Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La préfète de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté en date du 23 décembre 2019 par lequel le maire de Saint-Vivien-de-Médoc a accordé à la SCI Pielsa un permis de construire ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé par le sous-préfet de Lesparre-Medoc le 26 février 2020.
Par un jugement n° 2003256 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 août 2021, et un mémoire non communiqué, enregistré le 3 octobre 2023, la SCI Pielsa, représentée par Me Cornille, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 juin 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de rejeter le déféré de la préfète de la Gironde ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- la minute du jugement ne comporte pas l'ensemble des signatures requises ;
- ce jugement est insuffisamment motivé s'agissant de l'applicabilité du schéma de cohérence territoriale ;
En ce qui concerne le bien-fondé :
- ce projet ne constitue pas une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dès lors qu'il s'agit d'une simple opération de construction sans densification dans une zone déjà urbanisée ;
- il s'implante en continuité d'un secteur urbanisé ;
- en application de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme, les dispositions du schéma de cohérence territoriale doivent être prises en compte pour la détermination des villages, agglomérations et secteurs déjà urbanisés, ce qui est le cas en l'espèce s'agissant du hameau de Daugagnan, identifié comme un village, et alors que l'application des nouvelles dispositions issues de la loi ELAN n'impose pas de modification du schéma de cohérence territoriale ; le schéma de cohérence territoriale fait ainsi écran à l'application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er juillet 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La commune de Saint-Vivien du Médoc a présenté des observations non communiquées le 25 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- et les observations de Me Eizaga, représentant la SCI Pielsa.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 23 décembre 2019, le maire de Saint-Vivien-de-Médoc a délivré à la SCI Pielsa un permis de construire pour la réalisation d'un entrepôt et l'installation de 10 containers sur des parcelles cadastrées D 2419, D 2423 et D 2424, situées au lieu-dit " Pingouleau " à Saint-Vivien-de-Médoc. La préfète de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par le sous-préfet de Lesparre-Médoc le 26 février 2020. La SCI Pielsa relève appel du jugement du 17 juin 2021 par lequel le tribunal a fait droit à cette demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort de la minute du jugement attaqué, produite au dossier, que celui-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la société requérante ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur sa régularité.
4. Il ressort des pièces du dossier que la SCI Pielsa et la commune faisaient valoir en défense qu'il convenait de prendre en compte pour l'application des dispositions de l'article L. 121-8 de l'urbanisme la délimitation par le schéma de cohérence territoriale (SCoT) de la Pointe du Médoc d'une zone d'activité aménagée et urbanisée dont le périmètre inclut la parcelle d'assiette du projet. En précisant au point 3 du jugement que le secteur d'implantation du projet ne constitue ni une agglomération, ni un village au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, alors même que le secteur aurait été qualifié de secteur constructible par le schéma de cohérence territoriale et le plan local d'urbanisme applicables et que si les schémas de cohérence territoriale déterminent désormais les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8 et en définissent la localisation en application des dispositions introduites par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), en particulier l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme, il ne ressortait pas des pièces du dossier et n'était pas allégué qu'une modification simplifiée du SCoT, nécessaire pour la mise en œuvre de ces dispositions, était intervenue à la date de l'arrêté attaqué, le tribunal a suffisamment répondu à ce moyen tel qu'il était soulevé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement sur ce point doit être écarté, la circonstance que l'analyse ainsi portée serait entachée d'erreur de droit ne relevant pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme : " (...) Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation ". Aux termes de l'article L. 121-8 du même code dans sa version issue de la loi du 23 novembre 2018 applicable aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ".
6. D'une part il résulte de ces dispositions que, dans les communes littorales, ne peuvent être autorisées que les constructions réalisées en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions ou, sous certaines conditions, au sein des secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, se distinguant des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages ou de ces secteurs déjà urbanisés.
7. D'autre part, il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors qu'elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.
8. En l'espèce, le point 2.2 du document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale de la Pointe du Médoc adopté le 11 août 2011, accessible sur le site de la commune rappelle que l'extension de l'urbanisation doit être réalisée en continuité avec les villes et villages, le point 2.3 définit la notion de hameaux par référence à l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur et dresse la liste des hameaux où la densification de l'urbanisation est possible et le point 2.4 interdit le développement de l'habitat isolé en milieu rural et précise que toute extension de l'urbanisation à partir de l'habitat isolé est proscrite et que seuls sont possibles les aménagements et l'extension mesurée des constructions existantes. S'agissant plus particulièrement de l'application de la " loi littoral ", le point 2.6 du document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale de la Pointe du Médoc indique que le principe " d'extension de l'urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants ", alors prévu au I de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, s'applique sur la totalité des territoires des communes soumises à la loi littoral et définit les villages et agglomérations de son emprise en précisant que l'extension en continuité y est possible mais qu'elle doit être limitée dans les espaces proches du rivage et tenir compte de la capacité d'accueil du site. Pour la commune de Saint-Vivien-de-Médoc, le schéma retient au titre des agglomérations et villages existants le bourg et au titre des hameaux Bertessac, La Lande, Les Artigues et sur la commune limitrophe de Grayan-et-l'Hôpital, le lieu-dit de Daugagnan.
9. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de la SCI Pielsa se trouve en bordure de la zone d'activité du Pingouleau, située le long de la route départementale 1215 à plus de 2 kilomètres du bourg de Saint-Vivien-de-Médoc, qui ne comporte que cinq commerces et est entourée de toutes parts de parcelles à l'état naturel et pour la plupart boisées. Les constructions les plus proches, constituées d'un petit groupe de maisons isolées au sein d'espaces à l'état naturel, se trouvent à plus de 200 mètres et le hameau de Daugagnan, dont elle est séparée par des parcelles boisées, est situé à près de 700 mètres. Ainsi, le terrain en cause est situé dans une zone d'urbanisation diffuse et ne peut être regardé comme faisant partie du hameau de Daugagnan. Dès lors, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir de la reconnaissance de ce hameau comme zone urbanisée par le schéma de cohérence territoriale et de la possibilité de densification qu'il y prévoit. De même, si la carte du développement urbain et des espaces naturels du document d'orientations générales de ce schéma identifie la zone d'activité du Pingouleau comme un espace urbanisé d'activités existant, au regard du faible nombre de bâtiments qu'elle comporte et de leur nature, cette zone ne peut être regardée comme constituant un secteur déjà urbanisé au sens des dispositions précitées. Au demeurant, le projet litigieux qui ne contribue pas à l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement, ne constitue pas un service public et aurait pour effet d'étendre le périmètre bâti existant de cette zone, ne remplit pas les conditions pour permettre l'autorisation de constructions dans un secteur déjà urbanisé. Par suite, le projet de la SCI Pielsa méconnait l'exigence de continuité fixée par les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et le maire ne pouvait légalement délivrer le permis de construire en litige.
10. Il résulte de ce qui précède que la SCI Pielsa n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le permis de construire qui lui a été délivré le 23 décembre 2019 ainsi que la décision implicite par laquelle le maire a refusé de retirer cet arrêté.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par la SCI Pielsa au titre des frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Pielsa est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Pielsa, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Saint-Vivien-de-Médoc.
Copie en sera adressé au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2023.
La rapporteure,
Christelle Brouard-LucasLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX03423 2