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05/10/2023 | FRANCE | N°22BX01619

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 05 octobre 2023, 22BX01619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Distribution Casino France a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 22 décembre 2016 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a autorisé la société Les Peupliers à créer un supermarché à l'enseigne Super U et une boutique d'une surface totale de vente de 1 529 m2 sur le territoire de la commune de Brax (Lot-et-Garonne) et, d'autre part, la décision du 10 janvier 2019 par laquelle cette m

me commission a retiré sa décision du 22 décembre 2016 et autorisé la société ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Distribution Casino France a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 22 décembre 2016 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a autorisé la société Les Peupliers à créer un supermarché à l'enseigne Super U et une boutique d'une surface totale de vente de 1 529 m2 sur le territoire de la commune de Brax (Lot-et-Garonne) et, d'autre part, la décision du 10 janvier 2019 par laquelle cette même commission a retiré sa décision du 22 décembre 2016 et autorisé la société Les Peupliers à créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 1 356 m2 sur le territoire de la commune de Brax.

La société Pydaust a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 décembre 2016 de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Par un arrêt nos 17BX00515, 17BX00904, 19BX01222 du 21 novembre 2019, la cour administrative d'appel a rejeté leurs requêtes.

Par une décision n° 437816 du 14 juin 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 21 novembre 2019 en tant qu'il a rejeté la requête n° 19BX01222 de la société Distribution Casino France dirigée contre la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 10 janvier 2019 et prononcé un non-lieu à statuer sur sa requête n°17BX00904 dirigée contre la décision 22 janvier 2016 et a renvoyé ces affaires devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire récapitulatif, enregistrée le 9 décembre 2022, et un mémoire non communiqué enregistré le 28 avril 2023, la société Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler les décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial en date du 10 janvier 2019 et du 22 décembre 2016 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 10 janvier 2019 constitue une décision faisant grief dès lors que le projet litigieux avait fait l'objet d'une décision de cette commission antérieure au 15 février 2015 ;

- elle dispose d'un intérêt à agir en raison du chevauchement des zones de chalandises et alors que la détermination de la zone de chalandise est erronée ;

En ce qui concerne la décision du 10 janvier 2019

- elle a été rendue en méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-35 du code du commerce ;

- la détermination de la zone de chalandise est irrégulière ;

- le dossier de demande est incomplet en l'absence d'analyse de l'impact du projet sur les commerces de centre-ville ; il est également incomplet en ce qui concerne les éléments relatifs aux flux de véhicules, à la desserte du site par les modes de transport doux, à l'insertion paysagère, aux mesures adoptées pour limiter l'impact sur l'environnement, ce qui ne permettait pas à la CNAC de statuer en connaissance de cause, en méconnaissance de l'article R. 752-7 du code du commerce ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce ;

- s'agissant de l'aménagement du territoire, cette implantation aura un impact sur la vie locale et l'animation de la vie urbaine, et plus particulièrement les centre-ville de Brax et du Passage d'Agen, dans un contexte de surdensité commerciale alors que la ville d'Agen est bénéficiaire du plan d'action Coeur de ville ; cette implantation aura un impact négatif sur les flux routiers ; la desserte du projet par les transports en commun est insuffisante ; la desserte piétonne et cycliste du projet n'est pas sécurisée ;

- s'agissant du développement durable, l'insertion paysagère et architecturale n'est pas satisfaisante et le projet génère des nuisances visuelles et sonores pour les riverains ; la qualité environnementale du projet est insuffisante et il génère une imperméabilisation importante ;

En ce qui concerne la décision du 22 décembre 2016 :

- dès lors que la décision du 10 janvier 2019 sera annulée, la requête n'est pas privée d'objet ;

- elle dispose d'un intérêt à agir en raison du chevauchement des zones de chalandise d'une part et dès lors que la détermination de la zone de chalandise est erronée d'autre part ;

- la procédure est irrégulière en raison de l'absence d'audition des parties en méconnaissance de l'article R. 752-36 du code de commerce ;

- la détermination de la zone de chalandise est irrégulière ;

- le dossier de demande est incomplet en l'absence d'analyse de l'impact du projet sur les commerces de centre-ville, s'agissant des éléments relatifs aux flux, à la desserte du site par les modes de transport doux, à l'insertion paysagère, aux mesures adoptées pour limiter l'impact sur l'environnement, ce qui ne permettait pas à la CNAC de statuer en connaissance de cause en méconnaissance de l'article R. 752-7 du code du commerce ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce ;

