Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 14 janvier 2019 par laquelle le préfet des Hautes-Pyrénées a prononcé la déchéance totale de la dotation d'installation de jeune agriculteur qui lui avait été accordée le 15 décembre 2009.
Par un jugement n° 1901110 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Denis, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901110 du 18 novembre 2021 du tribunal administratif de Pau ;
2°) d'annuler la décision du 14 janvier 2019 par laquelle le préfet des Hautes-Pyrénées a prononcé la déchéance totale de la dotation d'installation de jeune agriculteur qui lui avait été accordée le 15 décembre 2009 et lui a demandé le remboursement de ces aides ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a respecté l'ensemble des engagements souscrits en vue du versement de la dotation d'installation ; la décision attaquée renvoie à un engagement qui n'était pas prévu dans l'ensemble des actes ayant servi à la détermination de l'aide en litige et la condition relative aux revenus, prévue par les articles D. 343-5 et D. 343-6 du code rural et de la pêche maritime, ne pouvait pas justifier la déchéance totale de ses droits à dotation d'installation ;
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée au regard des dispositions de l'article D. 343-18-2 du code rural et de la pêche maritime alors applicable au litige ; ces dispositions n'évoquent pas une hypothèse de déchéance automatique ; il appartenait au préfet d'apprécier concrètement sa situation et d'exercer son pouvoir d'appréciation pour prendre la décision attaquée ;
- à la fin de la cinquième année, il retirait de ses activités agricoles plus de 30 % de son revenu global, en tenant compte des aides versées a posteriori au titre de l'année 2015, de sorte que la déchéance totale de la dotation à l'installation ne pouvait pas être prononcée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pauline Reynaud,
- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 15 décembre 2009, le préfet des Hautes-Pyrénées a accordé à M. A... une dotation jeune agriculteur (DJA), pour un montant de 6 965 euros. Suite à un contrôle de fin de plan de développement économique réalisé le 4 août 2016, l'administration a estimé que M. A... ne respectait pas le statut de chef d'exploitation à titre secondaire au cours des années 2011, 2013, 2014 et 2015, statut conditionnant l'octroi de la dotation en litige. Par une décision du 14 janvier 2019, le préfet des Hautes-Pyrénées a prononcé une déchéance totale de la dotation accordée à M. A.... Le recours gracieux formé par l'intéressé contre cette décision ayant été implicitement rejeté, M. A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler cette décision du 14 janvier 2019. M. A... relève appel du jugement n° 1901110 du 18 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article D. 343-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige : " En vue de faciliter leur première installation, il peut être accordé aux jeunes agriculteurs qui satisfont aux conditions fixées par la présente section les aides suivantes : 1° Une dotation d'installation en capital ; 2° Des prêts à moyen terme spéciaux ".
3. Selon l'article D. 343-5 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-1336 du 17 décembre 2008, en vigueur du 19 décembre 2008 au 24 août 2016 : " Le jeune agriculteur, candidat aux aides mentionnées à l'article D. 343-3, doit en outre : / 1° Présenter un projet de première installation ; / 2° S'installer sur une exploitation constituant une unité économique indépendante et disposant, dans le cas d'une production hors-sol, d'une superficie minimale déterminée par le préfet après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture. L'exploitation doit être gérée distinctement de toute autre, sous réserve des dispositions propres aux sociétés, et comporter ses propres bâtiments d'exploitation et des moyens de production suffisants ; / 3° Présenter un projet d'installation viable au terme de la cinquième année suivant l'installation sur la base d'un plan de développement de l'exploitation au sens de l'article D. 343-7 ; / 4° S'engager à mettre en œuvre le plan de développement de l'exploitation mentionné au 3° du présent article validé par le préfet ; / 5° S'engager à exercer dans un délai d'un an et pendant cinq ans la profession d'agriculteur en qualité de chef d'exploitation sur un fonds répondant aux conditions fixées par la présente section en retirant au moins 50 % de son revenu professionnel global d'activités agricoles au sens de l'article L. 311-1. Le bénéficiaire des aides s'engage à mettre en valeur personnellement son exploitation et à participer effectivement aux travaux pendant cinq ans ; / 6° S'engager pendant la même période à tenir une comptabilité de gestion de son exploitation correspondant aux normes du plan comptable général agricole et la transmettre au préfet au terme du plan de développement de l'exploitation et avant le terme de la sixième année suivant l'installation ; / 7° S'engager à avoir réalisé les travaux éventuellement exigés par la réglementation relative à la protection de l'environnement en vue de la mise en conformité des équipements repris et à satisfaire aux normes minimales requises en matière d'hygiène et de bien-être des animaux, dans un délai de trois ans ; / 8° S'il bénéficie d'un prêt à moyen terme spécial, s'engager à conserver le bien faisant l'objet du prêt pour un usage identique pendant au moins cinq ans. ".
