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09/11/2023 | FRANCE | N°23BX01718

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 23BX01718


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200231 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté préfectoral du 30 novembre 2021 et enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme

B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200231 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté préfectoral du 30 novembre 2021 et enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré le 20 juin 2023, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du

25 mai 2023 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B....

Il soutient que :

- le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est produit, a estimé que le traitement que requiert l'état de santé de Mme B... est disponible dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque ; en s'abstenant de produire des éléments médicaux de nature à démontrer une aggravation de son état depuis lors, ou l'indisponibilité du traitement en Haïti, l'intéressée ne conteste pas utilement cette appréciation ; les seuls documents produits sont postérieurs à la décision attaquée et l'intéressée n'allègue pas que ce traitement lui serait inaccessible effectivement ; elle ne démontre pas davantage que ce traitement ne serait pas disponible aux Etats-Unis, pays dans lequel elle est légalement admissible ;

- Mme B... n'établit pas la continuité et la stabilité de sa présence sur le territoire depuis dix-huit ans, alors même qu'elle a bénéficié, pendant une certaine période, de la régularisation de sa situation, ce qui ne lui ouvre pas un droit au séjour ; l'examen de son passeport permet de constater qu'elle a disposé de visas de long séjour pour les Etats-Unis, ainsi que des visas pour Haïti et les îles néerlandaises des Caraïbes ; ses attaches avec la France ne sont pas suffisamment intenses pour caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ou une erreur manifeste d'appréciation, d'autant qu'elle ne maîtrise pas la langue française et s'exprime uniquement en créole.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 août 2023, Mme B..., représentée par Me Diallo, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable en ce qu'elle n'est pas signée par une autorité ayant reçu une délégation pour ce faire et que son auteur n'a pas régularisé ce vice dans le délai de recours contentieux ;

- la requête est également irrecevable en ce qu'elle ne comporte pas de moyens d'appel ;

- elle a bénéficié de sept titres de séjour, vit avec sa fille en situation régulière et réside sur le territoire depuis 2004 ; ses voyages sont justifiés par son activité professionnelle ; elle n'est pas susceptible de recevoir le traitement approprié à son état de santé en Haïti, dont le système de santé est défaillant ainsi qu'en attestent plusieurs articles de presse et l'organisation Médecins sans frontières, et où règne une insécurité chronique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante haïtienne née le 27 juin 1957, est entrée en France le 7 décembre 2004 afin de solliciter l'asile. Sa demande de protection a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 10 mai 2005, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 30 janvier 2007. Elle a ensuite obtenu, en raison de son état de santé, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter du

7 mai 2008, régulièrement renouvelé jusqu'au 19 décembre 2019. Le 19 novembre 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre, puis a demandé un changement de statut pour obtenir son admission au séjour en qualité de commerçante. Par un arrêté du 30 novembre 2021, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Saisi par Mme B..., le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté préfectoral pour erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée et enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par la présente requête, le préfet de la Guadeloupe relève appel de ce jugement du 25 mai 2023.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... résidait en France, à la date de la décision en litige, depuis près de seize ans, dont onze ans en situation régulière, sous couvert de cartes de séjour temporaire. Si elle dispose depuis le 30 juillet 2012 d'un visa de long séjour aux Etats-Unis et effectue de fréquents voyages dans son pays d'origine et dans les îles néerlandaises des Caraïbes, il n'est pas pour autant établi qu'elle résiderait de manière prépondérante dans l'un de ces pays. Elle réside chez sa fille, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " avec ses deux petits-enfants, et exerce depuis le 14 juin 2011 une activité de commerçante ambulante. Si cette activité ne lui procure pas suffisamment de revenus pour être imposable, les extraits du registre du commerce et des sociétés, un courrier de la chambre régionale de commerce et d'industrie, un appel à cotisation pour le régime social des indépendants, une attestation de versement au Fonds d'assurance formation et les revenus déclarés les dernières années ne permettent pas de douter de l'existence d'une telle activité. Par ailleurs, l'état de santé de Mme B... nécessite un traitement, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et pour lequel elle est régulièrement suivie dans le service d'infectiologie du CHU de la Guadeloupe. Dans ces conditions, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, et alors même qu'elle ne maîtriserait pas le français et s'exprimerait en créole, l'arrêté par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que le préfet de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté préfectoral du 30 novembre 2021 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à Mme B....

Sur les frais liés au litige :

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme A... B... et au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2023.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23BX01718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01718
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : DIALLO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-09;23bx01718 ?
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