l'annulation, ou subsidiairement la résiliation, de cette convention et c'est à tort que le tribunal s'est borné à enjoindre à la commune de la régulariser ;

- la circonstance que la société BCC ait été choisie pour conclure la convention au motif d'un " investissement financier engagé par l'occupant ", sans que cet investissement ne soit identifié dans la convention en litige qui ne fait pas mention de la candidature l'annonçant, ni même que le concessionnaire n'ait une quelconque obligation de les réaliser, entache la procédure de passation de cette convention d'une irrégularité lésant de façon directe et certaine ses intérêts ;

- le conseil municipal a entaché sa délibération d'incompétence négative en se bornant à entériner le choix opéré par le jury ; à supposer que ce soit le maire de la commune qui fut compétent pour signer la convention litigieuse, l'adjointe au maire ayant signé par délégation a entaché cet acte d'un même vice d'incompétence ;

- contrairement à ce que la société BCC a soutenu devant les premiers juges, l'annulation ou la résiliation de la convention ne porterait aucune atteinte à l'intérêt général ; s'agissant de son propre intérêt, la société BCC ne justifie d'aucun des investissements qu'elle affirme avoir déjà réalisés et qui seraient seuls susceptibles d'être pris en compte.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 octobre 2022, la commune de Bordeaux, représentée par Me Heymans, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Bordeaux et au rejet de l'ensemble de la demande présentée par la SARL Loréa devant le tribunal ;

3°) à la mise à la charge de la société Loréa des dépens de l'instance et d'une somme de

6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la société Loréa n'a pas intérêt pour faire appel dès lors que le jugement a fait droit à l'intégralité de ses demandes ;

- dès lors que la convention a été conclue le 22 avril 2019, la demande en contestation de sa validité introduite plus de deux mois après sa signature, alors que le gérant de la société évincée avait eu connaissance dès le mois de janvier 2019 du rejet de son offre, était irrecevable, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;

- cette demande était en outre irrecevable dès lors que la société Loréa ne démontre pas être lésée par l'attribution du contrat ou l'une de ses clauses ; elle n'établit pas, non plus, un intérêt lésé du fait d'une insuffisante information des conseillers municipaux et d'une méconnaissance par le conseil municipal de sa compétence ;

- subsidiairement, c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré d'une insuffisante information des conseillers municipaux et la circonstance que le conseil municipal se serait estimé lié par l'avis du jury sur le mérite des offres de candidats ;

- les autres moyens invoqués par la société Loréa ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique:

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- les observations de Me Galinat, représentant la société Loréa, et Me Quevarec, représentant la commune de Bordeaux.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Bordeaux a conclu le 1er janvier 2007 avec la société Jegher restauration, devenue la société Loréa, une convention d'occupation du domaine public pour l'exploitation d'un espace de restauration dénommé " l'Orangerie " au sein du Jardin public pour une durée de douze ans. Avant l'expiration de cette convention le 31 décembre 2018, la commune a lancé une procédure d'attribution d'une nouvelle convention d'occupation du domaine public pour l'exploitation de l'espace de restauration précité et de celui dénommé " Carré détente " du Muséum d'histoire naturelle. Par une délibération du 19 novembre 2018, le conseil municipal de Bordeaux a autorisé le maire à signer la convention d'occupation du domaine public pour ces deux espaces avec la société BCC. La SARL Loréa a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, l'annulation de cette convention et relève appel du jugement du 12 juillet 2021 en tant que le tribunal s'est limité à enjoindre à la commune de Bordeaux de la régulariser par une nouvelle délibération du conseil municipal dans un délai de quatre mois ou, à défaut, de la résilier. La commune, qui a fait procéder à cette régularisation par une délibération du conseil municipal du 5 octobre 2021, doit être regardée comme demandant, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la société Loréa.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Contrairement à ce que fait valoir la commune de Bordeaux, le tribunal n'a pas fait intégralement droit aux conclusions présentées par la société Loréa puisque celle-ci demandait, à titre principal, l'annulation de la convention conclue entre la commune de Bordeaux et la société BCC et que le jugement attaqué se limite à enjoindre à la commune de la régulariser. Par suite, la société Loréa présente un intérêt pour faire appel de ce jugement et la fin de non-recevoir opposée par la commune sur ce point doit être écartée.

Sur la validité de la convention :

3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

4. Pour enjoindre à la commune de Bordeaux de régulariser la convention conclue le 22 avril 2019 avec la société BCC en procédant à une nouvelle délibération en autorisant rétroactivement la signature, les premiers juges ont retenu, d'une part, qu'il ne résultait pas de l'instruction que les conseillers municipaux auraient été destinataires, préalablement à la séance du conseil municipal du 19 novembre 2018, d'une note explicative de synthèse ou de tout autre document leur permettant de disposer d'une information adéquate quant aux caractéristiques des offres des candidats à la procédure de passation et aux mérites de l'offre retenue et, d'autre part, que le conseil municipal s'étant borné à constater que l'examen des candidatures avait été assuré par un jury ad hoc sans porter lui-même d'appréciation sur le mérite des offres des candidats, il s'était estimé, à tort, lié par l'avis de ce jury. Toutefois, de tels vices dont se prévalait la société Loréa ne sont pas d'ordre public et ne constituent pas des manquements aux règles applicables à la passation de la convention en rapport direct avec son éviction. Par suite, la commune de Bordeaux est fondée à soutenir que la société Loréa ne pouvait utilement les invoquer devant le tribunal et que c'est à tort que les premiers juges les ont retenus pour lui enjoindre de régulariser la convention litigieuse.

5. Par ailleurs, la société Loréa ne peut utilement se prévaloir de ce que la société BCC aurait été sélectionnée au motif d'un investissement financier qui n'était pas identifié dans la convention, laquelle ne prévoyait aucune obligation pour le concessionnaire de s'y conformer, une telle argumentation ne se rapportant ni à un vice d'ordre public ni à un manquement aux règles applicables à la passation de la convention.

6. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que la commune de Bordeaux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a partiellement fait droit à la demande de la société Loréa et lui a enjoint de régulariser la convention signée le 22 avril 2019 avec la société BCC. Il en résulte, d'autre part, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit l'audition des signataires de la convention litigieuse ou une vérification d'écritures ni de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur la demande de la société requérante tendant à l'annulation du refus de la commune de Bordeaux de lui communiquer des documents administratifs, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux ayant constaté un non-lieu à statuer sur cette demande par une ordonnance du 24 janvier 2023 en raison de la transmission des documents sollicités, que les conclusions de la société Loréa tendant à ce que la convention litigieuse soit annulée et subsidiairement résiliée doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune de Bordeaux à la recevabilité de la demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la société Loréa soit mise à la charge de la commune qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Loréa une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Bordeaux au titre des frais exposés pour les besoins du litige.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés et les conclusions correspondantes présentées par la société Loréa sont rejetées.

Article 2 : La société Loréa versera à la commune de Bordeaux la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Loréa, à la commune de Bordeaux et à la SARL BCC.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX03654 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03654
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : CABINET TOSI GALINAT BARANDAS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-16;21bx03654 ?
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