Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler un arrêté du 22 mai 2023 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et un arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de 45 jours.
Par un jugement n° 2301375 du 26 mai 2023, la magistrate désignée par le président le tribunal administratif de Poitiers a transmis à une formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour, a annulé l'arrêté du 22 mai 2023 portant obligation de quitter le territoire français en tant qu'il porte refus de départ volontaire et l'arrêté portant assignation à résidence et rejeté le surplus de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2023, le préfet de la Vienne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a annulé la décision du 22 mai 2023 refusant d'accorder un délai de départ volontaire et l'arrêté portant assignation à résidence du même jour ;
2°) de rejeter les demandes de Mme B....
Il soutient que :
- ce jugement est entaché d'erreur d'appréciation s'agissant de l'existence d'un risque de fuite dès lors que Mme B... a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la décision portant obligation de quitter le territoire français ; en outre l'administration n'a produit que des copies du passeport de l'intéressée qui ne permettent pas de justifier qu'elle était en possession de l'original ; l'hébergement en centre d'accueil pour demandeur d'asile ne représente pas une garantie de représentation suffisante dès lors qu'elle ne peut plus en bénéficier du fait du rejet de sa demande ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire n'étant pas illégale, la décision portant assignation à résidence n'est pas privée de base légale.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2023, Mme B..., représentée par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande qu'il lui soit accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et à titre subsidiaire, renvoie aux moyens soulevés en première instance.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante géorgienne né le 14 novembre 1968, déclare être entrée sur le territoire français en novembre 2022. Elle a formé une demande d'asile qui a été rejetée dans le cadre de la procédure accélérée, par une décision du 28 février 2023 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides. Mme B... a également déposé auprès de la préfecture de la Vienne une demande de titre de séjour " passeport talent " ou " admission exceptionnelle au séjour ". Par deux arrêtés du 22 mai 2023, le préfet de la Vienne, d'une part, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et, d'autre part, l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. À la demande de Mme B..., la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a, par un jugement du 26 mai 2023, transmis à une formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour, annulé l'arrêté du 22 mai 2023 portant obligation de quitter le territoire français en tant qu'il porte refus de délai de départ volontaire et l'arrêté portant assignation à résidence et rejeté le surplus de la requête. Le préfet de la Vienne fait appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit aux demandes de Mme B....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Selon l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
3. Pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à Mme B..., le préfet de la Vienne s'est fondé sur les dispositions des 4° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois comme l'a estimé le premier juge, la seule mention par l'intéressée lors de l'entretien réalisé le 22 mai 2023 de ce qu'elle avait l'intention de contester cette mesure devant le tribunal ne peut être considérée comme une déclaration explicite de son intention de ne pas se conformer à cette obligation de quitter le territoire français, alors qu'elle s'est rendue à la convocation de la préfecture ce même jour à 14h00 et que l'arrêté en litige lui a été notifié à 14h35, après notification de la décision concernant son époux à 14h25. Par ailleurs, si le compte-rendu de cet entretien indique que l'intéressée n'aurait pas de document de voyage en cours de validité, le préfet produit une copie du passeport de l'intéressée, jointe à sa demande d'asile, qui expire en mai 2026. Enfin si le préfet fait valoir devant la cour que l'hébergement de l'intéressée dans un centre d'hébergement présente un caractère trop précaire, il a lui-même retenu cette adresse pour prendre sa décision d'assignation à résidence du même jour. Par conséquent, le risque de fuite ne peut être considéré comme établi et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être accueilli.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Vienne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 22 mai 2023 portant obligation de quitter le territoire français en tant qu'il porte refus de départ volontaire et l'arrêté portant assignation à résidence.
Sur les conclusions de Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
5. Par une décision n° 2023/009282 du 3 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B.... Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur les frais de l'instance :
6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, qui est la partie perdante dans les présentes instances, le versement à la SCP Breillat-Dieumegard-Masson de la somme de 1 200 euros.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Vienne est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Mme B... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 3 : LÉtat versera à la SCP Breillat-Dieumegard-Masson la somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme A... B... et à la SCP Breillat-Dieumegard-Masson.
Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2023.
La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX01629 2