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16/11/2023 | FRANCE | N°21BX02745

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 16 novembre 2023, 21BX02745


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux

de condamner la communauté de communes du Val d'Albret, devenue Albret Communauté, à lui verser les sommes de 49 454 euros au titre de ses pertes de revenus du 20 janvier 2012 au 30 novembre 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2012 et capitalisation, et de 25 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1902230 du 27 avril 2021, le tribunal a condamné la communauté de communes à verser à

M. C... une somme de 52 454 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux

de condamner la communauté de communes du Val d'Albret, devenue Albret Communauté, à lui verser les sommes de 49 454 euros au titre de ses pertes de revenus du 20 janvier 2012 au 30 novembre 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2012 et capitalisation, et de 25 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1902230 du 27 avril 2021, le tribunal a condamné la communauté de communes à verser à M. C... une somme de 52 454 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2019 et capitalisation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2021 et des mémoires enregistrés

le 6 octobre 2021 et le 26 janvier 2022, la communauté de communes Albret Communauté, représentée par la SELARL MCM Avocat, demande à la cour :

1°) à titre principal d'annuler ce jugement et de rejeter la demande indemnitaire présentée par M. C... devant le tribunal ;

2°) à titre subsidiaire, de ramener l'indemnisation de M. C... à la somme

de 14 519,34 euros au titre des pertes de revenus et de rejeter la demande présentée au titre

du préjudice moral ;

3°) dans tous les cas, de mettre à la charge de M. C... une somme

de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors que les demandes indemnitaires de M. C... ont été rejetées par l'arrêt de la cour n° 18BX00845 du 25 octobre 2018 revêtu de l'autorité de chose jugée, c'est à tort que le tribunal y a fait droit ;

- à titre subsidiaire, les courriers adressés par M. C... à la communauté de communes le 24 mai 2016 et le 30 décembre 2018 pour " protester " contre les arrêts de la cour du 23 mai 2016 et du 25 octobre 2018 ne constituent pas des actes interruptifs de prescription ; seul le courrier du 30 janvier 2019, intitulé " recours gracieux ", constitue une demande indemnitaire préalable, et il est postérieur à l'expiration de la prescription quadriennale, dont le délai a couru du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017 ;

A titre très subsidiaire :

- l'arrêt de la cour n° 18BX00845 lui a enjoint de réintégrer M. C...

du 20 janvier 2012 au 1er décembre 2014, soit durant 34 mois et 11 jours, ce qui constitue la période de référence du droit à indemnisation ; l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) et l'indemnité d'exercice de missions des préfectures (IEMP), octroyées à M. C... en novembre 2003 au titre de ses fonctions de directeur général des services, étaient prévues pour les seuls mois de novembre et décembre 2003, sans que la preuve soit apportée qu'elles auraient été servies en février 2008 ; en outre, elles étaient liées à l'emploi de directeur général des services, sur lequel M. C... n'aurait pas pu être réintégré dès lors qu'il avait publiquement critiqué les président et les élus de la communauté de communes, qu'il n'hésitait pas à présenter comme des adversaires politiques ; eu égard au contexte très conflictuel de la démission de M. C... de ses fonctions de président de la communauté de communes, il se serait vu proposer, en cas de réintégration, un emploi ne justifiant pas l'octroi de l'IFTS et de l'IEMP ; les pertes de revenus doivent ainsi être calculées en déduisant ces indemnités servies avant sa mise en disponibilité, soit un montant net

de 14 519,34 euros du 21 janvier 2013 au 30 novembre 2014, en tenant compte de l'avancement de M. C... au 6ème échelon du grade de directeur territorial ;

- alors que M. C... a tenu des propos très polémiques et violé le devoir de réserve auquel sont astreints les fonctionnaires territoriaux, ce qui rendait impossible sa réintégration dans les fonctions de directeur général des services, il ne démontre pas en quoi sa dignité et sa réputation auraient été atteintes par les décisions prises dans l'intérêt du service par la communauté de communes ; c'est à tort que le tribunal lui a alloué une somme de 3 000 euros au titre d'un préjudice moral ;

- comme l'a retenu le tribunal, les intérêts sur l'indemnité allouée à M. C... ne peuvent courir qu'à compter de la demande ayant lié le contentieux, reçue le 4 février 2019.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 septembre et 29 décembre 2021,

M. C..., représenté par le cabinet d'avocats C3LEX, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de retenir les intérêts au taux légal sur la somme de 49 454 euros à compter du 20 janvier 2012 et leur capitalisation à chaque échéance annuelle, soit une somme totale à parfaire de 61 120,86 euros au 27 août 2021, et de porter à 22 960,38 euros l'indemnité allouée au titre de son préjudice moral. Il demande en outre que soient mis à la charge de la communauté de communesAlbret Communauté une somme

de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Il fait valoir que :

