Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association des résidents du lotissement Beaujean a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le maire de la commune de Baie-Mahault a délivré un permis de construire à la SAS Rainans Investissement valant permis de démolir, afin de réaliser un programme immobilier de 65 logements répartis dans trois bâtiments collectifs ainsi que la décision tacite née le 13 janvier 2022 par laquelle la commune de Baie-Mahault a délivré un permis de construire modificatif à cette société.
Par un jugement n° 2100529 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 octobre 2022, l'association des résidents du lotissement Beaujean, représentée par Me Mathurin Kancel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2022 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) d'annuler le permis de construire du 17 décembre 2020 et le permis modificatif du 13 janvier 2022 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Baie-Mahault une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable au regard de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme au regard de son objet ;
- le tribunal a écarté à tort le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UD 3.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Baie-Mahault dès lors que les conditions d'accès ne sont pas adaptées à l'ampleur du projet ;
- le projet aurait dû être refusé en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison des risques d'inondation liées à la mauvaise évacuation des eaux pluviales et des risques liés à l'augmentation importante du trafic automobile dans une rue trop étroite.
Par des mémoires en défense enregistrés le 16 janvier 2023 et le 2 mai 2023, la société Rainans Investissement, représentée par Me Bornard, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3000 euros soit mise à la charge de l'association requérante.
Elle soutient que :
- il convient de tenir compte du second permis de construire modificatif qu'elle a sollicité le 1er décembre 2022 qui a pour objet de réaménager les accès véhicules et de renforcer le captage des eaux pluviales ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- et les observations de Me Mourey, représentant la société Rainans Investissement.
Considérant ce qui suit :
1. La société Rainans Investissement, propriétaire des parcelles cadastrées AR 25, AR 159 et AR 164, d'une superficie totale de 7 175 mètres carrés, sur le territoire de la commune de Baie-Mahault, a déposé, le 30 juillet 2020, une demande de permis de construire valant permis de démolir, afin de réaliser un programme immobilier de 65 logements répartis dans trois bâtiments collectifs, d'une surface de plancher totale de 4 147 mètres carrés. Ce permis de construire a été accordé par un arrêté du 17 décembre 2020 du maire de la commune de Baie- Mahault. La société Rainans Investissement a sollicité, le 12 octobre 2021, un permis de construire modificatif. Le silence gardé par la commune de Baie-Mahault sur cette demande a fait naître, le 13 janvier 2022, une décision tacite valant permis de construire modificatif portant réduction du nombre de logements à 59, diminution de la surface plancher globale à 3 440 mètres carrés, modification du niveau des combles et du système de gestion des eaux pluviales. L'association des résidents du lotissement Beaujean a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2020 accordant un permis de construire et la décision tacite née le 13 janvier 2022 valant permis de construire modificatif. Elle relève appel du jugement du 6 juillet 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
2. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif, dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.
3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Aux termes de l'article UD 3.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Baie-Mahault relatif aux " conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et d'accès aux voies ouvertes au public " : " - Pour être constructible, tout terrain doit avoir un accès automobile à une voie publique ou privée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur un fond voisin. / - Les accès doivent être adaptés à l'opération. Ils doivent présenter des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie, de la protection civile et de la collecte des déchets (...) / Les accès sur les voies ouvertes à la circulation publique doivent être aménagés en fonction de l'importance du trafic afin d'éviter toute difficulté et tout danger pour la circulation automobile, des cycles et des piétons (...) ".
4. En premier lieu, s'agissant des conditions d'accès à la voie publique, il ressort des plans et documents produits, notamment du plan de masse, que le projet de résidence litigieux, qui compte 59 logements, prévoit deux accès sur la rue Patrick Saint-Eloi, qui comportent, dans le cadre du second permis modificatif accordé le 3 mars 2023, des espaces dédiés sur la parcelle permettant l'attente des véhicules sortant et entrant en dehors de la voie publique. Il ne ressort pas de ces documents que ces accès vers la voie publique présenteraient des risques particuliers pour la sécurité publique. La dangerosité de la rue Patrick-Saint-Eloi, qui comporte une chaussée à sens unique de près de 3,35 mètres, et une largeur de plus de 8 mètres au droit de la résidence, n'est pas établie et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les caractéristiques de cette voie ne permettraient pas de satisfaire aux exigences de sécurité, de la défense contre l'incendie, de protection civile et de collecte des déchets. A cet égard, le service départemental d'incendie et de secours de la Guadeloupe a émis le 28 octobre 2020 un avis favorable au projet. Enfin, le nombre de places de stationnement prévues par le projet est supérieur aux exigences du plan local d'urbanisme. Dans ce contexte, la seule circonstance que le projet entraînerait un accroissement du trafic automobile n'est pas de nature à établir qu'il va entraîner une gêne pour la circulation publique. Dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que les conditions d'accès du projet litigieux méconnaîtraient les dispositions de l'article UD 3.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Baie-Mahault ni qu'elles constitueraient une atteinte à la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
5. En deuxième lieu, en ce qui concerne l'évacuation des eaux pluviales, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé en zone blanche du plan de prévention des risques naturels de la commune de Baie-Mahault, zone constructible qui ne fait pas l'objet de prescriptions particulières s'agissant des risques d'inondation. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la note de calcul de gestion des eaux pluviales réalisée en août 2021 dans le cadre du premier permis de construire modificatif, que le permis de construire litigieux n'entraîne aucun rejet d'eaux pluviales sur la voie publique du fait de la réalisation de deux bassins de rétention d'eau de pluie et de la mise en place de revêtements perméables sur les places de stationnement. En outre, le second permis modificatif prévoit un dispositif de captation des eaux pluviales de ruissellement au droit de l'alignement et leur évacuation sur le réseau interne du projet. Ainsi, en l'absence d'aggravation sur ce point par le projet, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de l'existence de phénomènes d'inondation de la rue en contrebas de la parcelle du projet. Par suite, le maire de la commune de Baie-Mahault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des risques d'inondation en autorisant la réalisation du projet litigieux.
6. Il résulte de ce qui précède que l'association des résidents du lotissement Beaujean n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 17 décembre 2020 et la décision tacite née le 13 janvier 2022 valant permis de construire modificatif. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mise à la charge de la commune de Baie-Mahault, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'association requérante au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association des résidents du lotissement Beaujean une somme de 1 500 euros à verser à la société Rainans Investissement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association des résidents du lotissement Beaujean est rejetée.
Article 2 : L'association des résidents du lotissement Beaujean versera une somme de 1 500 euros à la société Rainans Investissement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des résidents du lotissement Beaujean, à la commune de Baie-Mahault et à la société Rainans Investissement.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2023.
La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX02631 2