Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'avis des sommes à payer valant ampliation du titre de recettes n° 1714 émis le 2 juillet 2019 par le maire de la commune de Fort de France pour avoir paiement de la somme de 19 710 euros correspondant à une redevance d'occupation du domaine public et de le décharger de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 1900528 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de la Martinique a annulé ce titre de recettes en tant qu'il porte sur un montant de 19 710 euros et non de 16 425 euros, a déchargé M. C... du paiement de la somme de 3 285 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 10 septembre 2021, M. C..., représenté par Me Bel, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes ;
2°) à titre principal, d'annuler le titre exécutoire n° 1714 du 2 juillet 2019 et l'avis des sommes à payer et de lui accorder la décharge de l'obligation de payer la totalité de la somme mise à sa charge ;
3°) à titre subsidiaire d'annuler l'avis des sommes à payer et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 16 425 euros ;
4°) dans tous les cas, de rejeter les conclusions d'appel incident de la commune de Fort-de-France ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de l'exception d'illégalité du titre exécutoire n° 1714 émis le 2 juillet 2019 en raison d'un défaut de motivation ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la base de calcul mentionnée dans l'avis des sommes à payer était suffisamment précise et détaillée ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- sa demande de première instance était recevable et c'est à bon droit que le tribunal a requalifié le moyen maladroitement rédigé tiré de ce qu'il considérait que la créance était abusive et a admis la recevabilité des moyens développés dans le mémoire complémentaire ;
- ce titre exécutoire ne comporte pas les bases de liquidation en méconnaissance de l'article 24 alinéa 2 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- l'avis des sommes à payer est insuffisamment motivé en l'absence de mention des bases de liquidation et la motivation par référence n'est pas possible dès lors que le titre exécutoire n'y était pas joint ;
- il n'existait pas de tarification applicable à sa situation ;
- le montant de la créance n'est pas établie en l'absence de détermination précise de la période d'occupation ;
- il ne perçoit aucun revenu et n'est pas en mesure de payer cette somme ; en outre, il n'a fait preuve d'aucune intention frauduleuse et a toujours agi de bonne foi.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 juillet 2021, la commune de Fort-de-France, représentée par Me Relouzat Bruno, conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident, demande à la cour d'annuler le jugement du 12 avril 2021, de rejeter la demande de M. C... et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le tribunal a écarté à tort la fin de non-recevoir opposée en première instance dès lors que la requête initiale ne contenait aucun moyen d'annulation ; le mémoire complémentaire produit après l'expiration du délai de recours n'a pu la régulariser dès lors que la saisine du bureau d'aide juridictionnelle intervenue postérieurement à l'expiration du délai de recours ne pouvait avoir pour effet de proroger le délai de recours contentieux ;
- les moyens de légalité externe développés dans ce mémoire complémentaire, qui procédaient d'une cause juridique différente du caractère " abusif " de la créance invoquée dans la requête initiale sont irrecevables ;
- le moyen tiré du caractère abusif de la redevance n'est pas fondé ;
- le tribunal a considéré à tort qu'un container de 20 pieds n'occupait qu'une surface au sol de 15 m² et non de18 m².
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,
- et les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 2 juillet 2019 la commune de Fort-de-France a émis à l'encontre de M. C... un titre exécutoire d'un montant de 19 710 euros au titre d'une redevance d'occupation illégale du domaine public en raison de l'entreposage non autorisé d'un container sur un terrain appartenant au domaine public communal situé dans le quartier de Ravine Vilaine. M. C... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler ce titre et de lui accorder la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement du 12 avril 2021, le tribunal a annulé ce titre de recettes pour la somme excédant 16 425 euros et a déchargé M. C... du paiement de la somme de 3 285 euros. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à ses demandes. Par la voie de l'appel incident, la commune conclut à l'annulation du jugement et au rejet de la demande de M. C....
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il résulte des termes du jugement que le tribunal a visé le moyen tiré de l'exception d'illégalité du titre exécutoire tiré de ce qu'il ne mentionne pas de manière suffisamment précise les bases de liquidation de la créance et a relevé au point 7 de son jugement que " l'avis des sommes à payer en litige (...) fait clairement référence au titre de recette n° 1714 du 2 juillet 2019 qui comporte également une mention correspondant à la nature de la créance ainsi que les éléments de calcul sur lesquels il se fonde " et que " la base de calcul retenue par la commune était suffisamment précise et détaillée pour permettre au requérant de contester utilement la décision en litige ". Ce faisant, le tribunal a répondu au moyen tiré de l'exception d'illégalité du titre exécutoire émis le 2 juillet 2019 en tant que ce titre n'était pas suffisamment motivé. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal n'aurait pas examiné ce moyen.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait commis " une erreur de droit " en estimant que la base de calcul mentionnée dans l'avis des sommes à payer était suffisamment précise et détaillée relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
4. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
5. Il ressort de la demande de première instance que dans sa requête enregistrée le 5 septembre 2019 sans l'assistance d'un avocat, M. C... faisait valoir après avoir décrit les démarches qu'il avait engagées pour enlever le container, que la somme demandée lui paraissait abusive et qu'au regard des faits précédemment énoncés, il demandait " l'annulation de la décision contestée ou à tout le moins qu'une décision plus adapté et proche de la réalité soit envisagé ". Ce faisant, il doit être regardé comme contestant le montant de la créance qui lui était réclamée au motif des démarches engagées et des difficultés rencontrées. Par suite la commune de Fort-de-France n'est pas fondée à soutenir que cette demande était irrecevable en l'absence de moyens.
