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12/10/2023 | FRANCE | N°21BX00270

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 12 octobre 2023, 21BX00270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres à lui verser une indemnité

de 53 559,32 euros, avec intérêts et capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'une prise en charge fautive lors de son accouchement le 5 juin 2009.

Dans la même instance, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de

la Charente-Maritime, agissant pour le compte de la CPAM des Deux-Sèvres,

a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier à lui rembourser la somme de 3 97...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres à lui verser une indemnité

de 53 559,32 euros, avec intérêts et capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'une prise en charge fautive lors de son accouchement le 5 juin 2009.

Dans la même instance, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de

la Charente-Maritime, agissant pour le compte de la CPAM des Deux-Sèvres, a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier à lui rembourser la somme de 3 972,66 euros.

Par un jugement n° 1901391 du 24 novembre 2020, le tribunal a condamné le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres à verser à Mme B... une indemnité de 21 768,76 euros, avec intérêts à compter du 4 juin 2019 et capitalisation à compter du 4 juin 2020, ainsi qu'à rembourser la somme de 766,11 euros à la CPAM de la Charente-Maritime, et a rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2021 et des mémoires enregistrés les 30 avril

et 4 août 2021, Mme B..., représentée par la SCP Grigoire Revalier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale complémentaire afin d'évaluer son préjudice professionnel ;

2°) de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande ;

3°) de condamner le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres à lui verser la somme

de 53 565,30 euros, avec intérêts à compter du 31 mars 2017 et capitalisation ;

4°) de rejeter l'appel en garantie du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres une somme

de 8 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a retenu l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et qu'il a fixé la date de consolidation de son état de santé

au 31 mars 2017, sans tenir compte de la perspective d'une sphinctéroplastie évoquée par l'expert, qu'elle ne souhaite pas réaliser ;

- contrairement à ce qu'a retenu l'expert, qui s'est fondé sur des avis médicaux relatifs à son état de santé en 2016, les séquelles qu'elle présente ont une incidence sur son activité professionnelle ; une nouvelle expertise médicale est nécessaire afin de déterminer ses préjudices professionnels temporaires et permanents ;

- après application du taux de perte de chance de 40 %, elle sollicite la confirmation de la somme de 80 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge, ainsi que l'allocation de sommes de 590,72 euros au titre des frais liés au handicap avant consolidation et de 598,50 euros au titre des frais de déplacement pour se rendre aux séances de kinésithérapie et aux diverses consultations médicales à Parthenay, Poitiers, Thouars et Nantes ;

- alors que l'expert a retenu comme imputables les arrêts de travail des années 2009, 2010, 2015 et 2016, que la loi de finances pour 2012 prévoit une journée de carence pour chaque arrêt de maladie, et qu'elle percevait une prime spéciale de sujétion de 133 euros par mois avant son accouchement, c'est à tort que le tribunal a rejeté la demande relative aux pertes de gains professionnels avant consolidation ; ce préjudice doit être indemnisé à hauteur de 7 000 euros après application du taux de perte de chance de 40 % ;

- la somme relative aux frais liés au handicap après consolidation, sur la base

de 184,60 euros par an comme l'a retenu le tribunal, doit être calculée sur la base du barème

de la Gazette du Palais de 2020 et portée à 3 652,28 euros après application du taux de 40 % ;

- c'est à tort que le jugement a rejeté la demande relative aux pertes de gains professionnels après consolidation, alors qu'elle a perdu une journée de salaire lors de l'arrêt de travail du 18 novembre au 16 décembre 2018 et que ses nombreux congés de maladie ont une incidence sur la prime annuelle attribuée en fonction du temps de présence ; l'aménagement de son poste de travail recommandé par le médecin du travail en février 2018 ne lui a pas été accordé, ce qui a été à l'origine d'une pénibilité justifiant ses arrêts de travail, avec un impact sur les primes dont le montant est en lien avec le taux de présence ; elle n'a plus aucune possibilité de promotion professionnelle et devra changer de métier, ce qui aura nécessairement pour conséquence une baisse de salaire compte tenu de l'ancienneté qu'elle avait acquise ; son manque à gagner, évalué à 800 euros par an, doit être capitalisé par application du coefficient

de 25,523 jusqu'à l'âge de 62 ans, soit une somme de 8 167,36 euros après application du taux de 40 % ;

