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05/10/2023 | FRANCE | N°21BX03349

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 05 octobre 2023, 21BX03349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., étudiante en BTS spécialité " Diététique " dans l'établissement privé hors contrat Adonis Bordeaux, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la délibération, notifiée le 13 juillet 2020, par laquellele jury du brevet de technicien supérieur (BTS) " Diététique " a refusé de lui délivrer ce diplôme à l'issue de l'examen de son livret scolaire et l'a autorisée à présenter les épreuves organisées au mois de septembre 2020, et, d'autre part, d'annuler l

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., étudiante en BTS spécialité " Diététique " dans l'établissement privé hors contrat Adonis Bordeaux, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la délibération, notifiée le 13 juillet 2020, par laquellele jury du brevet de technicien supérieur (BTS) " Diététique " a refusé de lui délivrer ce diplôme à l'issue de l'examen de son livret scolaire et l'a autorisée à présenter les épreuves organisées au mois de septembre 2020, et, d'autre part, d'annuler la délibération refusant de lui délivrer le diplôme à l'issue des épreuves organisées au mois de septembre 2020.

Par un jugement n° 2006137 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 août 2021, Mme B..., représentée par Me Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 mai 2021 ;

2°) d'annuler la délibération, notifiée le 13 juillet 2020, par laquelle le jury du brevet de technicien supérieur (BTS) " Diététique " a refusé de lui délivrer ce diplôme à l'issue de l'examen de son livret scolaire et l'a autorisée à présenter les épreuves organisées au mois de septembre 2020 ;

3°) d'annuler la délibération refusant de lui délivrer le diplôme à l'issue des épreuves organisées au mois de septembre 2020 ;

4°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Bordeaux de réexaminer sa situation sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision du 13 juillet 2020 du jury d'examen :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle ne comporte pas la signature de son auteur ;

En ce qui concerne l'ensemble des décisions attaquées :

- elles sont illégales dès lors qu'elles sont fondées sur les dispositions du décret n° 2020-684 du 5 juin 2020 qui méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;

- le jury n'a pas procédé à une appréciation concrète de ses mérites ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit dès lors qu'elle a été convoquée à l'ensemble des épreuves pour la session de septembre 2020 alors qu'elle aurait dû conserver le bénéfice des notes supérieures ou égales à 10 inscrites dans son livret scolaire.

Par ordonnance du 12 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 février 2023 à 12h00.

La rectrice de l'académie de Bordeaux a produit un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2023 qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l'organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19 ;

- le décret n° 2020-684 du 5 juin 2020 relatif aux modalités de délivrance du brevet de technicien supérieur en raison de l'épidémie de covid-19 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Romain Roussel-Cera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le décret du 5 juin 2020 relatif aux modalités de délivrance du brevet de technicien supérieur (BTS) en raison de l'épidémie de covid-19 a prévu que certains candidats seraient évalués par un jury d'examen sur la base d'un livret scolaire établi par les équipes pédagogiques de l'établissement de préparation du diplôme, et, s'il était incomplet ou s'il ne permettait pas au jury de se prononcer sur le niveau du candidat, sur la base d'épreuves ponctuelles organisées en septembre 2020. Mme B... s'est portée candidate à la session 2019/2020 du brevet de technicien supérieur en spécialité " Diététique ". Par un courriel du 13 juillet 2020, la directrice des examens et concours du rectorat de Bordeaux a informé Mme B... de la délibération du jury d'examen refusant de lui délivrer ce diplôme à l'issue de l'examen de son livret scolaire et l'autorisant à présenter les épreuves organisées au mois de septembre 2020. Mme B... relève appel du jugement du 20 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération, notifiée le 13 juillet 2020, par laquelle le jury du brevet de technicien supérieur (BTS) " Diététique " a refusé de lui délivrer ce diplôme à l'issue de l'examen de son livret scolaire et l'a autorisée à présenter les épreuves organisées au mois de septembre 2020 et, de la délibération refusant de lui délivrer le diplôme à l'issue des épreuves organisées au mois de septembre 2020.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. " Aux termes de l'article D. 643-31 du code de l'éducation : " Le brevet de technicien supérieur est délivré après délibération d'un jury ".