- s'agissant de l'aménagement du territoire, cette implantation aura un impact négatif sur la vie locale et l'animation de la vie urbaine, et plus particulièrement les centre-ville de Brax et du Passage d'Agen, dans un contexte de surdensité commerciale ; cette implantation aura un impact négatif sur les flux routiers ; la desserte du projet par les transports en commun est insuffisante ; la desserte piétonne et cycliste du projet n'est pas sécurisée; la desserte routière n'est pas garantie ;

- s'agissant du développement durable, l'insertion paysagère et architecturale n'est pas satisfaisante et le projet génère des nuisances visuelles et sonores pour les riverains ; la qualité environnementale du projet est insuffisante et il génère une imperméabilisation importante.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2023, la société Les Peupliers, représentée par Me Demaret, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge de la société Distribution Casino France.

Elle soutient que :

- le recours de la société Distribution Casino France devant la CNAC était irrecevable faute d'établir l'existence d'une incidence significative du projet autorisé sur sa situation ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- les conséquences d'une annulation contentieuse sont importantes.

Par un courrier du 5 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que dans l'hypothèse où la cour confirmerait la légalité de la décision du 10 janvier 2019 qui a retiré la décision du 22 janvier 2016, il n'y aurait plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre cette décision du 22 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Ducros, représentant la société Distribution Casino France et de Me Gault-Ozimek, représentant la société Les Peupliers.

Une note en délibéré présentée par Me Bolleau, pour la société Distribution Casino France a été enregistrée le 14 septembre 2023.

Une note en délibéré présentée par Me Demaret, pour la société Les Peupliers a été enregistrée le 15 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 12 février 2014, la commission départementale d'aménagement commercial du Lot-et-Garonne a accordé à la société Les Peupliers une autorisation d'exploitation commerciale en vue de l'implantation d'un supermarché à l'enseigne Super U d'une surface de vente de 1 500 m2 et d'une boutique de 29 m2 sur le territoire de la commune de Brax. Sur recours des sociétés Distribution Casino France, Passag et Pydaust, la Commission nationale d'aménagement commercial a, par une décision du 4 juin 2014, qui s'est substituée à la décision de la commission départementale, rejeté la demande de la société Les Peupliers. Par un arrêt du 9 juin 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé la décision de refus d'autorisation et enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder au réexamen du recours de la société Pydaust. Par une décision du 22 décembre 2016, la Commission nationale d'aménagement commercial a délivré à la société Les Peupliers l'autorisation sollicitée. Par une décision du 26 septembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 9 juin 2016 en tant qu'il a jugé irrecevable le recours de la société Distribution Casino France devant la Commission nationale d'aménagement commercial, et a enjoint à la commission de réexaminer ce recours et dans l'hypothèse où elle le jugerait recevable, de retirer sa décision du 22 décembre 2016 et de se prononcer à nouveau sur la demande de la société Les Peupliers. Par une décision du 10 janvier 2019, prise en exécution de la décision du Conseil d'Etat, la Commission nationale d'aménagement commercial a retiré sa décision du 22 décembre 2016 et autorisé le projet de la société Les Peupliers. Par un arrêt n° 17BX00515,17BX00904,19BX01222 du 21 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la société Pydaust tendant à l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 22 décembre 2016 et les requêtes de la société Distribution Casino France tendant à l'annulation de cette même décision et de la décision du 10 janvier 2019. Saisi d'un pourvoi par la société Distribution Casino France, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 24 décembre 2020 en tant qu'il a rejeté les requêtes n° 19BX01222 et n°17BX00904 de la société Distribution Casino France dirigées contre les décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial du 10 janvier 2019 et du 22 janvier 2016 et a renvoyé ces affaires devant la cour.

Sur la légalité de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 10 janvier 2019 :

En ce qui concerne la régularité de la procédure devant la Commission nationale d'aménagement commercial :

2. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce dans sa version applicable à la réunion de la Commission nationale d'aménagement commercial du 10 janvier 2019 : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la convocation du secrétaire de la Commission nationale d'aménagement commercial pour la réunion du 10 janvier 2019, à laquelle était joint l'ordre du jour et où il était mentionné que tous les documents visés à cet article seraient disponibles au moins cinq jours avant la tenue de la séance sur la plateforme de téléchargement, a été transmise le 20 décembre 2018 aux onze membres de cette Commission. Par suite, en l'absence d'éléments circonstanciés de nature à remettre en cause ces mentions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 752-35 du code de commerce qui n'est assorti d'aucun élément circonstancié, doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens relatifs au dossier de demande :

4. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce dans sa version applicable à la date de dépôt du dossier de réexamen : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : 1° Informations relatives au projet : (...) g) Autres renseignements : (...) - les aménagements paysagers en pleine terre ; (...) 2° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet :a) Une carte ou un plan indiquant les limites de la zone de chalandise, accompagné :- des éléments justifiant la délimitation de la zone de chalandise ; (...) 3° Cartes ou plans relatifs au projet :a) Un plan de masse faisant apparaître la surface de vente des magasins de commerce de détail, ensembles commerciaux ou points permanents de retrait ;b) Un plan faisant apparaître l'organisation du projet sur la ou les parcelles de terrain concernées : emplacements et superficies des bâtiments, des espaces destinés au stationnement et à la manœuvre des véhicules de livraison et des véhicules de la clientèle et au stockage des produits, des espaces verts ;c) Une carte ou un plan de la desserte du lieu d'implantation du projet par les transports collectifs, voies piétonnes et pistes cyclables ;d) Une carte ou un plan des principales voies et aménagements routiers desservant le projet ainsi que les aménagements projetés dans le cadre du projet ;(...) 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; b) Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement ; c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ;d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ;e) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; f) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ; 5° Effets du projet en matière de développement durable. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ; b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments ; c) Le cas échéant, fourniture d'une liste descriptive des produits et équipements de construction et de décoration utilisés dans le cadre du projet et dont l'impact environnemental et sanitaire a été évalué sur l'ensemble de leur cycle de vie ; d) Description des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols ; e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; f) Description des nuisances visuelles, lumineuses, olfactives et sonores générées par le projet et des mesures propres à en limiter l'ampleur ; (...) ". Aux termes de l'article R. 752-3 de ce code dans sa version en vigueur depuis le 15 février 2015 : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. "

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'autorisation d'exploitation commerciale en litige, la société Les Peupliers a délimité, compte tenu de la taille modeste du projet de 1 356 m², une zone de chalandise correspondant à un temps d'accès en voiture de 8 minutes, limitée au nord par le lit de la Garonne et au sud par les contreforts de Ste-Colombe-en-Bruihlois et Montagnac-sur-Auvignon et excluant la commune du Passage d'Agen du fait de la présence des équipements commerciaux situés à l'est du projet soit les magasins " Intermarché Super " et " Hyper Casino ". Au regard des caractéristiques du projet orienté vers une clientèle de proximité et les zones plus rurales situées à l'ouest de la commune de Brax et du pouvoir d'attraction des deux principaux équipements situés sur le territoire de la commune du Passage d'Agen et dont la surface commerciale excède 2 900 m², la détermination de cette zone de chalandise n'est pas entachée d'erreur d'appréciation. Au demeurant la requérante ne précise pas en quoi l'exclusion erronée des communes situées à l'est du projet aurait pu compromettre l'appréciation portée par la commission.

6. En deuxième lieu, ainsi que le fait valoir la société Les Peupliers, l'obligation de produire une analyse d'impact des effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation et des communes limitrophes prévue par l'article L. 752-6 du code du commerce dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ne s'applique, conformément au 2ème alinéa de l'article 12 du décret du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales d'aménagement commercial et aux demandes d'autorisation d'exploitation commerciale, qu'aux demandes d'autorisation d'exploitation commerciale déposées à compter du 1er janvier 2020. Or, ainsi qu'il a été dit la demande en litige, qui a été examinée le 10 janvier 2019, est intervenue dans le cadre du réexamen de la demande déposée par la société Les Peupliers le 20 décembre 2013. Ainsi, le moyen tiré de l'absence de cette analyse est inopérant.

7. En troisième lieu, le dossier de demande actualisé comporte une évaluation de la fréquentation du projet établie par comparaison avec des magasins de type équivalent, qui prend nécessairement en compte la fréquentation de la station-service et du service " drive ". La demande précise que cette fréquentation d'environ 810 voitures par jour, correspond à 10% des flux journaliers constatés en 2011 sur la route départementale 119 qui dessert le site du projet et que le projet générera peu d'augmentation des flux dès lors que la majeure partie de la fréquentation résultera de personnes utilisant déjà cet axe de circulation dans le cadre notamment des trajets domicile-travail sur cet axe majeur vers l'est de la zone, en s'appuyant notamment sur les données démographiques qui révèlent que plus de 80 % des actifs travaillent hors de la commune de Brax. Cette analyse précise également que la RD 119 a fait l'objet de différents aménagements et qu'un rond-point pour lequel une convention a été signée avec le département en 2018, permettra de sécuriser l'accès au site. Dans ces conditions, alors que les services de l'Etat amenés à se prononcer sur ce projet ont tous considéré que les infrastructures d'accès étaient en mesure d'absorber les flux supplémentaires, et que la société requérante ne critique pas la méthode de détermination de la fréquentation et ne fait pas état de changements de nature à impacter la circulation sur cet axe, la seule circonstance que la base de comparaison soit restée fixée à 2011 en raison de l'antériorité du projet et des réexamens successifs, n'est pas de nature à faire regarder le dossier comme insuffisant s'agissant de l'impact du projet sur les flux de circulation.