- les séquelles augmentent la pénibilité du travail, la dévalorisent sur le marché du travail et nécessitent une reconversion professionnelle, comme l'ont retenu l'expert et le comité médical ; elle envisage de suivre une formation de reconversion d'accompagnant éducatif

et social dont le coût est de 6 037,50 euros, ce qui nécessitera qu'elle quitte son emploi ; le préjudice d'incidence professionnelle a été sous-évalué par le tribunal et doit être porté

à 10 415 euros après application du taux de 40 % ;

- après application du taux de 40 %, l'indemnisation doit être portée à 1 721,44 euros au titre des périodes de déficit fonctionnel temporaire, sur la base de 28 euros par jour de déficit total, à 3 200 euros au titre des souffrances endurées, à 12 540 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 15 %, à 4 000 euros au titre du préjudice d'agrément et à 1 600 euros au titre du préjudice sexuel, caractérisé notamment par des douleurs et des difficultés de procréation ayant nécessité une fécondation in vitro ;

- dès lors que le centre hospitalier n'a pas répondu à sa réclamation préalable, elle est fondée à demander les intérêts à compter du 31 mars 2017, date de consolidation de son état de santé, et leur capitalisation à chaque échéance annuelle.

Par un mémoire enregistré le 1er avril 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SELARL Birot, Ravaut et Associés, conclut à sa mise hors de cause.

Il fait valoir que :

- la responsabilité pour faute du centre hospitalier est engagée à hauteur de 40 % des préjudices ;

- la déchirure périnéale, consécutive à l'accouchement par voie basse, n'est pas en lien avec un acte de soins, de sorte que les 60 % du dommage non imputables au centre hospitalier n'ouvrent pas droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Par des mémoires en défense enregistrés le 12 juillet 2021 et le 26 juin 2023, le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, représenté par la SELAS Tamburini, Bonnefoy, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de ramener à de plus justes proportions l'indemnisation de Mme B... et d'annuler le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à la caisse les sommes de 766,11 euros au titre de ses débours et de 229,83 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de rejeter la demande de la caisse, ou à titre subsidiaire d'appliquer à la créance de la caisse le taux de perte de chance de 40 %. Il demande en outre la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers à le relever et garantir d'une partie des condamnations prononcées à son encontre.

Il fait valoir que :

- s'il ne conteste pas le caractère fautif de l'absence de diagnostic de la lésion sphinctérienne, c'est à tort que le tribunal a retenu une seconde faute à raison d'une insuffisante protection du périnée lors de l'extraction de la tête fœtale, alors qu'il n'existait aucun facteur de risque particulier et que la tension sur le périnée avait été diminuée par une épisiotomie préventive ;

- il ne conteste pas le taux de perte de chance de 40 % ;

- l'expert s'est prononcé sur les éléments pour lesquels Mme B... sollicite une nouvelle expertise, y compris en relevant qu'une reconversion serait à prévoir, de sorte que cette expertise n'est pas nécessaire ; en tout état de cause, cette demande d'expertise présentée pour la première fois en appel pour des faits qui auraient pu être invoqués en première instance est nouvelle, et donc irrecevable ;

- le dommage est partiellement imputable au CHU de Poitiers, lequel a commis une erreur de diagnostic dans l'interprétation de l'échographie réalisée le 3 février 2016, à l'origine d'un nouveau retard de prise en charge ; alors que l'expert a indiqué que le déficit fonctionnel temporaire de classe 1 du 15 août 2010 au 18 décembre 2014 ne pouvait être imputé au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, le tribunal a jugé qu'il lui appartenait d'exercer un recours à l'encontre de tout tiers ayant contribué à la réalisation ou à l'aggravation du dommage ; il sollicite ainsi la garantie du CHU de Poitiers, notamment en ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire du 5 août 2015 au 23 juillet 2017, date de consolidation ;

