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17/10/2023 | FRANCE | N°23BX00976

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 17 octobre 2023, 23BX00976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2205381 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 avril 2023, M. B..., représenté par Me Trebes

ses, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2205381 du tribunal administratif de Bordeau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2205381 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 avril 2023, M. B..., représenté par Me Trebesses, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2205381 du tribunal administratif de Bordeaux du 19 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il doit pouvoir rester aux côtés de son épouse qui, contrairement à ce qu'a considéré la préfète, ne peut bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions du 9° l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à l'intérêt supérieur de ses enfants dès lors qu'elle les prive des mesures d'assistance éducative prises par la juge des enfants ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne comporte aucun examen propre de sa situation au regard des critères fixés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette absence totale de motivation en fait révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- la préfète s'est estimée à tort liée par la décision de rejet de sa demande d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2023/000251 du 21 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien, né le 5 mars 1990, est entré en France le 31 juillet 2018, selon ses déclarations. Le 26 novembre 2020, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'état de santé de son fils. Par un arrêté du 7 juillet 2022, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 19 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, le requérant invoque un défaut d'examen sérieux de sa situation familiale en relevant que l'arrêté attaqué ne mentionne qu'un seul enfant alors qu'il en a trois. Toutefois, la naissance de son dernier enfant est postérieure à la décision en litige, et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressé aurait porté à la connaissance de la préfète la naissance de son deuxième enfant, né après sa demande de titre de séjour déposée en novembre 2020.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'état de santé de son fils et que la préfète de la Gironde a rejeté sa demande en se fondant sur l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) rendu le 25 mars 2022 selon lequel l'état de santé de son fils nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Parallèlement, son épouse, Mme E... B..., a également sollicité, le 5 mai 2021, le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré en raison de son état de santé. Par arrêté du 26 juillet 2022, la préfète de la Gironde a rejeté cette demande en s'appuyant sur l'avis du collège de médecins de l'OFII rendu le 10 mai 2022 selon lequel son état de santé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais selon lequel elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. D'une part, M. B... ne peut utilement se prévaloir de l'état de santé de son épouse au soutien du moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour attaquée méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors, en tout état de cause, que sa demande, et le refus qui lui a été opposé, reposent sur l'état de santé de son fils en application des dispositions de l'article L. 425-10 du même code.

6. D'autre part, M. B... soutient que la préfète a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'état de santé de sa femme nécessite qu'il reste à ses côtés, et que contrairement à ce qu'a considéré la préfète, cette dernière ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine.

7. En vertu des dispositions citées au point 3, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

8. Il ressort des pièces du dossier que l'épouse A... B... souffre d'une schizophrénie de type paranoïaque et qu'elle bénéficie d'un suivi psychiatrique en France depuis 2020 pour un syndrome de stress post-traumatique en lien avec des évènements qu'elle aurait vécus en Côte d'Ivoire. M. B... conteste le fait qu'elle puisse bénéficier de soins appropriés en Côte d'ivoire et soutient qu'il doit rester à ses côtés en France. Il produit un certificat médical établi par un médecin du centre hospitalier de Bordeaux relatant les dires de Mme B... relatifs à son parcours traumatique et indiquant que " malgré la présence de service de psychiatrie en Côte d'Ivoire, l'accès à de tels soins est impossible ". Toutefois, comme l'ont considéré à juste titre les premiers juges, les termes de ce certificat ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège de médecins et l'appréciation de la préfète de la Gironde selon laquelle elle pourra bénéficier d'un traitement approprié en Côte d'Ivoire, quand bien même elle a obtenu dans le passé un premier titre de séjour en raison de son état de santé. En outre, s'il se prévaut de ce qu'elle ne peut raisonnablement se faire soigner dans son pays d'origine dès lors que son syndrome post-traumatique serait en lien avec des évènements vécus dans ce pays, ses allégations, et notamment l'agression subie en Côte d'Ivoire pendant le conflit armé, ne sont pas documentées et ne résultent que des dires non circonstanciés relatés par le certificat médical. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée une erreur manifeste d'appréciation sur ce point doit être écarté.

Sur la légalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

10. M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaitrait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'invoque aucun élément relatif à son propre état de santé. Par suite, ce moyen doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. Il ressort des pièces du dossier que les deux enfants A... et Mme B..., nés à Bordeaux en 2020 et 2021, font l'objet d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert par jugement du juge des enfants du tribunal judiciaire de Bordeaux du 15 février 2022 jusqu'au 31 août 2023, en raison notamment des troubles psychiatriques de leur mère. Toutefois, comme l'ont à juste titre estimé les premiers juges, cette circonstance, à elle seule, ne permet pas de considérer qu'il aurait été porté une atteinte à l'intérêt supérieur des enfants, dès lors que la décision attaquée ne fait pas obstacle à ce que l'intéressé et son épouse quittent le territoire avec leurs enfants. Par suite, et alors que le requérant n'apporte aucun élément nouveau en appel, les moyens tirés de ce que la décision attaquée porterait atteinte à l'intérêt supérieur des deux enfants et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. Il ressort des pièces du dossier que la décision fixant le pays de destination attaquée, qui est une décision distincte de la décision d'éloignement et qui doit être motivée de manière spécifique, vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans son ensemble. Elle précise que M. B... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine et qu'il a été procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B... se serait prévalu, lors de sa demande de titre de séjour, d'éléments relatifs à sa situation personnelle en cas de retour dans son pays d'origine, la décision attaquée est suffisamment motivée. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que la préfète aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M B... ni qu'elle se serait estimée à tort liée par la décision de rejet de sa demande d'asile.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

Héloïse D...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°23BX00976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00976
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : TREBESSES;TREBESSES;TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-17;23bx00976 ?
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