8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande comporte des plans décrivant les cheminements piétons et vélos sur le site ainsi que depuis la RD 119 et le lotissement situé au nord du projet. Il précise également que la commune a prévu l'aménagement des trottoirs et d'une piste cyclable depuis le centre bourg, à travers un engagement pris par le conseil municipal en 2010. Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance du dossier sur ce point manque en fait.

9. En cinquième lieu, le dossier de demande actualisé comporte une représentation de la façade nord du magasin ainsi qu'une vue en coupe qui permet de visualiser l'implantation du magasin portée de 15 à 24 mètres par rapport à la rue desservant le lotissement situé à l'arrière du magasin, et la réalisation d'un merlon planté d'arbres de 3 mètres de haut le long du lotissement. La demande ajoute que les quais de réception et les réserves, qui constituent des zones de bruit, ont été déplacés vers le côté du magasin, que la zone de déchargement sera protégée par un bardage métallique et que l'enseigne n'est plus en plein ciel mais apposée en façade. Contrairement à ce que soutient la requérante, ces éléments étaient suffisants pour permettre à la commission d'apprécier les conditions d'insertion paysagère au nord du projet.

10. En sixième lieu, au vu des éléments rappelés au point précédent, et alors que les équipements bruyants étaient dès l'origine prévus à distance de la zone résidentielle en privilégiant de faibles vitesses de rotation pour réduire les émissions sonores, le dossier était suffisamment précis s'agissant des mesures prévues pour limiter les nuisances sonores pour les riverains du lotissement situé au nord du projet. Il ressort également des pièces du dossier que la demande comportait des informations suffisantes relatives aux mesures adoptées pour limiter l'impact du projet sur l'environnement, ainsi que cela ressort au demeurant de l'analyse menée par les services de l'Etat sur le projet présenté en 2016, alors que la requérante se borne pour sa part à reprendre les avis émis par les ministères de l'urbanisme et de l'écologie lors de l'instruction du dossier en 2014, alors que le refus initialement pris sur leur fondement a été annulé par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 9 juin 2016 devenu définitif sur ce point.

En ce qui concerne le respect des critères prévus à l'article L. 752-6 du code de commerce :

11. Aux termes de l'article L. 752-6 du code du commerce dans sa version applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche (...). "

12. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire :

13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet se situe à l'intérieur de l'enveloppe urbaine de la commune de Brax, le long de la RD 119 et à proximité de zones d'habitat, de bâtiments administratifs et sociaux et qu'il vient compléter l'offre commerciale et de service située dans le centre commercial " Les Vergers ", qui constitue de facto le centre-ville de la commune. Au vu de ces caractéristiques, le projet aura un impact positif sur l'animation de la vie urbaine de la commune d'implantation. Par ailleurs, au vu de sa taille modeste et des équipements existants sur ces territoires, le projet n'est pas susceptible de porter atteinte à l'animation et l'attractivité des communes limitrophes du Passage d'Agen, de Boe ou d'Agen. Par ailleurs, si la requérante se prévaut de la surdensité commerciale du territoire de l'Agenais, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre des critères que doit prendre en compte la commission.

14. En deuxième lieu, alors que les services de l'Etat amenés à émettre un avis ont constaté que les infrastructures d'accès étaient en mesure d'absorber les flux supplémentaires, ou n'ont émis aucune réserve sur ce point, et que le projet prévoit la création d'un giratoire pour sécuriser les conditions d'accès au site, aucun élément du dossier ne permet de considérer que le projet aura un impact négatif sur les flux routiers.

15. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la desserte du projet par les transports en commun est prévue par une ligne de transport à la demande qui permet 4 dessertes par jour dans une direction et 6 dans l'autre ainsi que 3 lignes de transport scolaires régulières ne comportant qu'un à deux passages par jour tôt le matin et en milieu d'après-midi. Si ces conditions de desserte restent limitées, elles sont cependant de nature à permettre un accès au projet par des modes de transport alternatifs à la voiture. En tout état de cause, en admettant même que la desserte par les transports en commun soit insuffisante ce motif n'était pas, à lui seul, suffisant pour justifier un avis défavorable de la commission.