- c'est à tort que le tribunal a mis à sa charge des dépassements d'honoraires exposés

en 2016 et 2017, alors que le diagnostic avait été posé et que Mme B... était suivie par le CHU de Poitiers, ainsi que des frais de déplacement sur la présentation d'une carte grise qui n'était pas celle du véhicule utilisé ; après application du taux de 40 %, la somme allouée au titre des frais de protections hygiéniques et de papier toilette avant consolidation doit être ramenée

à 110,76 euros au titre de la seule période allant de l'accouchement au 15 août 2010, les frais ultérieurs devant être supportés par le CHU de Poitiers ; la preuve de l'existence de pertes de revenus professionnels avant consolidation n'est pas davantage apportée en appel qu'en première instance ; les frais de protections hygiéniques et de papier toilette après consolidation doivent être ramenés à 2 454,57 euros après application du taux de 40 % ; c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande relative aux pertes de revenus professionnels après consolidation, dont la réalité n'est pas davantage établie en appel qu'en première instance ; le préjudice d'incidence professionnelle doit être évalué à 4 000 euros et ramené à 1 600 euros après application du taux de 40 % ; c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total du 6 au 10 juin 2009 durant l'hospitalisation nécessitée par l'accouchement et ses suites ; après application du taux de 40 %, l'indemnisation allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel doit être ramenée

à 24 euros du 10 au 26 juin 2009 et à 44,40 euros jusqu'en 2014, la période postérieure relevant de la responsabilité du CHU de Poitiers ; les sommes allouées doivent être ramenées, après application du taux de 40 %, à 1 000 euros au titre des souffrances endurées de 2,5 sur 7,

à 7 800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 15 % et à 400 euros au titre du préjudice sexuel ; c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande relative au préjudice d'agrément en l'absence de justificatif d'une pratique sportive dans un club ou d'une licence sportive ;

- il existe une discordance entre le relevé des débours de la caisse, qui mentionne une hospitalisation du 31 mars 2017, et l'attestation du médecin conseil qui retient une hospitalisation du 10 au 26 juin 2009, en lien avec l'accouchement ; ces frais ne sauraient d'ailleurs être admis dès lors qu'aucun déficit fonctionnel temporaire correspondant n'a été retenu ; les frais médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage ne peuvent davantage être retenus compte tenu de discordances de dates entre le relevé des débours et l'attestation d'imputabilité ; les frais relatifs à la période du 15 août 2010 au 18 décembre 2014 sont en relation avec les errements et l'absence de diagnostic imputables au CHU de Poitiers ; ainsi, aucune somme ne peut être mise à sa charge au titre des débours de la caisse et de l'indemnité forfaitaire de gestion ; à titre subsidiaire, si la cour estimait qu'il doit supporter des débours exposés par la caisse, il conviendrait d'appliquer le taux de perte de chance de 40 % ;

- la somme réclamée par Mme B... au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative est excessive et devrait être ramenée à 1 000 euros.

Par une lettre du 3 mars 2021 et un mémoire enregistré le 12 octobre 2021, la CPAM de la Charente-Maritime, qui avait d'abord déclaré ne pas vouloir intervenir en produisant le montant de ses débours à titre d'information, demande à la cour, dans ses écritures présentées par la SELARL Bardet et Associés de condamner le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres à lui verser la somme de 2 125,29 euros au titre de ses débours échus, avec intérêts " à compter de l'arrêt

à intervenir ", à rembourser ses frais futurs à mesure qu'il seront exposés, dans la limite

de 1 847,37 euros, et de mettre à la charge du centre hospitalier les sommes de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le suivi gynécologique du 10 au 26 juin 2009, en lien avec les fautes commises par le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, s'est traduit par des consultations les 15 et 26 juin 2009, comptabilisées dans les frais médicaux ;

- il est erroné d'affirmer qu'une fois le diagnostic effectué, les actes réalisés pour soigner Mme B... ne seraient plus imputables au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, dès lors que les frais correspondants n'auraient pas été exposés en l'absence des fautes commises par cet établissement ;

- il n'est pas exclu que Mme B... souhaite à l'avenir réaliser l'intervention qu'elle refuse à présent ; la caisse est ainsi fondée à demander la condamnation du centre hospitalier à lui rembourser les frais futurs de 1 847,37 euros sur présentation de justificatifs ;

- elle s'en remet à la cour quant au taux de perte de chance à appliquer.