- le rejet de sa demande indemnitaire par l'arrêt n° 18BX00845 du 25 octobre 2018 est fondé sur l'absence de liaison préalable du contentieux, ce qui ne fait pas obstacle à l'examen d'une nouvelle demande ;

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que sa créance n'était pas prescrite ;

- l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2012 qui l'a maintenu en position

de disponibilité implique sa réintégration juridique à la date de sa demande de réintégration,

le 23 novembre 2012, et non à la date de cet arrêté ; sa perte de salaire, compte tenu d'un passage au 6ème échelon à compter du 21 janvier 2013, s'élève à 49 454 euros après déduction de la somme de 92 652 euros perçue au titre de l'allocation chômage ; dès lors que l'arrêté annulé est réputé n'avoir jamais existé, il n'y a pas lieu d'apprécier ses chances de percevoir les indemnités acquises, lesquelles auraient été maintenues s'il n'avait pas été évincé ; les propos qui lui sont reprochés, tenus en qualité d'élu, ne sont pas de nature à caractériser une rupture du lien de confiance en qualité de fonctionnaire ;

- son préjudice de perte de revenus a commencé le 20 janvier 2012, date à laquelle le président de la communauté de communes l'a maintenu en position de disponibilité ; il est ainsi fondé à demander que les intérêts prennent effet à compter de cette date, avec une capitalisation à chaque échéance annuelle ;

- il a toujours été qualifié de très bon collaborateur, et même d'excellent directeur ; eu égard à ses états de services, à l'illégalité de la décision du 20 janvier 2012, aux accusations injustes dont il a fait l'objet avant et au cours de la procédure ayant conduit à l'arrêt définitif de la cour du 25 octobre 2018, et à la durée de cette procédure il a subi un préjudice moral ; il est ainsi fondé à demander en réparation de son préjudice moral une indemnité représentant au moins six mois de salaire, par référence au droit du travail, soit 22 960,38 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Feix, représentant la communauté de communes du Val d'Albret, et de Me Lagarde, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., attaché territorial principal nommé à compter du 19 mai 1999 secrétaire général de la communauté de communes du Val d'Albret, à laquelle la communauté de communes Albret Communauté a succédé à compter du 1er janvier 2017 , a été promu sur place au grade de directeur territorial à compter du 1er janvier 2001 et affecté sur l'emploi nouvellement créé de directeur général des services. En mai 2008, il a été élu conseiller municipal de la commune de Nérac, puis président de la communauté de communes du Val d'Albret, et par un arrêté du 19 mai 2008, il a été placé à sa demande en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er juin 2008 " pour la durée de son mandat local ". Après avoir démissionné de son mandat de président de la communauté de communes le 9 octobre 2011, il a sollicité sa réintégration dans son précédent emploi ou dans un emploi analogue par lettre du 22 novembre 2011, reçue le 23 novembre suivant. Par un arrêté du 20 janvier 2012, implicitement confirmé après un recours gracieux du 14 mars 2012, le nouveau président de la communauté de communes du Val d'Albret a maintenu M. C... en position de disponibilité à compter du 23 novembre 2011, au motif que l'intérêt du service, en particulier l'organisation des équipes de direction et d'encadrement, ne permettait pas de procéder à sa réintégration. M. C... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Bordeaux, lequel a rejeté sa demande par un jugement n° 1202110 du 30 septembre 2014, et son appel a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 14BX03341 du 23 mai 2016. M. C... s'étant pourvu en cassation, le Conseil d'Etat, par une décision n° 401731 du 20 février 2018, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour. Par un arrêt n° 18BX00845 du 25 octobre 2018, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1202110 du 30 septembre 2014 et a enjoint à la communauté de communes de réintégrer juridiquement M. C... dans l'emploi qu'il occupait avant sa mise en disponibilité au titre de la période du 20 janvier 2012 au 1er décembre 2014, date à laquelle l'intéressé avait été admis à faire valoir ses droits à la retraite, ainsi que de procéder à la reconstitution subséquente de sa carrière et de ses droits sociaux.

2. Par un arrêté du 26 novembre 2018, le président de la communauté de communes a réintégré M. C... à compter du 20 janvier 2012 en qualité de directeur territorial, lui a accordé un avancement d'échelon à compter du 18 mars 2013, l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er décembre 2014, et a décidé que l'intéressé bénéficierait des rappels de traitement correspondant à cette nouvelle situation. Par une réclamation reçue

le 4 février 2019, M. C... a sollicité le versement des sommes de 49 454 euros au titre de ses pertes de revenus et de 25 000 euros au titre de son préjudice moral. En l'absence de réponse, il a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de condamnation de la communauté de communes à lui verser ces sommes, assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. Par un jugement du 27 avril 2021, le tribunal a condamné cette collectivité à lui verser une indemnité de 52 454 euros, avec intérêts à compter du 4 février 2019 et capitalisation à compter du 4 février 2020, et a rejeté le surplus de la demande. La communauté de communes Albret Communauté relève appel de ce jugement. Par son appel incident, M. C... conteste la somme allouée au titre de son préjudice moral, ainsi que la date de départ des intérêts et de leur capitalisation sur ses pertes de revenus.