16. En quatrième lieu, au vu de ce qui a été dit au point 8 le moyen tiré de ce que la desserte piétonne et cycliste du projet n'est pas sécurisée doit être écarté.

S'agissant de l'objectif de développement durable :

17. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet initial a évolué et prévoit désormais davantage de surfaces vitrées et de bois en façade. Si les volumes du bâtiment sont simples et fonctionnels, l'implantation en fond de parcelle, en léger contrebas par rapport à la route départementale, la végétalisation importante de la parcelle par la répartition d'espaces verts sur l'ensemble du site ainsi qu'un traitement végétal des abords soigné et qualitatif à base d'essences locales de grande et de moyenne hauteur permet une bonne intégration du projet dans son environnement. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 9, l'implantation d'un merlon arboré en limite nord permet de masquer le projet vis à vis du lotissement qui longe la parcelle d'implantation.

18. En deuxième lieu, au vu des mesures rappelées aux points 9 et 10 ainsi que de l'implantation des bâtiments, des caractéristiques et de la limitation des éclairages prévue par le projet, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il comporterait des nuisances sonores et visuelles pour les riverains.

19. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la surface végétalisée représente plus de 65% de la surface totale de la parcelle d'implantation du projet et que les places de stationnement ont été réduites de 100 à 63, dont 43 sont prévues en revêtement semi-perméable. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet générerait une imperméabilisation excessive des sols doit être écarté.

20. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la conception du bâtiment intègre l'objectif de réduction des besoins en énergie à travers son isolation, son inertie, l'installation de brise-soleil ainsi que le recours à l'éclairage naturel en façade et en toiture. Le projet prévoit l'installation de panneaux photovoltaïques et la récupération des calories rejetées par les groupes frigorifiques pour la production de l'eau chaude sanitaire et le préchauffage de l'air. Le bâtiment comporte également une gestion technique pour optimiser les systèmes de ventilation, de chauffage, de rafraîchissement et d'éclairage ainsi que le recours à des éclairages basse consommation, des détecteurs de présence et une extinction des lampadaires et des enseignes en dehors de heures d'ouverture. Enfin, le projet comporte un système de récupération des eaux de pluie avec un traitement préalable des eaux provenant des zones de stationnement. Au vu de ces éléments, il ne ressort pas des pièces du dossier que la qualité environnementale du projet est insuffisante et de nature à justifier un refus.

21. Par suite, en retenant que, dans ces conditions, le projet ne compromet pas les objectifs d'aménagement du territoire et de développement durable fixés par les articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

22. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du recours de la société Distribution Casino France devant la Commission nationale d'aménagement commercial, que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 janvier 2019 de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent être rejetées.

Sur la légalité de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 22 janvier 2016 :

23. Le juge de l'excès de pouvoir ne peut, en principe, déduire d'une décision juridictionnelle rendue par lui-même ou par une autre juridiction qu'il n'y a plus lieu de statuer sur des conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, tant que cette décision n'est pas devenue irrévocable. Il en va toutefois différemment lorsque, faisant usage de la faculté dont il dispose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il joint les requêtes pour statuer par une même décision, en tirant les conséquences nécessaires de ses propres énonciations. Dans cette hypothèse, toutes les parties concernées seront, en cas d'exercice d'une voie de recours, mises en cause et celle à laquelle un non-lieu a été opposé, mise à même de former, si elle le souhaite, un recours incident contre cette partie du dispositif du jugement.

24. A ce titre, lorsque le juge est parallèlement saisi de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision et, d'autre part, à celle de son retrait et qu'il statue par une même décision, il lui appartient de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le retrait puis, sauf si, par l'effet de l'annulation qu'il prononce, la décision retirée est rétablie dans l'ordonnancement juridique, de constater qu'il n'y a plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre cette dernière.

25. Ainsi qu'il a été dit, par la décision du 10 janvier 2019, postérieure à l'introduction de la requête 17BX00904 dirigée contre la décision du 22 janvier 2016 et dont la légalité est confirmée par le présent arrêt, la Commission nationale d'aménagement commercial a retiré la décision du 22 janvier 2016 et accordé à la société Les Peuplier l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 22 janvier 2016 ont perdu leur objet. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation présentées par la société Distribution Casino France.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Distribution Casino France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Distribution Casino France une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Les Peupliers.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 22 janvier 2016.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société Distribution Casino France est rejeté.

Article 3 : La société Distribution Casino France versera une somme de 1 500 euros à la société Les Peupliers au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Casino France, à la société Les Peupliers et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

M. Jean-Claude Pauziès, président de la 1ère chambre,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2023.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Luc Derepas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX01619 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01619
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-05;22bx01619 ?
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