Par un mémoire enregistré le 27 avril 2023, le CHU de Poitiers, représenté

par la SCP Normand et Associés, conclut au rejet de l'appel en garantie du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres.

Il fait valoir que :

- l'appel en garantie du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres est irrecevable dès lors qu'il s'agit d'une demande nouvelle en appel ;

- à titre subsidiaire, l'existence d'un retard de diagnostic imputable au CHU de Poitiers n'est pas établie.

La requête a été communiquée à l'établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) Gatebourse de Vasles, qui n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 30 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2023.

Un mémoire a été produit le 18 juillet 2023 pour le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres.

Par lettre du 10 août 2023, les parties ont été informées, en application de

l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement en ce que le tribunal

n'a pas mis en cause l'EHPAD de Vasles, employeur public de Mme B....

Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public ont été présentées pour Mme B... le 21 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

- l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Michau, représentant le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres et de Me Monmont représentant le CHU de Poitiers.

Une note en délibéré a été présentée pour le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres le 12 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 juin 2009 à 3 heures 15, Mme B... a été admise pour son premier accouchement à la maternité du centre hospitalier de Bressuire, relevant du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, où sa grossesse avait été suivie depuis le 15 avril 2009. Elle a été transférée en salle de naissance à 7 heures 25. Compte tenu d'un rythme cardiaque fœtal micro-oscillant et d'une insuffisance d'efforts expulsifs, l'obstétricien, qui avait réalisé une épisiotomie préventive, a procédé à 15 heures 57 à l'extraction de l'enfant à l'aide de spatules. Lors de l'expulsion, le médecin a constaté une déchirure médiane du périnée jusqu'au sphincter externe, qu'il a suturée en trois plans. Lorsque Mme B... a quitté la maternité le 10 juin 2009, la déchirure médiane s'était désunie, et une prescription de lavage de la plaie par eau oxygénée et de soins à la Bétadine(r) a été établie. L'évolution de la cicatrisation périnéale a été satisfaisante, mais Mme B... a présenté des douleurs abdominales, des diarrhées et une incontinence anale partielle. Ces troubles ont persisté malgré des traitements médicamenteux et de kinésithérapie prescrits au centre hospitalier de Parthenay relevant du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, puis au CHU de Poitiers, où la patiente a été suivie à partir du 5 août 2015, et où une écho-endoscopie réalisée le 31 mars 2017 a mis en évidence une rupture complète du sphincter interne et du sphincter externe dès le canal anal moyen, avec une hypertrophie postérieure compensatrice.

2. Mme B... a saisi la commission d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI), laquelle a organisé une expertise confiée à un médecin spécialisé en chirurgie gynécologique et obstétrique. Dans son rapport déposé le 3 août 2017, l'expert a relevé que l'obstétricien n'avait pas diagnostiqué une déchirure du sphincter anal survenue lors de l'extraction de la tête de l'enfant, et a estimé qu'il en était résulté une perte de chance d'environ 40 % d'échapper au dommage. Mme B..., qui n'a pas accepté la proposition d'indemnisation de l'assureur du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres,

a sollicité une indemnité de 53 559,32 euros par une réclamation préalable reçue le 4 avril 2019, et en l'absence de réponse, a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande de condamnation de l'hôpital à lui verser cette somme, avec intérêts et capitalisation. La CPAM de la Charente-Maritime, agissant pour le compte de la CPAM des Deux-Sèvres, a sollicité le remboursement de ses débours à hauteur de 3 972,66 euros. Par un jugement

du 24 novembre 2020, le tribunal a condamné le centre hospitalier à verser à Mme B...

une indemnité de 21 768,76 euros avec intérêts à compter du 4 juin 2019 et capitalisation à compter du 4 juin 2020, ainsi qu'à rembourser la somme de 766,11 euros à la CPAM

de la Charente-Maritime, et a rejeté le surplus des demandes. Mme B... relève appel de ce jugement en ce qui concerne le montant des sommes allouées, et demande une expertise complémentaire afin d'évaluer son préjudice professionnel. Par son appel incident, le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres conteste les sommes allouées à Mme B... et à la caisse, et demande que le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers soit condamné à le relever et garantir d'une partie des condamnations prononcées à son encontre.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, en vigueur à la date du jugement et désormais codifié à l'article L. 825-6 du code général de la fonction publique, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers " doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ". Cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit.