4. Enfin, l'article D. 343-6 de ce code prévoit, dans sa version applicable au litige, que : " Les agriculteurs qui retirent entre 30 et 50 % de leur revenu professionnel global des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 peuvent bénéficier des prêts à moyen terme spéciaux et de 50 % du montant de la dotation aux jeunes agriculteurs calculé dans les conditions fixées à l'article D. 343-9, lorsqu'ils répondent aux conditions prévues aux articles D. 343-4 et D. 343-5. ".
5. Pour prononcer la déchéance totale de la dotation jeune agriculteur, le préfet des Hautes-Pyrénées a retenu que M. A... n'avait pas respecté le statut d'agriculteur à titre secondaire quatre années sur les cinq années d'engagement, soit au titre des années 2011, 2013, 2014 et 2015.
6. En premier lieu, il ressort du formulaire de demande d'aide à l'installation que M. A... s'était alors engagé à exercer une activité en qualité de chef d'exploitation agricole pendant une durée minimale de cinq ans à compter de la date de son installation, conformément aux dispositions précitées de l'article D. 343-5 du code rural et de la pêche maritime. La décision du 15 décembre 2009 par laquelle le préfet des Hautes-Pyrénées a accordé à M. A... la dotation d'installation jeune agriculteur, qui renvoie aux conditions indiquées dans le dossier de demande d'aide, rappelle les engagements auxquels M. A... doit souscrire et notamment l'exercice pendant cinq ans de la profession d'agriculteur en qualité de chef d'exploitation à titre secondaire. Le courrier de la direction départementale des territoires des Hautes-Pyrénées du 24 novembre 2010 rappelle également ces engagements, et indique que le non-respect de l'un de ces engagements entrainerait la déchéance des droits à dotation. Enfin, la circonstance que l'obligation de retirer au moins 50 % de son revenu professionnel global d'activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du même code ne soit pas mentionnée est sans incidence sur le caractère opposable de cette obligation. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la condition relative aux revenus prévue par l'article D. 343-5 du code rural et de la pêche maritime ne lui était pas opposable et ne pouvait ainsi fonder la décision de déchéance de dotation, ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 343-18-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige : " (...) / Si, avant la fin de la cinquième année suivant son installation, le bénéficiaire des aides mentionné au 5° de l'article D. 343-5 retire de ses activités agricoles entre 30 % et 50 % de son revenu professionnel global, le préfet peut prononcer la déchéance de 50 % de la dotation d'installation. / Si, avant la fin de la cinquième année suivant son installation, le bénéficiaire des aides retire de ses activités agricoles moins de 30 % de son revenu professionnel global, le préfet peut prononcer la déchéance totale de la dotation d'installation. / (...) ". Aux termes de l'article L. 311-1 du même code : " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation (...) ".
8. Si M. A... soutient qu'il retirait au moins 30 % de son revenu professionnel global de ses activités agricoles au titre de l'année 2015 dès lors qu'il appartenait à l'administration de prendre en compte les aides versées a posteriori au titre de cette année, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence dès lors que l'intéressé ne conteste pas ne pas avoir retiré au moins 30 % de son revenu professionnel de ses activités agricoles s'agissant des années 2011, 2013 et 2014. Dans ces conditions, M. A... ne remplissait pas les conditions prévues à l'article D. 343-5 du code rural et de la pêche maritime, et le préfet des Hautes-Pyrénées pouvait, sans commettre d'erreur de droit, prendre la décision en litige de déchéance de la dotation à l'installation. Par suite, le moyen doit être écarté.
9. En troisième et dernier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prononçant la déchéance totale de la dotation d'installation en litige, le préfet des Hautes-Pyrénées se serait placé en situation de compétence liée et n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation sur la situation particulière de M. A..., alors qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la décision attaquée fait état du contrôle effectué le 4 août 2016 et que le préfet des Hautes-Pyrénées a également invité M. A... à formuler des observations, ce que l'intéressé n'a pas fait. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier qu'en prenant la décision attaquée, le préfet des Hautes-Pyrénées aurait méconnu le principe de confiance légitime.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 janvier 2019 par laquelle le préfet des Hautes-Pyrénées a prononcé la déchéance totale de la dotation d'installation de jeune agriculteur qui lui avait été accordée le 15 décembre 2009.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. A... demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.
La rapporteure,
Pauline ReynaudLa présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX00221 2