3. D'une part, le courriel du 13 juillet 2020 qui a pour objet, d'informer Mme B... de la décision du jury ne constitue pas une décision. D'autre part, les délibérations d'un jury d'examen chargé d'apprécier les mérites des candidats n'entrent dans aucune des catégories de décisions défavorables énumérées par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration et n'a dès lors pas à être motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

5. D'une part, et ainsi qu'il a été dit au point 3, le courriel du 13 juillet 2020 ne constitue pas une décision au sens des dispositions précitées. D'autre part, s'agissant de la délibération d'un jury, il est satisfait aux exigences découlant de cet article dès lors qu'une telle délibération porte la signature du président du jury accompagnée des mentions, en caractères lisibles, de son prénom, de son nom et de sa qualité. La délibération du jury relative à Mme B..., produite en première instance, comporte la mention du nom, du prénom et de la qualité du président du jury. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration relatives à la signature des décisions et aux mentions relatives à leur auteur ne peut donc qu'être écarté.

Sur la légalité interne :

6. D'une part, aux termes de l'article D. 643-15 du code de l'éducation : " L'examen est constitué d'au plus six épreuves obligatoires ; il est organisé dans les conditions fixées aux articles D. 643-19, D. 643-20 et D. 643-23. / L'obtention d'une note supérieure ou égale à 10 sur 20 à une épreuve de l'examen donne lieu à la délivrance d'une ou plusieurs unités. Les notes et unités correspondantes sont valables cinq ans à compter de leur date d'obtention. Elles peuvent donner lieu à délivrance par le recteur de région académique d'attestations de réussite valables pour cette durée. (...) ". Aux termes de l'article D. 643-19 : " (...) Passent l'examen sous forme d'épreuves ponctuelles, dans les conditions fixées par le règlement particulier du diplôme : / 1° Les candidats ayant préparé un brevet de technicien supérieur par la voie scolaire dans un établissement privé hors contrat ; (...) ". Aux termes de l'article D. 643-22 : " (...) Le diplôme est délivré aux candidats qui ont obtenu une moyenne générale supérieure ou égale à 10 sur 20 à l'ensemble des évaluations affectées de leur coefficient (...) ". Et aux termes de l'article D. 643-23 : " Les candidats ajournés, ayant présenté l'examen sous la forme globale, conservent, à leur demande et dans les conditions précisées à l'article D. 643-15, le bénéfice des notes obtenues lorsqu'elles sont supérieures ou égales à 10 sur 20 et présentent alors l'ensemble des unités non détenues ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 27 mars 2020 : " Nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, les autorités compétentes pour la détermination des modalités d'accès aux formations de l'enseignement supérieur dispensées par les établissements relevant des livres IV et VII du code de l'éducation ainsi que pour la détermination des modalités de délivrance des diplômes de l'enseignement supérieur, y compris le baccalauréat, peuvent apporter à ces modalités les adaptations nécessaires à leur mise en œuvre (...) " Aux termes de l'article 2 du décret n° 2020-684 du 5 juin 2020 relatif aux modalités de délivrance du brevet de technicien supérieur en raison de l'épidémie de covid-19 : " I. - Une session d'examen est organisée à la fin de l'année scolaire 2019-2020 pour les candidats qui disposent d'un livret scolaire ou de formation établi conformément au modèle annexé au présent décret et qui ont préparé le brevet de technicien supérieur : 1° Par la voie scolaire dans un établissement d'enseignement public ou dans un établissement d'enseignement privé ayant ou non conclu un contrat avec l'Etat (...) II. - Sous l'autorité du chef d'établissement, les équipes pédagogiques inscrivent dans le livret scolaire ou de formation du candidat les notes de contrôle continu obtenues durant l'année scolaire 2019-2020, un récapitulatif des périodes de stages et, pour les candidats concernés, des notes de contrôle en cours de formation et d'épreuves ou sous-épreuves ponctuelles orales ou pratiques. Des éléments complémentaires peuvent également être portés à la connaissance du jury pour permettre d'évaluer l'assiduité, la motivation et l'engagement du candidat. / Le candidat est évalué en tenant compte des résultats portés sur son livret scolaire ou de formation. Ces résultats sont établis, pour les unités constitutives du diplôme donnant lieu à des épreuves et sous-épreuves obligatoires, à partir de notes de contrôle continu. Les notes attribuées par contrôle en cours de formation et par épreuve ou sous-épreuve ponctuelle orale ou pratique intervenus avant la suspension de l'accueil des élèves dans les établissements en raison de la crise sanitaire sont également prises en compte. (...) III. - Préalablement à sa production devant le jury, le recteur d'académie s'assure de la recevabilité du livret scolaire ou de formation du candidat. Les candidats dont le livret scolaire ou de formation n'est pas recevable se présentent aux épreuves mentionnées à l'article 3. Les éléments d'appréciation dont dispose le jury d'examen sont : - les livrets scolaires ou de formation comportant les propositions de notes et appréciations décernées aux candidats ; - les taux de réussite aux examens, par spécialité du diplôme et par établissement d'origine du candidat pour les trois dernières années scolaires ainsi que la moyenne des notes attribuées aux candidats par cet établissement, par unité constitutive du diplôme. Le jury d'examen étudie l'ensemble de ces éléments pour valoriser, le cas échéant, les progrès du candidat, garantir l'équité entre les candidats et vérifier leur assiduité jusqu'à la fin de l'année scolaire. Il arrête les notes définitives du candidat après harmonisation. / Le livret scolaire ou de formation est visé par le président du jury. / Si le livret scolaire ou de formation du candidat ne permet pas au jury de se prononcer sur son niveau, le candidat se présente aux épreuves mentionnées à l'article 3 sur autorisation du jury. / Les candidats ayant obtenu une moyenne générale inférieure à 10 sur 20 à la session organisée à la fin de l'année scolaire 2019-2020 peuvent se présenter aux épreuves mentionnées à l'article 3, sur autorisation du jury. Cette autorisation se fonde notamment sur des critères d'assiduité et de motivation. Les candidats conservent pour ces épreuves le bénéfice des notes supérieures ou égales à 10 sur 20 obtenues et conduisant à la délivrance d'une ou plusieurs unités constitutives du diplôme. Pour ces candidats, le calcul de la moyenne s'effectue en tenant compte des notes conservées et des notes obtenues aux épreuves nouvellement subies. "