4. La qualité de personne publique de l'EHPAD Gatebourse de Vasles, employeur

de Mme B..., ressortait des pièces du dossier, notamment de l'avis favorable à l'octroi d'un congé de longue maladie fractionné émis le 9 novembre 2016 par le comité médical du centre de gestion de la fonction publique territoriale des Deux-Sèvres. En ne communiquant pas la requête de Mme B... à son employeur, le tribunal administratif de Poitiers a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, celui-ci doit être annulé. Il y a lieu pour la cour, qui a mis en cause l'EHPAD Gatebourse de Vasles, de se prononcer par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme B... et de la CPAM de la Charente-Maritime.

Sur la responsabilité :

5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...). "

6. En premier lieu, l'affirmation de l'expert selon laquelle la déchirure périnéale complète était sans doute liée à un manque de précaution dans la protection périnéale ne repose sur la démonstration d'aucun manquement. En outre, elle apparaît en contradiction avec le constat par l'expert que cette déchirure est survenue au moment de l'extraction de la tête de l'enfant, après le retrait des lames des spatules et en l'absence de facteur de risque particulier, dès lors que la tension sur le périnée avait été diminuée par une épisiotomie préventive, que le fœtus n'était pas macrosome, et que sa tête n'était pas particulièrement volumineuse. Dans ces circonstances, la déchirure périnéale complète ne peut être attribuée à une faute.

7. En second lieu, l'expert a souligné que la sage-femme avait noté une déchirure périnéale complète non compliquée, qualification correspondant à une atteinte du sphincter externe de l'anus sans atteinte de la muqueuse rectale, et que le praticien, dont le compte-rendu était contradictoire en ce qu'il indiquait " périnée complet non compliqué " et " sphincter intact ", n'avait pas repéré les deux extrémités déchirées du sphincter, et avait procédé

à la réparation de ce qu'il estimait être une simple déchirure incomplète du troisième degré,

sans suturer les deux chefs du muscle anal externe. L'expert, qui a précisé qu'une échographie endo-rectale immédiatement après la constatation de la déchirure périnéale permet de réduire de moitié les échecs de diagnostic, a conclu à une erreur de diagnostic sur la gravité de la déchirure périnéale et à une négligence dans l'exploration de cette déchirure. Le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres ne conteste pas ces fautes. S'il invoque une absence de diagnostic de la lésion

du sphincter externe le 3 février 2016 par le CHU de Poitiers où la patiente était alors suivie,

la faute commise lors de l'accouchement portait en elle-même le dommage constitué par des diarrhées et une incontinence anale partielle, de sorte que Mme B... est fondée à demander la réparation de son préjudice par le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres.

Sur la perte de chance :

8. Dans le cas où une prise en charge fautive a compromis les chances d'un patient d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de cette faute et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

9. Le taux de perte de chance de 40 % retenu par l'expert correspond au taux moyen de lésions du sphincter méconnues à l'accouchement, et non à la perte de chance d'échapper aux conséquences de la rupture du sphincter en lien avec l'erreur de diagnostic de la gravité de la déchirure périnéale. Il résulte de l'instruction que le sphincter anal est un " muscle en virole " susceptible de tourner et de se rétracter, de sorte que les surfaces irrégulières de sa section peuvent être difficiles à retrouver, et que le diagnostic d'une lésion sphinctérienne est souvent gêné par les saignements issus de la déchirure. Ainsi qu'il a été dit au point 7, une échographie endo-rectale immédiatement après la constatation de la déchirure périnéale permet de réduire de moitié les échecs de diagnostic, soit de 40 % à 20 %, de sorte qu'il y a lieu d'évaluer à 80 % la perte de chance de diagnostiquer la lésion sphinctérienne en lien avec l'absence d'exploration de la déchirure périnéale complète. En outre, l'expertise fait apparaître que malgré une réparation primaire de la rupture sphinctérienne, une incontinence anale peut survenir dans 17 à 47 % des cas, soit en moyenne 30 %. Ainsi, la réparation primaire d'une déchirure sphinctérienne permet d'échapper à l'incontinence anale dans 70 % des cas. Dans ces circonstances, la perte de chance d'échapper au dommage en lien avec la méconnaissance fautive de la gravité de la déchirure périnéale doit être fixée à 56 % (70 x 80 %).

