Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe à lui verser la somme de 222 757,40 euros en réparation de différents préjudices, assortis des intérêts moratoires à compter du 31 octobre 2018 et capitalisés.
Par un jugement n° 1900979 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 mai 2021 et le 21 décembre 2021, M. C..., représenté par la Selarl Lacluse et Cesar, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 25 mars 2021 précité ;
2°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe à lui verser la somme de 222 757,40 euros en réparation des différents préjudices subis, assortis des intérêts moratoires à compter du 31 octobre 2018 et capitalisés ainsi que de réactualiser ses documents de fin de contrat ;
3°) de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe les dépens et la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce qu'il a été illégalement placé en congés annuels du 20 août 2018 au 5 octobre 2018 ce qui entache la procédure de licenciement d'irrégularité ;
Au fond :
- la décision du 19 octobre 2018 par laquelle il a été licencié pour suppression de poste est entachée d'illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe :
En ce qui concerne les vices de procédure :
- la décision du 19 octobre 2018 a fait rétroagir la prise d'effet du licenciement au 11 juillet 2018, emportant la méconnaissance de plusieurs garanties tenant au caractère préalable de l'entretien de licenciement et au respect du préavis de six mois ;
- la chambre de métiers et de l'artisanat ne justifie pas de la saisine de la commission paritaire locale ni de ce que son avis sur la suppression de son emploi aurait été régulièrement émis ;
- l'extrait du compte rendu de la commission paritaire locale du 4 juillet 2018 qui lui a été communiqué ne saurait être assimilé à l'avis régulièrement émis par cette commission sur la suppression de son emploi en application de l'article 42-I du statut ;
- cette décision est intervenue avant la réception par la chambre de la décision d'approbation de l'autorité de tutelle, en méconnaissance des dispositions de l'article 42-I du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat ; l'autorité de tutelle n'a pas été saisie conformément à l'article 42-I précité et la chambre de métiers et de l'artisanat ne justifie pas que le préfet de la Guadeloupe a approuvé la suppression de son emploi ;
- son placement forcé en congé annuels du 20 août au 5 octobre 2018 entache la procédure de licenciement d'irrégularité et a eu pour effet de suspendre son préavis de six mois ;
- le délai de six mois entre la décision de licenciement du 19 octobre 2018 et la date de prise d'effet de ce licenciement, le 11 janvier 2019 n'a pas été respecté ; en application de l'article 42-I du statut, ce délai de six mois court à compter de la décision de licenciement, soit le 19 octobre 2018, de sorte que le licenciement ne pouvait prendre effet avant le 19 avril 2019 ;
- il a reçu le courrier de convocation à son entretien préalable le 2 octobre 2018 soit quatre jours avant son déroulement alors qu'un délai de huit jours minimum est requis s'agissant du licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle en application de l'article 41-IV du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat ;
- la chambre de métiers et de l'artisanat ne justifie pas avoir tenté de procéder à son reclassement ; aucune proposition de reclassement ne lui a été faite, alors que deux offres d'emploi pour des postes vacants ont été publiées en septembre 2019 ;
- la chambre de métiers et de l'artisanat n'a pas justifié d'un dossier complet relatif à la suppression de son emploi relatant les causes de la suppression et les solutions envisagées pour l'éviter ;
- la chambre de métiers et de l'artisanat ne justifie pas de ce que l'intérêt du service était susceptible de motiver la suppression d'un emploi permanent ;
En ce qui concerne le traitement discriminatoire :
- la décision de licenciement est entachée d'un détournement de pouvoir et de discrimination dès lors que sur les trois suppressions d'emploi décidées par l'assemblée générale, il est le seul à ne pas avoir bénéficié d'un reclassement et que le poste de chargé de mission de la qualité et du développement de l'offre global de service ne lui a pas été proposé ;
- cette décision de licenciement pour suppression de poste traduit un traitement discriminatoire à son égard révélé notamment par la méconnaissance des dispositions des articles 15 et 16 du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat relatives à la tenue du dossier personnel de l'agent et à l'absence d'entretien annuel ;
En ce qui concerne le harcèlement moral :
- cette décision de licenciement s'inscrit dans le cadre d'un processus de harcèlement moral qu'il subit de la part de la chambre de métiers et de l'artisanat depuis plusieurs années et qui a notamment pris la forme d'une procédure disciplinaire engagée à son encontre le 2 mai 2018 sans motif et la décharge de ses fonctions liées aux moyens généraux et aux marchés publics ;
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :
