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08/11/2023 | FRANCE | N°23BX00570

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 08 novembre 2023, 23BX00570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 juin 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201308 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 20

23, M. B..., représenté par Me Marty, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 juin 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201308 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2023, M. B..., représenté par Me Marty, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Haute-Vienne du 27 juin 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 20 jours de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de la nationalité de sa fille et de sa contribution à son entretien et éducation depuis sa naissance ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- la préfète s'est considérée en situation de compétence liée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2023, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, est entré en France le 18 septembre 2017 sous couvert d'un visa long séjour valant titre de séjour " étudiant ". Le 19 novembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de renouveler ce titre et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec fixation du pays de renvoi. Le 8 avril 2022, l'intéressé a sollicité son admission au séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 27 juin 2022, la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 de ce code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.

3. Pour refuser de délivrer à M. B... un titre de séjour sur le fondement des dispositions citées au point précédent, la préfète de la Haute-Vienne a estimé que le requérant ne justifiait pas de la nationalité française de sa fille, née le 7 février 2022, ni ne contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de celle-ci.

4. En premier lieu, le requérant produit au dossier la carte nationale d'identité délivrée à sa fille qui permet d'établir sa nationalité française.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a reconnu cette enfant de manière anticipée le 11 août 2021 et que c'est lui qui a procédé à la déclaration de naissance. Si la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé le 8 avril 2022 indique qu'il était célibataire et mentionne une adresse à Limoges différente de celle de sa fille et de la mère de l'enfant qui résidaient à Colondannes dans la Creuse, il produit une attestation circonstanciée de la mère de l'enfant et des attestations du médecin pédiatre qui suit l'enfant indiquant qu'il est présent à toutes les consultations médicales depuis la naissance de l'enfant. Pour établir sa contribution à l'éducation et à l'entretien de sa fille âgée de 4 mois à la date de la décision en litige, l'intéressé, qui ne dispose pas d'une autorisation de travail et n'a aucun revenu, produit deux factures d'achat de fournitures pour bébé sur Amazon du 6 janvier et du 14 mars 2022 pour des montants respectifs de 16,80 euros et 20,99 euros. Au regard de la naissance récente de l'enfant, ces éléments doivent être regardés comme permettant d'établir que M. B... contribuait à l'entretien et l'éducation de son enfant français au sens de ces dispositions.

6. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 27 juin 2022, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

7. Eu égard au motif retenu, l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Haute-Vienne implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé. Par suite, il y a lieu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d'enjoindre à la préfète de la Haute-Vienne de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, qui est la partie perdante dans les présentes instances, le versement à Me Marty de la somme de 1 200 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 1er décembre 2022 et l'arrêté de la préfète de la Haute-Vienne du 27 juin 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Haute-Vienne de délivrer à M. B... un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Marty la somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la préfète de la Haute-Vienne et à Me Marty.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2023.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX00570 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00570
Date de la décision : 08/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-08;23bx00570 ?
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