Sur la demande de mise hors de cause de l'ONIAM :

10. La déchirure périnéale complète survenue lors de l'accouchement de Mme B... ne résulte pas d'un acte de soins. Par suite, l'ONIAM est fondé à demander sa mise hors de cause.

Sur les préjudices :

11. L'expert n'a pas fixé de date de consolidation de l'état de santé de Mme B... au motif que l'incontinence anale pourrait être traitée par une sphinctéroplastie, dont le taux de succès à 5 ans avoisine 50 %. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme B... ne souhaite pas subir une telle intervention, dont elle estime le rapport bénéfice-risques insuffisamment favorable. Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir comme date de consolidation

le 3 juillet 2017, date de l'expertise, à laquelle les troubles fonctionnels étaient stabilisés

et insusceptibles d'amélioration en l'absence du traitement refusé par l'intéressée.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé:

12. Mme B..., qui ne produit aucun justificatif des dépassements d'honoraires qu'elle soutient avoir exposés pour deux consultations au CHU de Nantes le 23 juin 2015

et au CHU de Poitiers le 4 avril 2017, n'établit pas l'existence de dépenses de santé restées à sa charge.

S'agissant des frais de déplacement :

13. Il résulte de l'instruction que Mme B... a effectué de nombreux déplacements entre le 22 novembre 2011 et le 12 juin 2017 pour des consultations médicales et des séances de kinésithérapie en lien avec les troubles consécutifs à la rupture sphinctérienne, représentant une distance totale de 2 489,60 km. En l'absence de justification de la puissance du véhicule alors utilisé, il y a lieu d'évaluer ce préjudice à 1 220 euros sur la base du barème applicable à la puissance fiscale la plus faible, soit quatre chevaux.

S'agissant des frais liés au handicap :

14. Il résulte de l'instruction que l'incontinence anale occasionne des frais de protections et un surcoût de papier toilette pour un montant total non contesté de 3,55 euros par semaine, soit 2 655,40 euros entre le 10 juin 2009, date de retour au domicile après l'accouchement, et le 12 octobre 2023, date du présent arrêt. Pour la période postérieure au présent arrêt, il y a lieu d'appliquer au coût annuel de 184,60 euros le coefficient de rente viagère de 42,859 applicable à une femme âgée de 43 ans, soit 7 911,77 euros. Le préjudice relatif aux frais liés au handicap s'élève ainsi à un total de 10 567,17 euros.

S'agissant des pertes de gains professionnels :

15. Il résulte de l'instruction que les troubles en lien avec la rupture sphinctérienne ont été à l'origine de nombreux arrêts de travail entre 2009 et 2017, et que Mme B..., auxiliaire de soins titulaire de la fonction publique hospitalière exerçant les fonctions d'aide-soignante dans le même établissement public d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) depuis 2003, a bénéficié, du 10 novembre 2016 au 9 novembre 2017, d'un congé de longue maladie fractionné à raison d'un mi-temps par semaine annualisé, durant lequel elle a perçu l'intégralité de son traitement. La requérante, à laquelle il appartient d'établir la réalité de la perte de revenus qu'elle évalue à 7 000 euros après application d'un taux de perte de chance de 40 %, ne produit aucune pièce tendant à démontrer qu'elle aurait perdu, comme elle l'affirme, le bénéfice de la prime spéciale de sujétion de 133 euros figurant sur le bulletin de paie de mai 2009, ni que ses revenus professionnels auraient effectivement été réduits du fait des jours de carence prévus par la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, laquelle est au demeurant inapplicable aux arrêts de travail des années 2009 à 2011. Les pertes alléguées d'un jour de carence en 2018 et de primes en lien avec le temps de présence depuis la date de consolidation, d'ailleurs non chiffrées, ne sont pas davantage démontrées.

