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05/10/2023 | FRANCE | N°23BX00612

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 05 octobre 2023, 23BX00612


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 8 août 2022 par lequel la préfète de la Creuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra, le cas échéant, être reconduit.

Par un jugement n° 2201301 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 3 mars 2023, M. B..., représenté par Me Marty, demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 8 août 2022 par lequel la préfète de la Creuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra, le cas échéant, être reconduit.

Par un jugement n° 2201301 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2023, M. B..., représenté par Me Marty, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Creuse du 8 août 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Creuse de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de vingt jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la préfète aurait dû faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation pour faire droit à sa demande en dépit de l'absence de visa long séjour et de ce qu'elle a entaché, en s'abstenant de le faire, le refus de séjour qu'elle lui a opposé d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision de refus de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire et fixation du pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- la préfète a automatiquement assorti le refus de séjour d'une décision d'éloignement, entachant ce faisant cette dernière décision d'une erreur de droit ;

- la décision d'éloignement méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2023, la préfète de la Creuse conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'inapplicabilité à un ressortissant algérien des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, base légale erronée à laquelle il pourra être substitué celle tirée du pouvoir de régularisation discrétionnaire du préfet.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 20 juin 2002, indique être entré en France au mois de septembre 2019 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles valable du 25 août au 23 septembre 2019. Le 3 mai 2022, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " étudiant " auprès des services de la préfecture de la Creuse. Par un arrêté du 8 août 2022, la préfète de la Creuse a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra, le cas échéant, être reconduit. M. B... relève appel du jugement du 17 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont visé et analysé le moyen tiré de ce que la préfète de la Creuse se serait, à tort, abstenue de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. Le moyen soulevé par M. B... tiré de ce que le jugement serait irrégulier faute d'avoir répondu à ce moyen doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

4. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles elles renvoient, est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.

5. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la préfète de la Creuse ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour rejeter la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. B....

7. La décision attaquée, prise à tort sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, trouve un fondement légal dans l'exercice par la préfète du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont elle dispose. Ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu par la préfète de la Creuse dès lors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver M. B... des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi et que la préfète dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite, de procéder à cette substitution de base légale.

8. M. B... expose être entré en France à l'âge de 17 ans et avoir été pris en charge par son oncle, ressortissant algérien titulaire d'une carte de résident d'une durée de dix ans, et par son épouse, ressortissante française, qui l'ont hébergé et accompagné dans son parcours. Il justifie avoir travaillé en alternance et obtenu un certificat d'aptitude professionnel " tailleur de pierre " au mois de juillet 2021, un certificat d'aptitude professionnelle " peintre applicateur de revêtements " au mois de juin 2022 et être inscrit, pour la rentrée suivant la date de la décision attaquée, à une formation conduisant au certificat d'aptitude professionnelle " métiers du plâtre et de l'isolation ". Il produit également une attestation du maire du village où il réside soulignant sa bonne intégration et des attestations de son oncle et de sa tante indiquant leur attachement à leur neveu et la place qu'il occupe désormais dans leur famille. Toutefois, la durée de présence en France de M. B... était inférieure à trois ans à la date de la décision attaquée, il est célibataire et sans charge de famille et n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la préfète de la Creuse, dont il ressort des termes de l'arrêté qu'elle a bien examiné la situation de M. B... sans se borner à constater qu'il n'était pas en possession d'un visa de long séjour, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, la décision portant refus de séjour n'a pas porté au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la préfète de la Creuse au regard de ces stipulations.

11. Aucun des moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'ayant été accueilli, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et détermination du pays de destination seraient dépourvues de base légale en raison de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

12. Contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort des termes de l'arrêté litigieux que la préfète de la Creuse a procédé à l'analyse de sa situation avant d'édicter à son encontre une mesure d'éloignement. Le moyen tiré de ce que la préfète se serait, à tort, estimée en situation de compétence liée ne peut, par suite, qu'être écarté.

13. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Creuse.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

M. Jean-Claude Pauziès, président de la 1ère chambre,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Luc Derepas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX00612 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00612
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-05;23bx00612 ?
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