Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite de rejet née le 29 juillet 2021 du silence gardé par la préfète de la Gironde sur sa demande de titre de séjour ainsi que la décision du 10 janvier 2022 par laquelle la préfète a explicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2106071-2201557 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande, regardée comme tendant à l'annulation de la décision du 10 janvier 2022 de la préfète de la Gironde.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Landète, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2106071-2201557 du tribunal administratif de Bordeaux du 17 octobre 2022 ;
3°) d'annuler la décision du 10 janvier 2022 de la préfète de la Gironde ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation dès lors qu'elle ne précise pas le fondement juridique de sa demande de titre de séjour ni n'évoque sa situation personnelle, familiale et professionnelle ; la préfète n'a effectué aucun examen précis et actualisé de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il dispose de propositions de travail dans un domaine d'expérience et qu'il est en couple avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour portant la mention " étudiant ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michaël Kauffmann a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant vietnamien né le 20 mai 1993, est entré en France le 28 août 2016 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa long séjour valant titre de séjour en qualité d'étudiant, valable du 24 août 2016 au 24 août 2017. À la suite de son interpellation le 1er septembre 2020, M. A... a fait l'objet, par un arrêté du même jour, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour pendant une durée de deux ans qui a toutefois été annulée par un jugement n° 2003927 du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 7 septembre 2020. Par un courrier du 29 mars 2021, M. A... a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, anciennement codifiées à l'article L. 313-14 du même code. Une décision implicite de rejet est née le 29 juillet 2021 du silence gardé par la préfète de la Gironde sur cette demande avant que, par une décision du 10 janvier 2022, la préfète la rejette expressément. M. A... relève appel du jugement du 17 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir estimé que les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du 29 juillet 2021 devaient être regardées comme dirigées contre la décision explicite du 10 janvier 2022, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. (...) ".
3. Postérieurement à l'enregistrement de sa requête, le bureau d'aide juridictionnelle a, par une décision du 12 janvier 2023, rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A.... Ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont ainsi devenues sans objet.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familial", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
6. Il résulte des termes de la décision contestée du 10 janvier 2022 que, pour justifier sa décision portant refus de titre de séjour opposée à M. A..., la préfète de la Gironde s'est bornée à constater que l'intéressé n'établissait pas avoir quitté le territoire français en application de la mesure d'éloignement prononcée le 1er septembre 2020 et à rappeler, sur le fondement de l'article R. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le caractère exécutoire de l'interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans prononcée le même jour. Par suite, alors, au demeurant, que ces deux mesures ont été annulées par un jugement devenu définitif du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 7 septembre 2020, le requérant est fondé à soutenir que la préfète, qui n'a ni précisé le fondement textuel de la demande de titre de séjour présentée le 29 mars 2021 par M. A... ni motivé sa décision au regard des éléments de faits produits par ce dernier à l'appui de sa demande qui, selon lui, justifiaient la régularisation de sa situation au titre de la vie privée et familiale ou du travail, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a insuffisamment motivé sa décision en fait et en droit et a, en outre, entaché sa décision d'un défaut d'examen réel et sérieux de la situation de l'appelant.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il est dès lors fondé à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de la décision du 10 janvier 2022 de la préfète de la Gironde.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Eu égard aux motifs d'annulation retenus au point 6 et dès lors qu'aucun autre moyen opérant et fondé n'est, par ailleurs, susceptible d'être accueilli et d'avoir une influence sur la portée de l'injonction à prononcer, l'exécution du présent arrêt implique seulement le réexamen de la situation de M. A.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. M. A... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat ne pouvant se prévaloir des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la demande présentée au titre de ces dispositions doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Le jugement n° 2106071-2201557 du 17 octobre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 3 : La décision du 10 janvier 2022 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé à M. A... la délivrance d'un titre de séjour est annulée.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Pierre Landète et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.
Le rapporteur,
Michaël Kauffmann La présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX027932