16. Si le rapport de l'expertise réalisée le 3 juillet 2017, alors que l'intéressée se trouvait encore en congé de longue maladie fractionné à raison d'un mi-temps par semaine annualisé, indique qu'une reconversion professionnelle serait à prévoir, Mme B... a précisé à la cour

le 2 mai 2023, en réponse à une mesure d'instruction, qu'elle travaillait toujours dans le même EHPAD. La nécessité alléguée de changer de métier et la perte du bénéfice d'une évolution de carrière de fonctionnaire de la fonction publique hospitalière ne peuvent donc être regardées comme établies. L'affirmation de Mme B... selon laquelle elle travaillerait à 80 % en raison de ses séquelles n'est assortie d'aucun commencement de preuve. Dans ces circonstances,

la demande relative à des pertes de revenus professionnels futurs ne peut qu'être rejetée.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

17. Mme B..., qui a conservé son emploi de fonctionnaire titulaire, ne démontre pas que son handicap aurait une incidence concrète sur sa carrière, de sorte qu'elle n'est fondée à se prévaloir ni de la nécessité d'une reconversion professionnelle, ni d'une dévalorisation sur le marché du travail, ni d'une perte de chance professionnelle. En revanche, il résulte de l'instruction que son handicap est à l'origine d'une plus grande pénibilité dans l'exercice de son activité professionnelle d'aide-soignante. Eu égard à son âge de 29 ans à sa reprise du travail après son congé de maternité, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant

à 15 000 euros, sans qu'il soit besoin d'organiser une expertise sur le préjudice professionnel.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

18. Le déficit fonctionnel total du 6 au 10 juin 2009 était en lien avec l'accouchement et ses suites. Contrairement à ce qu'a estimé l'expert, les errements thérapeutiques ayant conduit à un diagnostic tardif de l'incontinence anale et de son origine sont sans incidence sur l'engagement de la responsabilité pour faute du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres à raison de l'absence de diagnostic de la rupture du sphincter lors de l'accouchement. Au demeurant, ces errements sont imputables au centre hospitalier de Parthenay, relevant du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, au moins jusqu'au 18 décembre 2014, date à laquelle un médecin de cet établissement a évoqué le diagnostic de rupture des sphincters anaux sans en tirer aucune conséquence. L'ensemble des périodes de déficit fonctionnel temporaire doit ainsi être retenu, soit 25 % (classe II) du 11 au 26 juin 2009 (16 jours), puis 10 % (classe I) du 27 juin 2009

au 2 juillet 2017, veille de la consolidation (2 928 jours). Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 5 936 euros sur la base de 20 euros par jour de déficit fonctionnel total.

19. Il résulte de l'instruction que Mme B... a subi des souffrances physiques du fait des troubles intestinaux et des séances de neurostimulation qu'elle a suivies durant plusieurs mois, ainsi que des souffrances morales du fait de la gêne causée par l'incontinence anale. Ces souffrances, qui constituent un préjudice temporaire antérieur à la consolidation de l'état de santé de la victime, ont été sous-estimées par la cotation à 2,5 sur 7 retenue par l'expert sans explication. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évaluer ce préjudice à 4 000 euros.

20. L'expert a constaté, à la date du 3 juillet 2017, un déficit fonctionnel de 10 % pour une incontinence aux gaz et des fuites inopinées avec conservation d'un contrôle sphinctérien, et de 5 % pour des diarrhées nécessitant un suivi médical régulier, un traitement intermittent et des précautions diététiques, sans retentissement sur l'état général. Ces troubles étant stabilisés et insusceptibles d'amélioration en l'absence de la sphinctéroplastie refusée par l'intéressée, il y a lieu de retenir un déficit fonctionnel permanent de 15 %. Mme B... était âgée de 36 ans à la date de consolidation de son état de santé. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 23 000 euros.