8. En premier lieu, Mme B... soutient qu'en ne précisant pas les critères à prendre en compte pour estimer qu'un livret scolaire ne permet pas au jury de se prononcer sur le niveau d'un candidat qui a obtenu une moyenne supérieure ou égale à 10 sur 20, l'article 2 du décret du 5 juin 2020 méconnait l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi. Les dispositions du décret citées au point 7 organisent, pour l'année scolaire 2019-2020, la délivrance du brevet de technicien supérieur dans le cadre d'un contrôle continu. Elles prévoient notamment que le jury devait arrêter, après harmonisation, les notes définitives des candidats sur la base d'un livret scolaire complété par les équipes pédagogiques des établissements de préparation du diplôme, en prenant en compte, d'une part, les propositions de notes et appréciations y figurant, et, d'autre part des taux de réussite aux examens, par spécialité du diplôme et par établissement d'origine du candidat pour les trois dernières années scolaires ainsi que la moyenne des notes attribuées aux candidats par le même établissement, par unité constitutive du diplôme. Ces dispositions, qui permettent au jury d'exercer son pouvoir d'appréciation des mérites des candidats, sont suffisamment claires et intelligibles et ne méconnaissent donc ni l'exigence constitutionnelle de clarté de la norme, ni l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité.

9. En deuxième lieu, si Mme B... fait valoir que compte tenu des éléments présents dans son livret scolaire, son profil justifiait son admission au BTS diététique, il n'appartient pas au juge administratif de contrôler l'appréciation souveraine portée par un jury sur les mérites d'un candidat dès lors que cette appréciation a été portée dans des conditions conformes au règlement de l'examen et qu'elle ne repose pas sur des faits étrangers aux mérites du candidat.

10. En dernier lieu, Mme B... soutient qu'elle ne devait pas repasser l'ensemble des épreuves en septembre 2020 dès lors que selon son livret scolaire elle n'avait pas obtenu la moyenne dans une seule unité. Toutefois, il résulte des dispositions précitées du décret du 5 juin 2020 que seuls les candidats pour lesquels le jury a été en mesure d'arrêter définitivement les notes et qui ont été ajournés avec une moyenne inférieure à 10 sur 20 peuvent, en application du dernier alinéa de l'article 2 de ce décret, conserver le bénéfice des notes obtenues supérieures à 10 lors de la session organisée au mois de septembre 2020. Or, Mme B... ne se trouvait pas dans cette situation mais dans celle prévue à l'avant-dernier alinéa du même article, dans laquelle le jury n'a pas été en mesure de se prononcer sur son niveau d'acquisition des connaissances et d'arrêter définitivement ses notes. En outre, Mme B... ne peut se prévaloir utilement de la note de service du 6 juin 2020 adressée aux recteurs et rectrices de région académique et relative aux modalités de délivrance du brevet de technicien supérieur en raison de l'épidémie de covid-19 qui ne méconnait ni le sens ni la portée des dispositions règlementaires susvisées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

M. Jean-Claude Pauziès, président de la 1ère chambre,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

Jean-Claude PauzièsLe président

Luc Derepas

La greffière,

Marion Azam-Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03349 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03349
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-05;21bx03349 ?
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