Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 février 2022 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2200689 du 7 avril 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 mai 2022, M. B..., représenté par Me Bonneau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 avril 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 21 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente et dans un délai de quarante-huit heures, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
- il est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- elles méconnaissent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 9 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 octobre 2022.
La requête a été communiquée au préfet des Deux-Sèvres qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 16 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 1985, déclare être entré en France en octobre 2020. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 2 avril 2021. Par un arrêté du 21 février 2022, le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2022.
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé une demande d'asile le 8 mars 2022 pour sa fille C... née le 19 février 2022. L'OFPRA a accordé à C... B... le statut de réfugiée, par une décision du 31 août 2022. Si M. B... n'avait pas porté à la connaissance de l'administration le fait qu'il attendait un enfant, il a communiqué au tribunal administratif de Poitiers, en première instance, l'acte de naissance F..., un certificat médical indiquant une possible excision de la mère C..., Mme E..., et les pièces attestant de l'introduction de la demande d'asile au profit C.... Dans ces conditions et au regard du statut de réfugié accordé à C..., lequel présente un caractère recognitif, M. B... fait état de motifs exceptionnels, tenant à la nécessité d'assurer sa présence auprès de sa fille âgée de moins d'un an, qui justifient qu'il soit fait droit à sa demande de carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 précitées.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 avril 2022 doit être annulé, de même que la décision du préfet des Deux-Sèvres du 21 février 2022.
5. Le présent arrêt, qui annule la décision portant refus de titre de séjour, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, la délivrance à M. B... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose à la demande de M. B... une nouvelle décision de refus de titre de séjour. Par suite, et en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il y a lieu d'enjoindre à la préfète des Deux-Sèvres de lui délivrer le titre de séjour mentionné ci-dessus dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
6. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros, à verser à Me Bonneau, son avocate, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 avril 2022 et la décision du préfet des Deux-Sèvres du 21 février 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète des Deux-Sèvres de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Bonneau, avocate de M. B..., une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la préfète des Deux-Sèvres et à Me Bonneau.
Délibéré après l'audience du 29 août 2023 où siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Sébastien Ellie, premier conseiller,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.
Le rapporteur,
Sébastien A...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Marion Azam-Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°22BX01330