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08/11/2023 | FRANCE | N°21BX04223

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 08 novembre 2023, 21BX04223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Lège-Cap- Ferret a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé 37 avenue Michelet, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux.

Par un jugement n°1905655 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mém

oire, enregistrés le 16 novembre 2021 et le 2 mai 2023 et un mémoire non communiqué enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Lège-Cap- Ferret a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé 37 avenue Michelet, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux.

Par un jugement n°1905655 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 novembre 2021 et le 2 mai 2023 et un mémoire non communiqué enregistré le 4 octobre 2023, Mme B... A..., représentée par Me Cornille, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 du maire de la commune de Lège-Cap-Ferret et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre la commune de Lège-Cap-Ferret de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite dans un délai d'un mois à compter de la lecture de l'arrêt à intervenir.

Elle soutient que :

- le jugement notifié est irrégulier en l'absence des signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- elle bénéficiait d'un permis tacite depuis le 6 mai 2019 dès lors que sa demande ne portait que sur la construction d'une maison d'habitation et que la demande de pièces complémentaires porte sur des pièces déjà fournies ou non exigées par le code de l'urbanisme ; l'arrêté du 20 mai 2019 constitue ainsi une décision de retrait irrégulière en l'absence de procédure contradictoire préalable ;

- le motif tiré de l'absence de demande de division du terrain est inopérant dès lors qu'elle a déposé une demande de permis de construire tenant lieu de déclaration préalable de lotissement en application de l'article R. 442-2 du code de l'urbanisme, la division préalable étant intervenue du fait de la réalisation d'un plan de division par un géomètre, qui était joint au dossier ;

- aucun texte ne lui interdit de déposer une demande de permis sur son terrain sans le diviser préalablement ;

- la commune aurait dû solliciter la régularisation de son dossier en application de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme ; en outre la commune disposait de l'ensemble des pièces nécessaire à l'instruction de son projet ;

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme est entaché d'erreur d'appréciation au regard des constructions avoisinantes et de l'abattage d'un nombre limité d'arbres ; la parcelle n'appartient pas au site classé et ne comporte pas de co-visibilité avec celui-ci ;

- la commune ne peut invoquer le plan de zonage du plan local d'urbanisme adopté postérieurement au refus en litige et ne précise pas en quoi le projet porterait atteinte aux immeubles protégés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 23 mars 2023 et le 29 septembre 2023, la commune de Lège-Cap-Ferret conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- les observations de Me Baudorre, représentant Mme A... et de Me Cordier-Amour, représentant la commune de Lège-Cap-Ferret.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Lège-Cap-Ferret a rejeté sa demande de permis de construire déposée le 6 février 2019 en vue de la construction d'une maison d'habitation sur une partie d'un terrain situé 37 avenue Michelet, ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux. Elle relève appel du jugement du 16 septembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté du 20 mai 2019 de la commune de Lège-Cap-Ferret :

2. En vertu du premier alinéa de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme, le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. En application des articles R. 423-3 et R. 423-4 du même code, le maire délivre un récépissé qui précise le numéro d'enregistrement de la demande et la date à laquelle un permis tacite doit intervenir. Aux termes de l'article R. 423-23 de ce code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) / b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager ". Aux termes de l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ".

3. Lorsque le projet faisant l'objet d'une demande de permis de construire n'entre dans aucun des cas prévus par les articles du code de l'urbanisme fixant des délais d'instruction différents, un permis tacite naît au profit du pétitionnaire, à défaut de notification d'une décision expresse de l'autorité compétente, à l'expiration du délai d'instruction de droit commun de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme qui a commencé à courir à compter de la réception en mairie d'un dossier complet.

4. Il ressort des pièces du dossier que dans le formulaire figurant dans sa demande de permis de construire qu'elle a rempli elle-même, Mme A... a coché les cases " permis d'aménager " et " permis de construire " et que la notice architecturale et les plans figurant dans le dossier faisaient état d'une division parcellaire, le projet étant implanté sur une parcelle B issue de la parcelle B 146 dont elle est propriétaire, la parcelle A supportant sa maison d'habitation. Cependant ce dossier indiquait également au point 3.2 que le terrain n'était pas situé dans un lotissement et en en-tête du bordereau de dépôt des pièces jointes à une demande de permis d'aménager, la pétitionnaire a indiqué " ce n'est pas un lotissement ". En outre, si Mme A... a joint un plan de division du terrain en cochant la case précisant que le terrain d'assiette devait faire l'objet d'une division avant l'achèvement de l'ensemble du projet, il ressort de la notice architecturale et des écritures de la requérante que ce projet, qu'elle destine à l'utilisation de sa famille et de ses amis et dont elle prévoit de garder la propriété ne relève pas du permis valant division prévu à l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme. Il ressort de ces différents éléments que la demande de Mme A... ne portait en réalité que sur la construction d'une maison individuelle, ainsi que l'a d'ailleurs retenu la commune, qui dans la décision attaquée indique que la demande porte sur un permis de construire pour une maison individuelle et ne se prononce pas sur la demande de permis d'aménager. Cette demande de permis de construire ne relevant pas des hypothèses de modification ou de prolongation du délai d'instruction prévues par les articles R. 423-24 et suivants du code de l'urbanisme, le délai d'instruction était de deux mois, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que les services de la commune, dans l'accusé de réception de la demande, aient notifié un délai d'instruction de trois mois. Ainsi, dès lors que le projet n'entrait par ailleurs dans aucune des catégories d'opérations pour lesquelles il est fait exception à la règle fixée par l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme, et que le dossier a été complété le 6 mars 2019, Mme A... s'est trouvée titulaire, le 6 mai 2019, d'un permis de construire tacite dont l'arrêté contesté, formellement présenté comme une décision de refus, opère en réalité le retrait.

5. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " (...) Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ". Il résulte de ces dispositions que la décision portant retrait d'un permis de construire doit être précédée de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration. Le respect de cette procédure constitue une garantie pour le titulaire du permis que le maire envisage de retirer. La décision de retrait prise par le maire est ainsi illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que le titulaire du permis a été effectivement privé de cette garantie.

6. Il est constant que la décision attaquée n'a été précédée d'aucune procédure contradictoire. L'irrégularité ainsi commise a privé Mme A... d'une garantie et justifie, par suite l'annulation de cette décision, ainsi que par voie de conséquence de la décision de rejet de son recours gracieux.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme : " en cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit. ". Il résulte de ce qui précède que Mme A... était titulaire d'un permis de construire tacite né le 6 mai 2019 que le présent arrêt de la cour a pour effet de faire revivre. Il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées et de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au maire de la commune de délivrer à Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt le certificat de permis de construire tacite prévu par les dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Lège-Cap-Ferret au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du n°1905655 du 16 septembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux, l'arrêté du 20 mai 2019 du maire de Lège-Cap- Ferret et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme A... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Lège-Cap-Ferret de délivrer à Mme A... le certificat de permis de construire tacite prévu par les dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Lège-Cap-Ferret au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Lège-Cap-Ferret.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2023.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX04223 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04223
Date de la décision : 08/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : SELARL HMS ATLANTIQUE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-08;21bx04223 ?
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