Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 2203834, 2203835 du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête n° 22BX03010 enregistrée le 7 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Saint-Martin, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours, lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et procéder à l'effacement de son inscription au fichier système d'information Schengen, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ou à elle-même en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative si l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordée.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :
- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de l'attestation de demandeur d'asile :
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 542-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que la préfète s'est considérée à tort en situation de compétence liée.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur un refus de titre de séjour illégal ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 20 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 19 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 décembre 2022.
II. Par une requête n° 22BX03012, enregistrée le 7 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Saint-Martin, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours, lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et procéder à l'effacement de son inscription au fichier système d'information Schengen, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ou à lui-même en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative si l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordée.
Il soutient que :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :
- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de l'attestation de demandeur d'asile :
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 542-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que la préfète s'est considérée à tort en situation de compétence liée.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur un refus de titre de séjour illégal ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 20 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 19 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 décembre 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pauline Reynaud,
- et les observations de Me Choplin, représentant M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... et M. B..., ressortissants nigérians, respectivement nés le 1er avril 1993 et le 5 avril 1979, déclarent être entrés en France le 10 octobre 2018. Les intéressés ont sollicité le 15 octobre 2018 leur admission au titre de l'asile. Leurs demandes ont été rejetées par décisions du 4 août 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), confirmées par décisions du 3 juin 2022 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par deux arrêtés du 30 juin 2022, la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, de renouveler leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 30 juin 2022 et d'enjoindre à la préfète de la Gironde de leur délivrer les titres de séjour sollicités. Ils relèvent appel du jugement n° 2203834, 2203835 du 12 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
2. Les requêtes n° 22BX03010 et n° 22BX03012 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
3. Par décisions du 21 décembre 2022, M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par le bureau d'aide juridictionnelle. Par suite, leurs conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... de nationalité nigériane, soutiennent avoir quitté leur pays en 2016 en raison de leurs craintes que les membres de la famille de Mme B..., d'ethnie urhobo, ne la contraignent à subir une excision, M. B... n'ayant par ailleurs plus d'attaches familiales au Nigeria. Ils établissent résider en France depuis octobre 2018, où Mme B... a donné naissance à deux filles nées respectivement en 2018 et 2020 et deux garçons nés en 2021 et 2023. A la date des arrêtés préfectoraux attaqués, les requérants avaient ainsi quitté leur pays depuis près de sept ans et résidaient depuis près de quatre ans en France où ils justifient être intégrés, avoir fondé leur famille et avoir transféré le centre de leurs intérêts personnels et familiaux. Au regard de l'ensemble de ces éléments, et dans les circonstances très particulières de l'espèce, alors que les requérants justifient ne plus avoir de liens familiaux et personnels dans leur pays d'origine du fait de leur rupture avec la famille de Mme B..., ils sont fondés à soutenir qu'en refusant de leur délivrer un titre de séjour, le préfet a entaché les arrêtés attaqués d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle et familiale. Par voie de conséquence, les décisions les concernant portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont privées de base légale.
5.Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, en application de l'article L 911-1 du code de justice administrative, l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. et Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", les requérants qui n'ont pas fait l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français n'établissant pas faire l'objet d'un signalement au fichier système d'information " Schengen ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à cette autorité de délivrer à M. et Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Les requérants ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Saint-Martin, leur avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Saint-Martin de la somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2203834, 2203835 du 12 octobre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. et Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Saint-Martin avocat de M. et Mme B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B..., à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente de chambre,
Mme Bénédicte Martin, présidente assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.
La rapporteure,
Pauline Reynaud La présidente,
Evelyne Balzamo,
Le greffier,
Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX03010, 22BX03012