Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite, et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2204861 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Lanne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 28 juillet 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée ou familiale " ou " salarié ", et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai d'un mois et en lui fournissant, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder sans délai à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation familiale en France ;
- cette décision est également entachée d'une erreur de droit, la préfète n'ayant pas examiné si ses qualifications et son expérience professionnelle pouvaient caractériser un motif d'admission exceptionnelle au séjour au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la préfète de la Gironde a commis une erreur de droit en lui opposant l'insuffisance de sa rémunération sur le fondement de l'article R. 5221-20 du code du travail, dispositions qui ne sont pas applicables aux demandes d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques auxquels elle serait exposée en cas de retour au Gabon ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation tant dans son principe que dans sa durée ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante gabonaise née le 24 mars 1994, est entrée en France le 14 novembre 2015 munie d'un visa D et a été admise au séjour en qualité d'étudiante du 9 août 2017 au 8 août 2018. Le changement de statut qu'elle a sollicité le 14 février 2019 pour obtenir un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " lui a été refusé par la préfète de la Gironde par un arrêté du 22 septembre 2020 portant également obligation de quitter le territoire français. Mme B... a alors demandé, le 20 décembre 2021, son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 juillet 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Mme B... relève appel du jugement du 5 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée, qui n'avait pas à faire état de manière exhaustive de l'ensemble des éléments relatifs à la situation de Mme B..., mentionne les éléments principaux de sa vie privée et familiale en France. Il ne ressort pas des termes de cette décision que la préfète de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation, notamment familiale, avant de lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Selon l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...) ". L'article R. 5221-20 du code du travail dispose : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : (...) / 4° La rémunération proposée est conforme aux dispositions du présent code sur le salaire minimum de croissance ou à la rémunération minimale prévue par la convention collective applicable à l'employeur ou l'entreprise d'accueil (...) ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité professionnelle ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour. Pour autant, la demande présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à l'article L. 5221-2.
5. S'agissant de sa vie privée et familiale en France, Mme B... se prévaut d'une durée de présence de bientôt sept années à la date du refus de séjour contesté, de la présence en France de son père qui vit sur le territoire national depuis plus de vingt ans, de la sœur et de la cousine de sa mère, ainsi que de la cousine de son père, toutes trois de nationalité française. Elle n'apporte toutefois aucune précision sur l'intensité des liens qu'elle entretient avec les différents membres de sa famille présents en France dont elle a vécu éloignée jusqu'à l'âge de 21 ans, son père faisant en outre l'objet d'une mesure d'éloignement datée du 22 septembre 2020. Par ailleurs, Mme B... est célibataire et sans charge de famille en France. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier de considérations humanitaires ou de motif exceptionnel justifiant une admission exceptionnelle au séjour de Mme B... au titre de sa vie privée et familiale.
6. Il ressort des termes de la décision attaquée que la préfète de la Gironde ne s'est pas bornée, pour refuser de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " salarié ", à lui opposer la circonstance que la rémunération qui lui est versée en exécution du contrat à durée indéterminée qu'elle a conclu avec un employeur pour une activité de garde d'enfant était inférieure à celle prévue par la convention collective pour ce niveau d'emploi, mais qu'elle a tenu compte de cet élément parmi plusieurs autres pour l'appréciation de l'existence d'un motif exceptionnel justifiant son admission au séjour. Les termes de cette décision ne permettent pas non plus de retenir que la préfète n'aurait pas pris en considération les qualifications et l'expérience professionnelle de Mme B... avant de lui opposer un refus de séjour. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit ainsi être écarté.
7. Mme B... justifie avoir obtenu un certificat d'aptitude professionnelle " accompagnant éducatif petite enfance " au mois d'octobre 2021 et avoir travaillé en qualité d'intervenante en garde à domicile depuis le mois de septembre 2019. Elle produit, en outre, un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er septembre 2021 pour la garde de deux enfants à domicile. Ces éléments, s'ils témoignent de la volonté de la requérante dont les qualités sont largement reconnues par ses employeurs, ne sauraient toutefois suffire à caractériser un motif exceptionnel justifiant la délivrance à l'intéressée d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Par suite, la préfète n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, Mme B... est célibataire et sans charge de famille en France et son père fait également l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire. Dans ces conditions et en dépit de son activité professionnelle en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été édictée. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. Mme B... soutient qu'elle risque de subir des traitements prohibés par les stipulations précitées en cas de retour au Gabon en raison de son orientation sexuelle. Toutefois, les quelques éléments qu'elle produit relatifs aux mouvements homophobes ayant eu lieu après la dépénalisation de l'homosexualité votée en 2020 par le parlement gabonais et au témoignage d'un individu victime de l'homophobie de son entourage ne sont pas de nature à corroborer l'existence d'un risque actuel, personnel et direct en cas de retour de Mme B... dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
12. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " L'article L. 612-10 du même code dispose : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. " Aux termes de l'article L. 613-8 du même code : " Lorsqu'un étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour édictée en application de l'article L. 612-8 justifie, au plus tard deux mois suivant l'expiration du délai de départ volontaire dont il a bénéficié, avoir satisfait à son obligation de quitter le territoire français dans le délai imparti, l'interdiction de retour est abrogée. / Toutefois, par décision motivée, l'autorité administrative peut refuser cette abrogation au regard de circonstances particulières tenant à la situation et au comportement de l'intéressé. (...) ".
13. Ainsi que cela est précisé dans la décision contestée, l'interdiction de retour sur le territoire français édictée par la préfète de la Gironde à l'encontre de Mme B... sur le fondement de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aurait été, en application des dispositions précitées et sauf décision motivée contraire susceptible de recours, automatiquement abrogée si l'intéressée avait exécuté la mesure d'éloignement édictée à son encontre dans le délai de trente jours qui lui était imparti ou dans un délai de deux mois suivant l'expiration de ce délai. Au regard de ces éléments et compte tenu de l'existence d'une précédente mesure d'éloignement non exécutée, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en interdisant à l'intéressée le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2023.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX00795 2