En ce qui concerne la régularité en la forme du titre exécutoire :
6. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que le titre exécutoire en litige, qui comportait la mention des voies et délais de recours, a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception à l'adresse de M. C... qui n'a pas retiré ce pli en raison de son absence. L'avis de passage produit par M. C... devant le tribunal précise que le courrier a été présenté le 12 juillet 2019 et qu'il n'a pu être remis en raison de l'absence de son destinataire et informe l'intéressé que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Au vu de ces mentions claires précises et concordantes, le titre exécutoire doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié à M. C... à la date du 12 juillet 2019. Dès lors, le délai de recours contentieux expirait le 13 septembre 2019 et le mémoire complémentaire produit par son avocate le 17 janvier 2020 a été enregistré après l'expiration de ce délai. Par suite, le moyen soulevé pour la première fois dans ce mémoire, tiré de l'irrégularité de l'avis des sommes à payer en méconnaissance de l'article 24 alinéa 2 du décret 7 novembre 2012, qui n'est pas d'ordre public et qui se rattache à une cause juridique différente de celle dont relevait le moyen invoqué dans le délai de recours contentieux tiré du caractère infondé de la créance, a le caractère d'une prétention nouvelle tardivement présentée et, par suite, est irrecevable. Il en est de même du moyen tiré de l'irrégularité du titre de recettes en raison de la méconnaissance de ces mêmes dispositions dès lors que l'avis des sommes à payer ne constitue qu'une ampliation de ce titre et que ce moyen ne peut donc être regardé comme un moyen d'exception d'illégalité qui se rattacherait au bien-fondé de la créance. Le requérant ne peut à cet égard se prévaloir de ce que sa demande d'aide juridictionnelle aurait prorogé le délai de recours contentieux dès lors que cette demande présentée le 10 octobre 2019, après l'expiration du délai de recours contentieux, n'a pu interrompre ce délai et lui permettre d'invoquer des moyens relevant d'une cause juridique nouvelle devant le tribunal.
En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :
7. Aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. ". Il résulte de ces dispositions que le gestionnaire du domaine public est fondé à réclamer à un occupant sans titre une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période.
8. En premier lieu, si le requérant soutient que la délibération du conseil municipal de Fort-de-France du 31 janvier 2017 ne comporte pas de tarification applicable aux faits de l'espèce, il n'apporte aucun élément de nature à établir que le conteneur en litige ne relèverait pas de la catégorie " Echelle/Benne/Bac à sable, baraque de chantier, wc chimique, groupe électrogène, contenair " qui figure dans cette délibération et prévoit un tarif de 0,5 euros par m2 et par jour pour toute occupation supérieure à 90 jours.
9. En deuxième lieu, M. C... soutient que la commune ne définit pas avec suffisamment de précision la durée d'occupation du domaine public. Toutefois il résulte de l'instruction que le titre exécutoire retient une période d'occupation de deux ans sur la base des propres déclarations de l'intéressé aux agents de police municipaux le 24 mai 2019, qu'il ne conteste pas. Par suite, la seule circonstance que le titre ne mentionne pas la date de début et de fin de la période d'occupation n'est pas de nature à remettre en cause la réalité de la créance.
10. Enfin, si M. C..., qui a reconnu l'occupation irrégulière du domaine public du containeur dont il avait la garde pendant une durée de deux ans, se prévaut de sa bonne foi et de sa situation financière précaire, ces circonstances ne sauraient utilement faire obstacle, dans son principe, au droit du gestionnaire du domaine public à la réparation du dommage résultant de cette occupation irrégulière.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique n'a pas fait droit à la totalité de sa demande à fin d'annulation du titre exécutoire du 2 juillet 2019 et de décharge des sommes mises à sa charge par ce titre.
Sur les conclusions d'appel incident de la commune de Fort-de-France :
12. La commune de Fort-de-France n'apporte aucun élément tant en appel qu'en première instance tendant à démontrer que la surface occupée par un container de vingt pieds de longueur atteindrait celle de 18 m2 retenue dans le titre exécutoire en litige, alors qu'il ressort des éléments produits par la commune devant le tribunal qu'elle retenait elle-même une surface de 15m2 pour un tel container, de dimensions standardisées, d'environ 6 mètres par 2,44 mètres ainsi que cela ressort des données librement consultables sur internet. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que le tribunal se serait mépris en retenant une surface occupée de 15 m² correspondant à la surface d'un container de 20 pieds de long.
13. Par suite, la commune de Fort-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Martinique a annulé le titre de recette et litige en tant qu'il porte sur un montant supérieur à 16 425 euros et a déchargé M. C... du paiement de la somme de 3 285 euros.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la commune de Fort-de-France et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Fort-de-France.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme D... B... - Lucas, présidente - assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 novembre 2023.
La rapporteure,
D... Brouard-LucasLe président,
Jean-Claude PauzièsLa greffière,
Stéphanie LarrueLa République mande et ordonne au préfet de la Martinique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX02962 2