Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.
Par un jugement n° 2201705 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 avril 2023, M. C..., représenté par Me Préguimbeau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 23 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi qu'un droit de plaidoirie de 13 euros.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à l'argument selon lequel l'arrêté ne comporte pas de signature manuscrite, mais seulement une signature avec tampon encreur ;
- il avait bénéficié d'un avis favorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dans le cadre de l'instruction de sa demande d'admission au séjour en qualité de salarié en 2018, et s'il a entretemps perdu son emploi, c'est involontairement, ainsi que l'a reconnu le conseil des prud'hommes de Limoges du 19 novembre 2021 qui a condamné son employeur pour travail dissimulé et licenciement sans cause réelle et sérieuse ; les conditions de son licenciement justifieraient que lui soit délivrée une autorisation de travail, par analogie avec la situation prévue à l'article R. 5221-33 du code du travail ;
- le préfet ne pouvait lui opposer l'absence de visa de long séjour comme faisant obstacle à son admission au séjour et ne peut plus l'invoquer dans le cadre d'une demande de réexamen de sa situation, dès lors qu'il lui a délivré des autorisations provisoires de séjour l'autorisant à travailler durant l'année 2019 ;
- il dispose d'attaches familiales en France où résident ses demi-frère et sœur, et où ont vécu ses parents jusqu'à leur décès, ainsi que des attaches privées eu égard à sa durée de présence sur le territoire ; il n'a pas de liens étroits avec ses frère et sœur résidant en Algérie ; s'il s'est maintenu sur le territoire malgré une mesure d'éloignement, c'est pour faire valoir ses droits contre un employeur indélicat ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas justifiée alors qu'il est inséré et travaille dans un domaine où les employeurs ne trouvent pas de main d'œuvre.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2023, la préfète de la
Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- l'absence de date sur l'arrêté qui a été adressé à M. C... est une erreur de plume sans incidence sur sa légalité ; son auteur bénéficiait d'une délégation de signature et a bien signé l'original de l'arrêté ; l'apposition d'un tampon permettant de justifier de son identité et de sa qualité est conforme aux dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la demande d'admission au séjour est fondée sur les liens privés et familiaux, et non sur la situation professionnelle, à la différence de sa précédente demande de titre ; la condamnation de son ancien employeur devant le conseil des prud'hommes est sans incidence sur la légalité des décisions en litige ;
- l'arrêté ne méconnaît pas le droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale ; M. C... se maintient en situation irrégulière depuis l'expiration de son visa de court séjour, malgré une précédente mesure d'éloignement dont la légalité a été confirmée par les juridictions administratives ; la simple présence de membres de sa famille sur le territoire ne lui ouvre pas de droit au séjour ; il est célibataire, sans enfant, et n'est pas dépourvu de liens en Algérie ; il n'allègue pas être dans l'impossibilité de retourner en Algérie pour solliciter la délivrance d'un visa de long séjour ;
- pour les mêmes raisons, et alors que M. C... n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en Algérie afin d'y solliciter son abrogation, l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas entachée d'illégalité.
M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25 % par décision du 30 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 1er juillet 1982, est entré régulièrement en France le 6 mai 2015 sous couvert d'un visa de court séjour, d'une durée de huit jours. Il a sollicité, les 11 décembre 2017, 13 juin 2018 et 10 septembre 2019, son admission au séjour en qualité de salarié. Le refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français opposé le 12 novembre 2019 a été confirmé, en dernier lieu, par une ordonnance de la cour du 10 mars 2021. M. C... a demandé, le 12 juillet 2022, son admission au séjour en raison de ses liens privés et familiaux en France. Par arrêté du 23 septembre 2022, la préfète de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Saisi par M. C... de la légalité de cet arrêté, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation, par un jugement du 23 février 2023 dont l'intéressé relève appel.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Limoges, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté ne serait pas signé. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté en litige :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) "
4. L'arrêté préfectoral est signé par M. D... B..., sous-préfet, secrétaire général de la préfecture. La circonstance que l'identité et la qualité de son auteur ont été indiquées en recourant à un tampon encreur est sans incidence sur sa légalité.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... a demandé, le 12 juillet 2022, son admission au séjour en raison de ses liens privés et familiaux sur le territoire. Pour rejeter sa demande, la préfète de la Haute-Vienne, contrairement à ce qui est soutenu, ne lui a pas opposé l'absence de visa de long séjour, mais l'absence d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
6. En troisième lieu, M. C..., dont la demande d'admission au séjour en qualité de salarié a été définitivement rejetée par un arrêté du 12 novembre 2019 dont la légalité a été confirmée, en dernier lieu, par une ordonnance de la cour du 10 mars 2021, ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article R. 5221-33 du code du travail, relatives à la situation de l'étranger titulaire d'une autorisation de travail et involontairement privé d'emploi, ni soutenir que sa demande présentée le 12 juillet 2022 devait s'analyser comme une demande de réexamen de sa situation en qualité de salarié après la condamnation de son employeur pour travail dissimulé et licenciement sans cause réelle et sérieuse, par le conseil des prud'hommes dans un jugement du 19 novembre 2021.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Si M. C... était présent en France depuis plus de sept ans à la date de l'arrêté et s'il y est entré afin de rejoindre son père, titulaire d'un certificat de résidence algérien de dix ans et ses demi-frère et sœur nés en 1999 et 2001, avant de s'établir à Limoges, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire sans enfant, que son père est décédé en 2020, que les membres de sa famille, dont des cousins, résident en région parisienne, et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales et privées en Algérie, où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 33 ans et où demeurent également ses autres frères et sœurs. Le fait qu'il a travaillé entre janvier 2017 et septembre 2018 en tant que réceptionniste dans un hôtel, avant d'être licencié sans cause réelle et sérieuse, n'est pas de nature à lui ouvrir un droit au séjour, d'autant que, mise à part une autre expérience professionnelle de cinq mois en 2019, en tant que technicien fibre, qui a donné lieu à un refus d'autorisation de travail de la part des services de la main d'œuvre étrangère, il n'établit pas une insertion professionnelle particulière. Dans ces conditions, et nonobstant des attestations de proches ou d'une association pour enfants handicapés, la préfète de la Haute-Vienne, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas méconnu les stipulations précitées du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
10. Bien que M. C... soit présent en France depuis plus de sept ans, eu égard au fait qu'il n'a pas exécuté la précédente obligation de quitter le territoire qui a été prononcée à son encontre le 12 novembre 2019 et aux motifs rappelés au point 8, la préfète de la
Haute-Vienne n'a pas méconnu les dispositions précitées en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 septembre 2022.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 octobre 2023.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX01143