- en raison de l'illégalité du licenciement, de la discrimination et du harcèlement moral dont il a fait l'objet, il a subi un préjudice évalué à un montant total de 222 757,40 euros dont 5 249,07 euros pour non-respect de la procédure de licenciement, 31 494,42 euros pour rupture brusque et sans préavis de son emploi, 18 043,67 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 31 494,42 euros au titre de l'absence d'effort de reclassement, 5 249,07 euros pour non-respect des règles de tenue du dossier personnel, 5 249,07 euros pour non-respect de l'obligation d'entretien professionnel, 31 494,42 euros pour traitement discriminatoire, 31 494,42 euros pour harcèlement moral et 62 988,84 euros pour son préjudice moral et les troubles dans ses conditions d'existence.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 novembre 2021 et le 12 juin 2023, la chambre des métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe, représentée par son président en exercice et par Me Bertrand, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucune faute ne pouvant être caractérisée, M. C... n'est pas fondé à demander la condamnation de la chambre au paiement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'il soutient avoir subis et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
- le statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat adopté le 13 novembre 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,
- et les observations de Me Bertrand, représentant la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été recruté par contrat à durée déterminée le 22 août 2014 par la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe en qualité de secrétaire général adjoint, puis à compter du 25 août 2015 en qualité de directeur administratif et financier avant d'être titularisé à compter du 25 août 2016. Il a été en charge de la direction financière et des moyens généraux à compter du 1er janvier 2017 puis a été réaffecté sur son précédent poste de directeur administratif et financier à compter du 4 avril 2018. Par une délibération du 9 juillet 2018, approuvée par l'autorité de tutelle, l'assemblée générale de la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe a décidé la suppression de trois emplois permanents de directeur, dont celui de M. C....
2. Par un courrier du 11 juillet 2018, le président de la chambre de métiers et de l'artisanat a informé M. C... de la suppression de son poste, l'a informé qu'il entreprenait des recherches pour son reclassement et l'a convoqué le 8 octobre 2018 afin d'organiser son éventuel reclassement. Puis par une décision du 19 octobre 2018, le président de la chambre de métiers et de l'artisanat a informé M. C..., d'une part, de l'impossibilité de le reclasser et, d'autre part, de son licenciement à compter du 11 janvier 2019. M. C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe à lui verser la somme de 222 757,40 euros assortie des intérêts lesquels seront capitalisés, en réparation des préjudices qu'il a subis en raison de l'illégalité de la décision du 19 octobre 2018 précitée et de diverses fautes qu'il impute à la chambre de métiers et de l'artisanat tenant au traitement discriminatoire et au harcèlement moral dont il soutient avoir été victime. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
3. Le moyen tiré de ce que le requérant a été placé " d'office " en congés annuels du 20 août au 5 octobre 2018 en violation de l'article 42-I du statut du personnel de la chambre de métiers et de l'artisanat est inopérant dès lors que cette mesure est sans incidence sur la procédure de licenciement pour suppression de poste telle que régie par ces dispositions. Par suite, l'absence de réponse des premiers juges à ce moyen n'entache pas le jugement attaqué d'irrégularité.
Au fond :
En ce qui concerne l'illégalité du licenciement pour suppression de poste :
S'agissant du respect des délais et des obligations en matière de reclassement :
4. Aux termes de l'article 42 du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat : " (...) L'agent titulaire de l'emploi supprimé doit, dans toute la mesure du possible, être reclassé dans un emploi équivalent existant dans l'établissement ou proposé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 1er. / En cas de suppression d'un établissement visé à l'article 1er dans les conditions fixées à l'article 17 du code de l'artisanat, le personnel est affecté, dans toute la mesure du possible, à des emplois équivalents dans l'un des établissements mentionnés à l'article 1er ou dans l'organisme auquel seraient dévolues ses attributions (...) Si des emplois équivalents n'existent pas ou si l'agent refuse la proposition qui lui est faite, celui-ci est licencié et la cessation de fonctions ne peut intervenir que trois mois après la date de transmission de la décision de suppression d'emploi à l'autorité de tutelle susvisée, sauf opposition notifiée par celle-ci dans un délai de deux mois. Le délai après lequel la cessation de fonctions peut intervenir est porté à six mois pour les secrétaires généraux, les secrétaires généraux adjoints, les cadres supérieurs et les cadres (...) ".
