Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté
du 22 avril 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays
de renvoi, et d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour portant la
mention " vie privée et familiale ", ou à défaut " salarié ".
Par un jugement n° 2203591 du 25 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Lopy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 22 avril 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " au titre de l'admission exceptionnelle au séjour prévue par l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme
de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- il a commencé à travailler dès juillet 2019 et justifiait d'une ancienneté de travail de près de trois ans à la date de l'arrêté ; le contrat à durée indéterminée avec l'entreprise EV2P a été signé le 29 novembre 2021 sous réserve de l'obtention d'une autorisation de travail au-delà du 2 février 2022, alors que son récépissé de demande de titre de séjour l'autorisait à travailler jusqu'au 25 mai 2022 ; le paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais
du 23 septembre 2006 prévoit qu'un ressortissant sénégalais en situation irrégulière peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " s'il exerce un métier figurant dans la liste annexée à l'accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le métier de " jardinier espace vert " est visé
par l'annexe IV de l'accord ; il justifie de son insertion par son contrat à durée indéterminée
et par l'attestation du conseiller d'insertion qui l'a accompagné dans sa recherche d'emploi ; il appartenait à la préfète d'examiner sa situation au regard de l'accord franco-sénégalais et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", de sorte que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- sa belle-mère qui ne l'appréciait pas l'a mis à la porte en janvier 2021, ce qui
l'a contraint à recourir à un hébergement d'urgence, et lorsqu'il a trouvé un logement
en mars 2021, il a demandé à son épouse de le rejoindre, mais elle a préféré rester chez sa mère tout en maintenant la relation conjugale ; alors qu'il n'est pas divorcé et qu'il dispose en France d'un logement et d'un emploi, le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance, qu'il produit.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux
de 25 % par une décision du 21 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal du 23 septembre 2006 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité sénégalaise, est entré en France le 8 avril 2019 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour d'un an, en qualité de conjoint d'une ressortissante française qu'il avait épousée au Sénégal le 10 juillet 2018. Le 30 janvier 2020, il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 22 avril 2022, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande au motif que la communauté de vie avec son épouse avait cessé, a estimé qu'il n'entrait dans aucun autre cas d'attribution de plein droit d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 25 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal du 23 septembre 2006 : " (...) / Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : / - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'un contrat de travail. / (...). "
3. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de
ce code. La demande de M. B..., produite par l'administration en première instance, portait seulement sur le renouvellement du titre de séjour délivré en qualité de conjoint d'une ressortissante française, et non sur un changement de statut en qualité de salarié, lequel n'était pas invoqué. La lettre de l'ancien employeur de M. B... du 6 novembre 2022, faisant part
de son souhait de le réembaucher et de la possibilité de régularisation d'un ressortissant sénégalais pour occuper un emploi dans un secteur en tension, est postérieure à la décision de refus de titre de séjour du 22 avril 2022, et relève de l'instruction éventuelle d'une nouvelle demande. Eu égard à leur rédaction, les stipulations citées au point précédent ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Gironde, qui a examiné d'office s'il pouvait prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour et a estimé que tel n'était pas le cas, aurait commis une erreur de droit, de fait ou d'appréciation en ne lui délivrant pas un titre
de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article 4 de l'accord
franco-sénégalais.
4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". A la date de la décision contestée, M. B... ne résidait en France que depuis trois ans, et le maintien allégué d'une relation avec son épouse ne repose que sur l'affirmation qu'il n'est pas divorcé. Dans ces circonstances, et alors même qu'il justifie de sa capacité d'insertion sociale et professionnelle, le refus de titre de séjour ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations précitées, et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie
de l'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
6. Eu égard à ce qui a été dit au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative
à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 29 août 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.
La rapporteure,
Anne A...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX03184