Sur l'exception d'autorité de chose jugée :

3. L'arrêt de la cour n° 18BX00845 du 25 octobre 2018 qui a annulé le refus de réintégration de M. C... a rejeté les conclusions indemnitaires de l'intéressé pour irrecevabilité en l'absence de liaison du contentieux par une réclamation indemnitaire préalable, ce qui ne faisait pas obstacle à une nouvelle saisine du juge après la présentation d'une telle réclamation. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont écarté l'exception d'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 25 octobre 2018 sur les conclusions indemnitaires de M. C..., opposée par la communauté de communes Albret Communauté.

Sur l'exception de prescription quadriennale :

4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / (...). " Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...). / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. "

5. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit et que le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis par l'intéressé, la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés. Il en va cependant différemment lorsque la créance de l'agent porte sur la réparation d'une mesure illégalement prise à son encontre et qui a eu pour effet de le priver de fonctions. En pareille hypothèse, comme dans tous les autres cas où est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision administrative, le fait générateur de la créance doit être rattaché, non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise, mais à celui au cours duquel elle a été régulièrement notifiée.

6. Comme l'ont relevé les premiers juges, la créance dont se prévaut M. C... est née de l'illégalité de l'arrêté du 20 janvier 2012 le maintenant en position de disponibilité, et le délai de prescription, interrompu par la saisine du tribunal administratif de Bordeaux le 16 juin 2012 aux fins de voir reconnaître l'illégalité de cet arrêté, n'a recommencé à courir qu'à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 25 octobre 2018 qui a annulé l'arrêté du 20 janvier 2012 est devenu définitif. Par suite, la communauté de communes Albret Communauté n'est pas fondée à soutenir que la prescription quadriennale aurait été acquise le 4 février 2019, date de réception de la réclamation préalable de M. C....

Sur le droit à indemnisation de M. C... :

En ce qui concerne les pertes de revenus :

7. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ainsi que ses revenus de remplacement le cas échéant.

8. Le tribunal a fixé à 49 454 euros les pertes de revenus de M. C... entre

le 23 novembre 2011 et le 1er décembre 2014, en déduisant les indemnités de chômage

de 92 652 euros versées par la communauté de communes au cours de cette période de la rémunération nette de 142 106 euros que l'intéressé aurait dû percevoir s'il avait été réintégré. Le calcul de cette rémunération inclut, outre le traitement tenant compte de la reconstitution de carrière, une bonification indiciaire, une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) et une indemnité d'exercice des missions de préfecture (IEMP), de montants respectifs

de 136,02 euros, 935,88 euros et 186,79 euros par mois, dont les premiers juges ont estimé

que M. C... avait perdu une chance sérieuse de les percevoir.

9. D'une part, l'annulation par le juge administratif d'une décision d'éviction du service d'un agent public implique nécessairement, en principe, la réintégration juridique de l'agent à la date de l'éviction, soit en l'espèce le 20 janvier 2012, date à partir de laquelle la cour avait enjoint à la communauté de communes de réintégrer M. C.... La collectivité est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à indemniser des pertes de revenus à compter du 23 novembre 2011, date de réception de la demande de réintégration.

10. D'autre part, la communauté de communes Albret Communauté conteste l'existence d'une chance sérieuse de percevoir l'IFTS et l'IEMP au cours de la période d'éviction, en faisant valoir que ces indemnités auraient été liées à l'emploi de directeur général des services, sur lequel elle n'aurait pas pu réintégrer M. C... en raison d'une rupture du lien de confiance.

11. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement (...) ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que de la performance collective des services (...) ". L'article 88 de la loi

du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoit que l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale fixe les régimes indemnitaires de agents de cette collectivité dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Aux termes de l'article 2 du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application de ces dernières dispositions, dans sa rédaction applicable : " L'assemblée délibérante de la collectivité (...) fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. / (...)." Par une délibération du 6 novembre 2002, la communauté de communes du Val d'Albret a institué l'IFTS pour les fonctionnaires de la filière administrative des catégories A et B et l'IEMP pour les agents titulaires et stagiaires de la filière administrative, en fixant leurs montants dans la limite de ceux fixés pour les agents de l'Etat.