5. En premier lieu, le requérant soutient que le délai de six mois, prévu par les dispositions précitées du I de l'article 42, entre la décision de licenciement et sa date de prise d'effet n'aurait pas été respecté. Toutefois, le respect d'un délai de six mois est requis non à compter de la date du licenciement mais à compter de la date de notification à l'autorité de tutelle de la décision supprimant l'emploi occupé par l'agent. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Guadeloupe a réceptionné le 12 juillet 2018 la décision supprimant l'emploi de M. C..., prise par délibération du 9 juillet 2018 et que le licenciement de l'intéressé a pris effet le 11 janvier 2019. Par suite, le moyen tiré du non-respect du délai de six mois prévu par l'article 42 précité doit être écarté.
6. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision du 19 octobre 2018 prononçant son licenciement pour suppression de poste n'a pas d'effet rétroactif dès lors que le licenciement de l'intéressé a pris effet le 11 janvier 2019 et non le 11 juillet 2018 comme il le soutient.
7. En troisième lieu, M. C... soutient qu'il n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour se préparer à l'entretien fixé le vendredi 8 octobre 2018 dont il a été informé par un courrier notifié le 2 octobre 2018 en faisant valoir que ce délai de quatre jours est insuffisant, par comparaison avec le délai de huit jours requis s'agissant du licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle en application de l'article 41-IV du statut du personnel. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. C... a fait l'objet d'un licenciement pour suppression de poste en application des dispositions précitées de l'article 42-I du statut et non d'un licenciement pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire. Si le président de la chambre de métiers et de l'artisanat a souhaité organiser un entretien en vue d'envisager son reclassement, aucune disposition du statut n'imposait la tenue d'un tel entretien ni le respect d'un délai entre la date de convocation et celle de son déroulement. Ainsi, ce délai de quatre jours, qui d'ailleurs n'a pas été en l'espèce insuffisant pour lui permettre de présenter ses observations, est sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement. Par suite le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.
8. En quatrième lieu, si le requérant soutient que la chambre de métiers et de l'artisanat n'est pas en capacité de justifier d'un dossier complet exposant les raisons de la suppression de son poste de directeur, il ne résulte toutefois ni des dispositions de l'article 42-I du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat ni d'aucune autre disposition en vigueur qu'une telle obligation incombe à son employeur. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté.
9. En cinquième lieu, M. C... soutient que la chambre de métiers et de l'artisanat a méconnu son obligation de reclassement dès lors qu'elle ne démontre pas avoir entrepris des démarches en vue de lui proposer un poste de reclassement et que des offres d'emploi ont été publiées postérieurement à son licenciement. Il résulte toutefois de l'instruction que la direction des ressources humaines de la chambre a diffusé, le 29 août 2018, une " offre de reclassement " en interne et auprès de l'ensemble des chambres de métiers et de l'artisanat sur le site extranet de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat. Ces démarches n'ont cependant pas permis à son employeur de proposer à M. C... des emplois correspondant à son profil. M. C... soutient par ailleurs qu'aucune proposition de reclassement interne ne lui aurait été faite alors même que deux postes auraient été vacants comme il ressort des annonces publiées en septembre 2019, pour un poste de chargé de mission et un poste de directeur comptable et financier. Toutefois, d'une part, le requérant n'établit pas la vacance des deux postes en cause avant le 11 janvier 2019, date de prise d'effet de son licenciement, d'autre part ces postes, qui ne correspondaient pas à son niveau de rémunération et étaient proposés sous la forme de contrats à durée déterminée relevant d'un emploi de cadre supérieur de niveau 3, tandis que le poste de directeur administratif et financier occupé par M. C... constituait un emploi de cadre supérieur de niveau 1, n'étaient pas équivalents à son poste au sens de l'article 42 du statut précité. Enfin la circonstance que des postes correspondant à son profil auraient été publiés postérieurement à son licenciement est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors qu'il n'est pas établi que ces publications auraient été sciemment retardées. Par suite, le moyen tiré de ce que la chambre de métiers et de l'artisanat n'a pas satisfait à son obligation de recherche d'un reclassement avant de procéder à son licenciement doit être écarté.
10. En sixième lieu, le requérant fait valoir qu'il aurait été contraint par une lettre du 11 juillet 2018 du président de la chambre de solder ses congés annuels du 20 août au 5 octobre 2018 compte tenu de sa situation d'agent en surnombre après la suppression de son poste décidée par délibération du 9 juillet 2018. Toutefois cette mesure, que l'intéressé n'a d'ailleurs pas contestée, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement pour suppression de poste. Au demeurant, le requérant n'a perdu aucun avantage financier et ne se prévaut d'aucun préjudice en lien direct avec cette mesure. Enfin, contrairement à ce qu'il soutient, son placement en congés annuels est sans incidence sur le calcul du préavis de six mois qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, a été respecté.
