Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 30 novembre 2020 par laquelle la préfète de la Vienne lui a retiré son titre de séjour.
Par un jugement n° 2100258 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 janvier 2023, le préfet de la Vienne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 janvier 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal par M. A....
Il soutient que le retrait d'un titre de séjour délivré pour l'exécution d'un jugement postérieurement annulé n'étant pas une décision faisant grief susceptible de recours, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en ne faisant pas droit à la fin de non-recevoir opposée en ce sens devant eux.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2023, M. A..., représenté par Me Menard, conclut au rejet de la requête et à ce soit mise à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'administration n'est pas tenue de retirer un titre de séjour délivré en exécution d'un jugement ultérieurement annulé, elle dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation et la décision est bien susceptible de recours ; l'annulation du jugement n'était pas définitive à la date de la décision de retrait, circonstance qui aurait dû faire obstacle à son édiction ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la décision de retrait litigieuse était entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;
- cette décision est en outre entachée d'un défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnait également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par une décision du 25 mai 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté le maintien de plein droit au bénéfice de M. A... de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée pour la première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais né le 27 mars 1981 et titulaire d'un permis de résidence de 5 ans lui ayant été délivré en Espagne, est entré en France au mois de décembre 2013. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " le 20 août 2018. Par un arrêté du 23 septembre 2019, la préfète de la Vienne a refusé de faire droit à cette demande et fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mars 2020 qui a également enjoint à la préfète de délivrer un titre de séjour à l'intéressé. En exécution de ce jugement, M. A... s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable du 23 septembre 2019 au 22 septembre 2020. Par un arrêt du 24 septembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a toutefois annulé le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mars 2020 et, par une décision du 30 novembre 2020, la préfète de la Vienne a retiré le titre de séjour précédemment délivré. Le préfet de la Vienne relève appel du jugement du 5 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision de retrait.
2. L'annulation, par une décision juridictionnelle devenue définitive, d'une annulation, assortie le cas échéant d'une injonction faite à l'administration, n'a pas pour effet par elle-même de faire disparaître la décision de l'administration prise en exécution de la première annulation. Elle ouvre toutefois la faculté à l'administration de retirer ou d'abroger cette décision, alors même que celle-ci serait créatrice de droits.
3. Contrairement à ce que soutient le préfet de la Vienne, il résulte des principes rappelés au point précédent que l'annulation par la cour du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mars 2020 n'a pas entrainé, par elle-même, la sortie de vigueur du titre de séjour délivré pour l'exécution de ce jugement. Le préfet dispose à cet égard, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une simple faculté de retirer ou d'abroger la décision édictée pour l'exécution d'une décision juridictionnelle postérieurement infirmée. La décision litigieuse du 30 novembre 2020 par laquelle la préfète de la Vienne a retiré à M. A... la carte de séjour temporaire qui lui avait été délivrée en exécution du jugement du tribunal fait ainsi grief à l'intéressé. Ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, la décision de retrait attaquée est donc susceptible de recours et la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Vienne doit être écartée.
4. Il résulte de ce qui précède, que le préfet de la Vienne qui ne critique pas l'erreur manifeste d'appréciation retenue par les premiers juges, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé sa décision du 30 novembre 2020. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser au conseil de M. A... au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Vienne est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Me Menard la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Menard.
Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président de la cour,
M. Jean-Claude Pauziès, président de la 1ère chambre,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Luc Derepas
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX00276 2