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07/11/2023 | FRANCE | N°21BX00734

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 07 novembre 2023, 21BX00734


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2016 ainsi que des majorations et intérêts correspondants pour un montant de 1 813 euros.

Par un jugement n° 1800032 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif a fait droit à la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 février 2021 et 24

mai 2022, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, représentée par Me Blazy, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2016 ainsi que des majorations et intérêts correspondants pour un montant de 1 813 euros.

Par un jugement n° 1800032 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif a fait droit à la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 février 2021 et 24 mai 2022, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, représentée par Me Blazy, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 24 novembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que M. B... devait faire l'objet d'une imposition sur les revenus par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon dès lors qu'il devait être regardé comme résident sur le territoire de cette collectivité au sens de la convention fiscale du 30 mai 1988 signée entre l'État et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Par un mémoire enregistré le 2 mai 2022, M. B..., représentée par la SELARL Bale et Koudoyor, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros en première instance et 3 000 euros en appel soit mise à la charge de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que le moyen soulevé est infondé dès lors qu'il doit être regardé comme résident en France.

Par une ordonnance du 16 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention fiscale du 30 mai 1988 entre l'État et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code local des impôts de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- le livre des procédures fiscales de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sébastien Ellie ;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., fonctionnaire de l'État français au sein de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a été affecté à la direction de la cohésion sociale, du travail de l'emploi et de la population de Saint-Pierre-et-Miquelon entre le 11 janvier 2016 et le 20 septembre 2016. Il a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office de ses revenus perçus en 2016 par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, laquelle l'a assujetti à des cotisations d'impôt sur le revenu assorties de majorations pour un montant total de 1 813 euros. La collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon relève appel du jugement du 24 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a prononcé la décharge de l'ensemble des impositions mises à la charge de M. B....

2. Une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient toutefois ensuite, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

Sur l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article LO 6414-1 du code général des collectivités territoriales : " (...) II. La collectivité fixe les règles applicables dans les matières suivantes : 1° Impôts (...) ". L'article 2 du code local des impôts dispose que : " L'impôt sur le revenu est un impôt unique, annuel établi par foyer et dû par toutes les personnes physiques ayant leur domicile fiscal dans l'Archipel ou domiciliées hors de l'Archipel percevant des revenus provenant de Saint-Pierre et Miquelon. / Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal dans la Collectivité : 1) Les personnes qui ont à Saint-Pierre et Miquelon leur résidence principale. 2) Les personnes qui ont à Saint-Pierre et Miquelon leur lieu de séjour principal. 3) Les personnes exerçant à Saint-Pierre et Miquelon une activité professionnelle salariée ou non. 4) Les personnes qui ont à Saint-Pierre et Miquelon le centre de leurs intérêts économiques (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'imposition sur le revenu de M. B... a été valablement établie par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon au regard de la loi fiscale applicable, dès lors que M. B... exerçait en 2016 une activité professionnelle sur le territoire de la collectivité.

Sur la convention du 30 mai 1988 entre l'État et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon :

5. Aux termes de l'article 1er de la convention : " La présente Convention s'applique aux personnes qui sont des résidents d'un territoire ou des deux territoires. " L'article 2 de la convention stipule que : " La présente Convention s'applique aux impôts sur le revenu (...) perçus au profit de l'État, d'une part, de Saint-Pierre-et-Miquelon, d'autre part (...) 2. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont : a) En ce qui concerne l'État : i) l'impôt sur le revenu (...) b) En ce qui concerne la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon : i) l'impôt sur le revenu des personnes physiques (...). " Aux termes de l'article 4 de la convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un territoire " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de ce territoire, est assujettie à l'impôt dans ce territoire, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. (...) 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux territoires, sa situation est réglée de la manière suivante : a) Cette personne est considérée comme un résident du territoire où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux territoires, elle est considérée comme un résident du territoire avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ". L'article 14 de la convention prévoit que : " (...) 4. Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, les rémunérations, autres que les pensions, payées par l'État (...) à une personne physique, ne sont imposables que dans le territoire dont le bénéficiaire est un résident ". Enfin, les stipulations des points 1.a et 2.a de l'article 22 de la convention établissent, pour ce qui concerne notamment les revenus visés à l'article 14, un dispositif d'exonération intégrale de l'impôt sur les revenus à Saint-Pierre-et-Miquelon lorsque ces revenus sont imposables par l'État et une exonération intégrale de l'impôt sur les revenus en France lorsqu'ils sont imposables à Saint-Pierre-et-Miquelon.

6. Le premier alinéa de l'article 4 A du code général des impôts dispose que " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non (...) c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) 2. Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l'État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus. ".

7. Il résulte des stipulations de la convention que lorsque, comme en l'espèce, une personne est considérée comme résidente en France et à Saint-Pierre-et-Miquelon dans la mesure où elle dispose d'un foyer permanent dans ces deux territoires, elle est considérée comme un résident du territoire avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits. Il résulte de l'instruction que M. B... a été affecté le 11 janvier 2016 dans un service de l'État de Saint-Pierre-et-Miquelon, collectivité qu'il a quittée le 20 septembre 2016 en adressant congé au propriétaire de l'appartement qu'il louait sur place. M. B... avait conservé son appartement en France à Montolieu dans le département de l'Aude, son épouse et sa fille de 16 ans en 2016 continuant à vivre en France. En raison de l'importance des liens personnels et familiaux conservés en France et de l'absence de liens particuliers établis à Saint-Pierre-et-Miquelon, le centre des intérêts vitaux de M. B... se situait en France et non sur le territoire de cette collectivité, de sorte qu'il doit être regardé comme résident en France au sens de la convention fiscale du 30 mai 1988. Les revenus perçus par M. B... pendant cette période sont donc imposables en France métropolitaine, ainsi qu'il résulte de la combinaison des articles 4 et 14 de la convention du 30 mai 1988. En application des dispositions de l'article 22 de la convention, ces revenus sont exonérés de l'impôt sur le revenu des personnes physiques résidant à Saint-Pierre-et-Miquelon. La circonstance selon laquelle M. B... a déclaré en France métropolitaine les revenus perçus en 2016 en tant que " salaires exonérés retenus pour le calcul du taux effectif " est sans incidence sur la qualification de personne résidant en France au sens de la convention fiscale. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a déchargé M. B... du paiement des cotisations d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2016 ainsi que des majorations et intérêts correspondants pour un montant de 1 813 euros.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon au titre des frais engagés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière les sommes que M. B... demande au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... au titre des frais d'instance sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 où siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

Le rapporteur,

Sébastien Ellie

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°21BX00734


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00734
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Sébastien ELLIE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : BLAZY SOPHIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-07;21bx00734 ?
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