11. En dernier lieu, la circonstance que, par un arrêté du 16 octobre 2019, le préfet de la Guadeloupe a mis fin aux fonctions du président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe, décision dont il a commenté les raisons dans un communiqué du 18 octobre 2019, est sans influence sur la régularité de la procédure de licenciement litigieuse.
S'agissant du respect des obligations de consultation et d'approbation de la suppression du poste :
12. En premier lieu, si, dans le cadre de la contestation d'un acte règlementaire par voie d'exception, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Il en résulte que M. C... ne peut utilement exciper, à l'appui de la contestation de la décision prononçant son licenciement, de l'irrégularité de la consultation de la commission paritaire locale préalablement à la délibération du 9 juillet 2018 supprimant son emploi et du défaut de motivation de cette dernière décision.
13. En second lieu, l'approbation d'une décision par l'autorité de tutelle rétroagit à la date à laquelle cette décision est intervenue. Il en résulte que l'approbation par l'autorité de tutelle de la décision du 9 juillet 2018 supprimant l'emploi de M. C..., notifiée à la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe le 23 octobre 2018, a rétroagi à la date à laquelle cette décision est intervenue. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la seule circonstance que cette notification est intervenue postérieurement à la décision du 19 octobre 2018 prononçant son licenciement aurait pour effet de priver cette dernière décision de base légale.
14. Il s'ensuit que M. C... n'est pas fondé à soutenir que son licenciement est entaché d'une illégalité de nature à engager la responsabilité de son employeur.
En ce qui concerne la faute tirée du traitement discriminatoire de l'intéressé :
15. En premier lieu, le requérant soutient que son licenciement est entaché d'un détournement de pouvoir et constitue une mesure discriminatoire dès lors qu'il est le seul sur les trois agents dont le poste a été supprimé à ne pas avoir pu bénéficier d'une offre de reclassement. Toutefois, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction au regard de la nature de l'emploi supprimé et des motifs rappelés dans le compte-rendu de la commission paritaire locale du 4 juillet 2018 tenant aux objectifs de réorganiser la chambre en vue d'une optimisation des deux directions opérationnelles et de rapprocher l'organisation des services du modèle national, que le licenciement de M. C... reposerait sur des motifs autres que l'intérêt du service. Si le requérant soutient qu'un nouveau poste d'encadrement a été créé sans lui être proposé, il ne résulte pas de l'instruction au regard de son profil et de sa formation généraliste en administration des entreprises, de son expérience essentiellement financière et de son ancienneté, qu'en ne le choisissant pas pour occuper ce poste au profit de M. A..., lequel disposait d'une formation managériale plus poussée et de plus d'ancienneté, son employeur aurait fait preuve à son égard d'un comportement discriminatoire. Par ailleurs son employeur a respecté son obligation de procéder à des démarches de reclassement comme il a été indiqué précédemment. Par suite, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir doit être écarté.
16. En second lieu, aux termes de l'article 15 du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat : " Dès l'entrée en fonction de chaque agent, il est constitué un dossier à son nom, à l'initiative du secrétaire général ou du directeur général en ce qui concerne l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (...) ". Aux termes de l'article 16 de ce statut : " Chaque agent fait l'objet tous les deux ans d'un entretien professionnel réalisé au plus tard à la fin du premier semestre de l'année suivant les deux années évaluées. A la demande de l'agent, ou à l'initiative du secrétaire général, ou du directeur général en ce qui concerne l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, ou du président s'il s'agit du secrétaire général, il est procédé à cet entretien à l'expiration d'une durée d'un an (...) "
17. Le requérant soutient que son licenciement pour suppression de poste révèle un traitement discriminatoire caractérisé par la violation des dispositions des articles 15 et 16 du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat.
18. M. C... fait d'abord valoir que la chambre de métiers et de l'artisanat n'est pas en mesure de justifier de la tenue d'un dossier complet le concernant. Toutefois, cette allégation, au demeurant non étayée quant aux pièces manquantes de son dossier, n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'un traitement discriminatoire à l'égard de l'intéressé. Le requérant soutient également que la chambre de métiers et de l'artisanat s'est abstenue de procéder à des entretiens annuels. Toutefois, cette dernière fait valoir sans être contredite que cette omission révèle des dysfonctionnements existants dans l'organisation des services, notamment l'instabilité de la gouvernance, que plusieurs agents ont été dans l'impossibilité de pouvoir bénéficier des entretiens annuels et que cette situation ne saurait, dès lors, caractériser une discrimination. Par suite, le moyen tiré de ce que M. C... aurait subi un traitement discriminatoire doit être écarté.
