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07/11/2023 | FRANCE | N°22BX02713

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 07 novembre 2023, 22BX02713


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a retiré la carte de séjour qui lui avait été précédemment délivrée et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours avec une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2106441 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 octobre 2022, M. C..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a retiré la carte de séjour qui lui avait été précédemment délivrée et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours avec une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2106441 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 octobre 2022, M. C..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 27 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de prendre sans délai toute mesure propre à mettre fin à l'inscription de M. C... au fichier des personnes recherchées et à son signalement dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant retrait de carte de séjour

- la carte de séjour ne pouvait être retirée sans méconnaitre les dispositions de l'article L. 424-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il était en situation régulière sur le territoire français depuis plus de cinq ans ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation s'agissant de la période pendant laquelle le requérant était en situation régulière sur le territoire français.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant retrait de la carte de séjour ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français

- elle méconnait les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'entrée irrégulière ou non sur le territoire français ne constitue pas un critère prévu par ces dispositions ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'annulation de cette décision implique l'effacement du signalement dans le système d'information Schengen et de l'inscription au fichier des personnes recherchées.

Par un mémoire enregistré le 27 février 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.

Par une ordonnance du 27 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2023.

Par un courrier du 19 juillet 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que dans l'hypothèse où serait annulée la décision par laquelle le préfet a retiré la carte de séjour délivrée à M. C..., la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de retrait.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2022/006509 du 12 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1990, déclare être entré en France le 26 avril 2016. Il a sollicité le bénéfice de l'asile le 19 mai 2016, s'est vu octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire le 27 septembre 2016 et délivrer une carte de séjour temporaire valable du 22 septembre 2017 au 21 septembre 2018, laquelle a été renouvelée jusqu'au 29 mars 2025. Par une décision du 30 août 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a retiré le bénéfice de la protection subsidiaire accordée à M. C.... Par un arrêté du 27 octobre 2021, la préfète de la Gironde a décidé de retirer la carte de séjour délivrée à M. C..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire pendant un délai de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 15 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 octobre 2021.

Sur la décision portant retrait de la carte de séjour :

2. Pour décider de retirer la carte de séjour pluriannuelle délivrée à M. C..., le préfet de la Gironde a considéré que ce dernier ne remplissait plus les conditions prévues par l'article L. 424-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui permettant de prétendre au maintien de sa carte de séjour pluriannuelle portant la mention " bénéficiaire de la protection subsidiaire ", dès lors que l'OFPRA lui avait retiré le bénéfice de cette protection le 30 août 2021.

3. Aux termes de l'article L. 424-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " bénéficiaire de la protection subsidiaire " d'une durée maximale de quatre ans. Cette carte est délivrée dès la première admission au séjour de l'étranger ". L'article L. 424-15 du même code dispose que : " Lorsqu'il est mis fin au bénéfice de la protection subsidiaire par décision définitive de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par décision de justice (...), la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 424-9 et L. 424-11 est retirée. (...) La carte de séjour pluriannuelle ne peut être retirée en application du premier alinéa quand l'étranger est en situation régulière depuis au moins cinq ans ".

4. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que l'étranger doit être regardé comme étant en " situation régulière ", au sens de l'article L. 424-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à compter du dépôt de sa demande d'asile ou de protection subsidiaire et jusqu'à ce qu'il soit mis fin à cette protection.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a déposé sa première demande d'asile le 19 mai 2016, pour laquelle une attestation de demande d'asile " procédure Dublin " lui a été remise. La protection subsidiaire lui ayant été retirée par l'OFPRA le 30 août 2021, sans que la preuve de la notification de ce retrait ait été apportée par la préfète, l'intéressé doit donc être regardé comme ayant été en situation régulière pendant plus de cinq ans au sens des dispositions de l'article L. 424-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que la préfète de la Gironde, en procédant au retrait de sa carte de séjour, a méconnu les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 424-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Si la préfète de la Gironde évoque la menace que le requérant présente pour l'ordre public, ce motif n'est pas mentionné par l'article L. 424-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel est fondée la décision contestée, qui permet de retirer la carte de séjour mentionné à l'article L. 424-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seulement dans le cas où il est mis fin à la protection subsidiaire.

7. La décision portant retrait de la carte de séjour délivrée à M. C... doit par conséquent être annulée.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. M. C... étant fondé à demander l'annulation de la décision retirant la carte de séjour dont il était titulaire en qualité de bénéficiaire de la protection subsidiaire, la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision lui interdisant son retour sur le territoire pendant une durée de deux ans, fondées sur la décision de retrait, doivent être annulées par voie de conséquence.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 mars 2022 doit être annulé, de même que la décision de la préfète de la Gironde du 27 octobre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Compte tenu de l'annulation prononcée par le présent arrêt, et en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de prendre, dans un délai de quinze jours, toute mesure propre à mettre fin à l'inscription de M. C... au fichier des personnes recherchées et à son signalement dans le système d'information Schengen.

Sur les frais liés à l'instance :

11. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, à verser à Me Lanne, avocat de M. C..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 mars 2022 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 27 octobre 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de prendre, dans un délai de quinze jours, toute mesure propre à mettre fin à l'inscription de M. C... au fichier des personnes recherchées et à son signalement dans le système d'information Schengen.

Article 3 : L'État versera à Me Lanne, avocat de M. C..., une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 où siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

Le rapporteur,

Sébastien A...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°22BX02713


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02713
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : LANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-07;22bx02713 ?
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