12. Par deux arrêtés du 14 novembre 2003, le président de la communauté de communes du Val d'Albret a attribué l'IFTS et l'IEMP à M. C..., en sa qualité de directeur au 4ème échelon de son grade, en prévoyant que le versement de ces " primes ", dont les montants seraient indexés sur la valeur du point de la fonction publique territoriale, interviendrait mensuellement à compter du 1er novembre 2003. Ainsi, contrairement à ce que soutient la communauté de communes, ces indemnités étaient liées au grade de M. C..., et non à l'emploi de directeur général des services sur lequel il était affecté antérieurement à sa mise en disponibilité, de sorte que l'impossibilité invoquée d'une réintégration sur cet emploi ne pouvait faire obstacle à leur versement. La circonstance que les arrêtés du 14 novembre 2003 mentionnent les montants mensuels de chacune des indemnités pour les mois de novembre et décembre 2003 ne saurait les faire regarder comme attribuant l'IFTS et l'IEMP pour ces deux mois seulement. C'est ainsi à bon droit que le tribunal a inclus ces indemnités dans le calcul des pertes de revenus durant la période d'éviction.

13. Il résulte de ce qui précède que les pertes de revenus de M. C...

doivent être calculées sur la période du 20 janvier 2012, date du refus de réintégration,

au 30 novembre 2014, veille de l'admission à la retraite, sur la base de la rémunération nette qu'il aurait perçue à son grade de directeur, avec un passage du 5ème au 6ème échelon

le 20 janvier 2013, incluant l'IFTS, l'IEMP et la bonification indiciaire, l'existence d'une perte de chance sérieuse de percevoir cette dernière n'étant pas contestée par la communauté de communes. Au regard des éléments chiffrés non contestés qu'il invoque, M. C... aurait dû percevoir 134 617,55 euros au cours de la période d'éviction illégale, et ses indemnités de chômage se sont élevées à 87 780 euros. Ses pertes de revenus doivent ainsi être fixées

à 46 837,55 euros.

En ce qui concerne le préjudice moral :

14. Si M. C... soutient avoir fait l'objet d'accusations injustes avant

et au cours de la longue procédure juridictionnelle ayant conduit à l'annulation de l'arrêté

du 20 janvier 2012 lui ayant refusé sa réintégration, il ne le démontre pas en produisant des articles de presse relatifs aux circonstances de sa démission de ses fonctions de président de la communauté de communes du Val d'Albret, lesquels ne comportent aucune référence à sa qualité de fonctionnaire de cette collectivité. L'unique pièce relative à sa demande de réintégration en cette qualité est un extrait du site internet Ma Gazette faisant état de l'avis défavorable émis le 20 janvier 2010 par la commission administrative paritaire et de l'embarras des syndicats comme des élus de la communauté de communes, sans rapporter aucun propos susceptible de porter atteinte à la dignité ou à la réputation de M. C.... Toutefois, la procédure juridictionnelle d'une durée de six ans engagée par l'intéressé afin de faire valoir ses droits lui a nécessairement causé un préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 3 000 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

15. D'une part, lorsqu'ils sont demandés, les intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée sont dus, quelle que soit la date de la demande préalable, à compter du jour où cette demande est parvenue à l'autorité compétente ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai. De même, la capitalisation s'accomplit à nouveau, le cas échéant, à chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

16. Il résulte de ce qui précède que comme l'a jugé le tribunal, la condamnation

relative aux pertes de revenus de M. C... ne peut prendre effet qu'à compter

du 4 février 2019, date de réception de sa réclamation préalable, et non à compter

du 20 janvier 2012 comme il le demande. Par suite, les intérêts sur la somme de 46 837,55 euros sont dus à compter du 4 février 2019 et doivent être capitalisés à compter du 4 février 2020

et à chaque échéance annuelle ultérieure.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes Albret Communauté est seulement fondée à demander que la somme qu'elle a été condamnée à verser

à M. C... soit ramenée de 52 454 euros à 49 837,55 euros, et que l'appel incident

de M. C... doit être rejeté.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à une somme à la charge de M. C... au titre des frais exposés par la communauté de communes

Albret Communauté à l'occasion du présent litige. M C..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative, et sa demande relative à des dépens inexistants ne peut qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la communauté de communes Albret Communauté a été condamnée

à verser à M. C... est ramenée de 52 454 euros à 49 837,55 euros, avec intérêts au taux légal sur la somme de 46 837,55 euros à compter du 4 février 2019 et capitalisation de ces intérêts à compter du 4 février 2020 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1902230 du 27 avril 2021

est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Albret Communauté

et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Anne Meyer, présidente,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.

La première assesseure,

Florence Rey-Gabriac

La présidente, rapporteure,

Anne A...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX02745


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02745
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : C3LEX

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-16;21bx02745 ?
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