En ce qui concerne la faute tirée de l'existence d'un harcèlement moral :
19. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de
harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".
20. Aux termes de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers : " La situation du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers est déterminée par un statut établi par des commissions paritaires nommées, pour chacune de ces institutions, par le ministre de tutelle ". Les agents des chambres de métiers et de l'artisanat sont régis par les seuls textes pris en application de la loi du 10 décembre 1952 à l'exclusion de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Toutefois, indépendamment des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, le fait de faire subir aux agents d'une telle instance consulaire des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de leur condition de travail susceptible de porter atteinte à leurs droits et dignité, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel caractérise un comportement de harcèlement moral, constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'employeur.
21. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui, le préjudice résultant de ces agissements devant alors être intégralement réparé.
22. Pour soutenir que la suppression de son emploi est le résultat d'un processus de harcèlement moral, M. C... produit d'abord plusieurs échanges de courriels portant sur la réalisation de différentes tâches qui lui ont été confiées par sa hiérarchie. Si ces échanges révèlent que l'intéressé n'aurait pas réalisé entièrement ou de manière satisfaisante certaines des tâches faisant partie de ses missions, le ton et les termes utilisés dans ces courriels ne sont pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Ensuite, M. C... soutient que la décision du 4 avril 2018 par laquelle le président de la chambre de métiers et de l'artisanat a décidé de le décharger des fonctions liées aux moyens généraux et aux marchés publics révèle le harcèlement moral dont il a fait l'objet. En défense, son employeur fait valoir que cette décharge était justifiée par une concentration trop importante des missions confiées à l'intéressé. Dès lors, cette décharge d'activité n'est pas en l'espèce de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Par ailleurs, la circonstance que M. C... a fait l'objet d'une procédure disciplinaire n'ayant pas abouti n'est pas davantage de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Si le requérant fait valoir qu'il aurait reçu " l'ordre de passer diverses opérations " ainsi que " des demandes intempestives ", qu'il aurait été en situation de surcharge de travail, qu'il aurait été " isolé, persécuté et mis dans une situation de perte du sens du travail " l'obligeant à apporter sans cesse des justifications sur son travail, il ne produit aucun élément permettant d'étayer ses allégations alors qu'il a refusé le renfort qui lui a été proposé, qu'il se plaint au contraire d'avoir été déchargé de certaines missions et que les mails émis par sa hiérarchie ne comportaient que des échanges à caractère professionnel. Pour justifier de son harcèlement, le requérant ne peut utilement soutenir qu'il a appris par une note de service la désignation du nouveau conseiller du président alors qu'il n'a jamais exercé cette fonction. Son transfert dans un autre bureau, lequel était lumineux, climatisé, éclairé par une fenêtre et une porte vitrée et comprenait un téléphone et un ordinateur équipé, une table de travail et des chaises, ne saurait davantage révéler une atteinte à sa situation. Il en va de même de l'attribution par erreur, ainsi qu'il l'a souligné lui-même dans un mail, de matériel à un autre service et d'un refus supposé de remboursement de ses frais kilométriques qui n'est étayé par aucune preuve. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la suppression de son poste décidée dans l'intérêt du service ne saurait caractériser en l'espèce une situation de harcèlement moral à son endroit. Enfin la nomination d'un tiers en tant que " chargé de mission de la qualité et du développement de l'offre globale de service de la CMAR " n'est pas davantage révélatrice de harcèlement moral. Ainsi M. C... n'établit pas par les éléments qu'il invoque, considérés ensemble ou séparément, l'existence d'agissements de harcèlement moral qui auraient été commis à son encontre et les mesures dont il se prévaut n'excèdent pas les limites du pouvoir hiérarchique et le pouvoir d'organisation du service. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de son employeur est engagée à raison de ces agissements.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes indemnitaires fondées sur les agissements présumés fautifs de son employeur.
Sur les frais liés au litige
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont le requérant demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme à verser à la chambre de métiers et de l'artisanat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En l'absence de dépens, les conclusions de M. C... tendant à leur versement ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 28 août 2023 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président de la cour,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 septembre 2023.
La rapporteure,
Caroline D...
Le président,
Luc Derepas
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21 BX02208