21. Aucun lien n'étant établi entre la rupture sphinctérienne survenue lors du premier accouchement et la nécessité ultérieure de recourir à une assistance médicale à la procréation,

il y a lieu d'évaluer le préjudice sexuel à 4 000 euros.

22. En l'absence d'activités spécifiques auxquelles Mme B... aurait dû renoncer, la gêne invoquée dans des activités de loisirs pratiquées en famille relève des troubles de toute nature dans les conditions d'existence indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent. Par suite, la demande d'indemnisation d'un préjudice d'agrément ne peut être accueillie.

23. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire pour l'évaluation du préjudice professionnel, que les préjudices

de Mme B... doivent être fixés à 63 723,17 euros. Eu égard au taux de perte de chance

de 56 %, l'indemnisation incombant au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres s'élève

à 35 685 euros.

Sur la demande de la CPAM de la Charente-Maritime :

24. Par le relevé des débours et l'attestation d'imputabilité qu'elle produit, la CPAM de la Charente-Maritime justifie avoir exposé 730,84 euros de frais d'hospitalisation, 1 377,96 euros de frais médicaux, 0,94 euro de frais pharmaceutiques et 15,55 euros de frais d'appareillage en lien avec les conséquences dommageables de la faute commise par le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, soit 2 125,29 euros de frais actuels. L'existence de frais futurs de réalisation d'une sphinctéroplastie, refusée par Mme B..., n'est pas établie. Par suite, la caisse est seulement fondée à demander le remboursement de la somme de 1 190,16 euros après application du taux de perte de chance de 56 %.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

25. D'une part, lorsqu'ils sont demandés, les intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée sont dus, quelle que soit la date de la demande préalable, à compter du jour où cette demande est parvenue à l'autorité compétente ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai. De même, la capitalisation s'accomplit à nouveau, le cas échéant, à chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Par suite, Mme B... a droit aux intérêts au taux légal sur la condamnation prononcée à son profit à compter du 4 avril 2019, date de réception de sa réclamation préalable par le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, et à leur capitalisation à compter du 4 avril 2020 et à chaque échéance annuelle ultérieure. Toutefois, les intérêts ne pourront courir sur la somme de 24 475,21 euros déjà versée par le centre hospitalier en décembre 2020 en exécution du jugement, à compter de sa perception effective.

26. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, en vertu de l'article 1231-7 du code civil. Les conclusions de la CPAM de la Charente-Maritime tendant à ce que les sommes qui lui ont été allouées portent intérêt à compter du présent arrêt sont ainsi dépourvues d'objet.

Sur l'appel en garantie :

27. Le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres n'a pas demandé devant le tribunal à être garanti des condamnations éventuellement prononcées à son encontre. Par suite, comme le fait valoir le CHU de Poitiers, son appel en garantie présenté pour la première fois en appel est irrecevable.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres une somme globale de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... en première instance et en appel.

29. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire

de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale que la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident a droit à une indemnité forfaitaire égale au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans

les limites d'un montant maximum de 1 162 euros. Par suite, la CPAM de la Charente-Maritime, qui obtient le remboursement de la somme de 1 190,16 euros, a droit à 396,72 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. En outre, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres une somme de 500 euros à verser à la caisse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1901391 du 24 novembre 2020 est annulé.

Article 2 : L'ONIAM est mis hors de cause.

Article 3 : Le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres est condamné à verser une indemnité

de 35 685 euros à Mme B..., avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2019 et capitalisation à compter du 4 avril 2020 et à chaque échéance annuelle ultérieure. Les intérêts ne courront pas sur la somme de 24 475,21 euros à compter de son paiement en exécution du jugement en décembre 2020.

Article 4 : Le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres est condamné à verser une somme

de 1 190,16 euros à la CPAM de la Charente-Maritime.

Article 5 : Le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres versera à Mme B... une somme

de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le centre hospitalier Nord Deux-Sèvres versera à la CPAM de la Charente-Maritime les sommes de 396,72 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse B..., au centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, au centre hospitalier universitaire de Poitiers, à l'EHPAD Gatebourse de Vasles et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX00270


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00270
Date de la décision : 12/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : TAMBURINI-BONNEFOY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-12;21bx00270 ?
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