Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, la décision du 27 novembre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Libourne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du
20 novembre 2018, ensemble la décision du 21 février 2019 rejetant son recours gracieux, et, d'autre part, la décision du 29 novembre 2019 par laquelle la même autorité a réitéré son refus de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident, et d'enjoindre sous astreinte au centre hospitalier de reconnaître cette imputabilité.
Par un jugement nos 1901760, 2000490 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a, après avoir joint les deux demandes, annulé les décisions des 27 novembre 2018 et 21 février 2019 et rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 août 2021, 10 mars 2023 et 31 mars 2023, Mme B..., représentée par Bach, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juin 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 29 novembre 2019 ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Libourne de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Libourne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes de 1 500 euros au titre de la première instance et de 2 000 euros au titre de l'instance d'appel, ainsi que les dépens, comprenant les frais et honoraires de l'expertise du 11 avril 2020, liquidés et taxés à la somme de 1 200 euros.
Elle soutient que :
- la décision du 29 novembre 2019 est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a jamais reçu le courrier l'informant de la tenue de la séance de la commission de réforme du 17 octobre 2019 ; au demeurant, le courrier du 30 septembre 2019 produit par le centre hospitalier n'a pas pu lui être remis dix jours avant la réunion de la commission, en méconnaissance de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 ;
- les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 étaient en vigueur à la date de l'accident ; en tout état de cause, la présomption d'imputabilité qu'elles comportent n'est qu'une codification de la jurisprudence existante ;
- ses douleurs scapulo-dorsales ont été constatées par son médecin traitant, par le médecin de prévention et par l'expert judiciaire ; la blessure est intervenue sur son lieu de travail, durant ses heures de travail, et l'absence de témoins de l'accident est compensée par les témoignages de sa collègue et la saisine de la cadre supérieure de santé ; dans ces conditions, elle bénéficie d'une présomption d'imputabilité au service ; il n'est pas établi qu'une pathologie sous-jacente aurait existé et expliquerait à elle seule son incapacité professionnelle ; au demeurant, le lien entre sa pathologie et le service est direct et suffisamment probable pour retenir l'imputabilité au service.
Par des mémoires en défense enregistrés le 15 décembre 2022 et 12 avril 2023, le centre hospitalier de Libourne, représenté par la SELARL Brocheton, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le vice de procédure n'est pas constitué : le courrier du 30 septembre 2019 l'informant de la tenue de la réunion de la commission de réforme lui a été adressé par lettre simple, le jour même, soit plus de dix jours avant le 17 octobre 2019, date de la commission ; les dispositions de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2014 ne prévoient pas de formalisme particulier, et notamment pas de convocation de l'intéressée ;
- les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'étaient pas applicables à la date du litige, celles-ci n'étant entrées en vigueur que le 16 mai 2020 ; Mme B... ne peut se prévaloir d'une présomption d'imputabilité ;
- les éléments produits concordent pour établir l'inexistence de l'accident déclaré le 22 novembre 2018 ;
- Mme B... ne conteste pas l'expertise médicale qui a conclu que la douleur de l'épaule droite résultait d'une maladie et non d'un accident.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- l'arrêté interministériel du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., agent des services hospitaliers qualifié, est employée au sein du centre hospitalier de Libourne en qualité d'agent de stérilisation. Le 22 novembre 2018, elle a déclaré à son employeur s'être blessée à l'épaule droite lors du déchargement d'un autoclave deux jours auparavant. Par trois décisions des 28 novembre 2018, 21 février 2019 et 29 novembre 2019, cette dernière ayant été prise après consultation de la commission de réforme, le directeur du centre hospitalier a refusé de reconnaître imputable au service ce traumatisme. Saisi par Mme B... d'une demande d'annulation de ces décisions et d'injonction de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les deux premières décisions, pour insuffisance de motivation et vice de procédure en l'absence de saisine de la commission de réforme, et a rejeté le surplus des conclusions. Par la présente requête, Mme B... demande la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 29 novembre 2019 et sa demande d'injonction.
Sur la légalité de la décision du 29 novembre 2019 :
2. Aux termes de l'article 14 de l'arrêté interministériel du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission de réforme convoque les membres titulaires et l'agent concerné au moins quinze jours avant la date de la réunion. (...) ". Aux termes de l'article 16 de cet arrêté : " (...) Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ".
3. Alors que Mme B... soutient ne pas avoir été informée de la date de la réunion de la commission de réforme et de son droit à prendre connaissance de son dossier au préalable, le centre hospitalier de Libourne produit un courrier du 30 septembre 2019 convoquant l'intéressée à la séance de la commission de réforme du 17 octobre suivant et comportant ces informations. Si les dispositions précitées de l'article 16 de l'arrêté du
4 août 2004 n'imposent pas de modalités particulières de communication avec l'agent, il appartient au centre hospitalier de Libourne de justifier de la réception de ce courrier dans les délais réglementaires, ce qu'il ne fait pas en produisant un courriel du secrétariat de la commission de réforme indiquant : " nous avons bien envoyé le courrier à Mme B... et nous n'avons pas eu de retour de la poste ". L'absence d'information qu'il y a donc lieu de retenir était de nature à priver l'agent d'une garantie. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la séance du 17 octobre 2019, que Mme B... aurait été entendue par la commission de réforme, ni qu'elle aurait été représentée. Dans ces conditions, la décision du 29 novembre 2019 est entachée d'un vice de procédure et est illégale, sans que l'hôpital puisse utilement se prévaloir de la circonstance que cette irrégularité n'aurait pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise, dès lors que les représentants du personnel se sont exprimés en faveur de Mme B....
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 29 novembre 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Le motif d'annulation retenu au point 3 n'implique pas qu'il soit enjoint à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 20 novembre 2018, mais seulement de réexaminer la situation de Mme B.... Il y a lieu d'enjoindre au centre hospitalier de Libourne d'y procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais et honoraires d'expertise :
6. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " (...) Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".
7. Le centre hospitalier de Libourne étant la partie perdante dans le cadre de la présente instance, il y a lieu de mettre les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés, par ordonnance du 26 janvier 2021 pour un montant de 1 200 euros, à la charge définitive de celui-ci.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de Libourne demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Libourne la somme que Mme B... demande au même titre pour la première instance ou pour l'instance d'appel.
DECIDE :
Article 1er : La décision du directeur du centre hospitalier de Libourne du 29 novembre 2019 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier de Libourne de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juin 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés le 26 janvier 2021 pour un montant de 1 200 euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Libourne.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier de Libourne.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Anne Meyer, présidente,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Anne Meyer
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX03453