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14/09/2023 | FRANCE | N°21BX03560

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 14 septembre 2023, 21BX03560


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 22 novembre 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice l'a maintenu

au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS).

Par un jugement n°1900610 du 1er juillet 2021, le tribunal a annulé la décision

du 22 novembre 2018 et a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder au réexamen de la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la no

tification

du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 aoû...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 22 novembre 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice l'a maintenu

au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS).

Par un jugement n°1900610 du 1er juillet 2021, le tribunal a annulé la décision

du 22 novembre 2018 et a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder au réexamen de la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification

du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 août 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 1er juillet 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C....

Il soutient que :

- si la procédure contradictoire préalable à l'inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS) constitue une garantie, tel n'est pas le cas de la communication de la fiche pénale, alors que M. C... avait nécessairement été destinataire de cette fiche au cours de son parcours pénitentiaire et pouvait en demander la communication à tout moment, ce qu'il s'est abstenu de faire en signant le document de synthèse lui notifiant qu'il était envisagé de le maintenir sur le répertoire DPS ; c'est ainsi à tort que le tribunal a retenu, du fait de l'absence de cette communication, un vice de procédure ayant privé l'intéressé d'une garantie ;

- il s'en rapporte à ses écritures de première instance, qu'il joint, en ce qui concerne

les mérites de la demande présentée devant le tribunal.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 octobre 2021, M. C..., représenté

par la SELARL AARPI THEMIS, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il fait valoir que le moyen soulevé par le garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé, et que la décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que seule la médiatisation de l'affaire à l'origine de sa condamnation a conduit au maintien de son inscription au DPS, ce qui n'est pourtant pas prévu par les critères énoncés par la circulaire.

M. C... a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 14 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la circulaire du 15 octobre 2012 relative à l'instruction ministérielle relative au répertoire des détenus particulièrement signalés ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., écroué depuis le 24 mai 2010, a été incarcéré dans

plusieurs établissements successifs, en dernier lieu à la maison centrale de Saint-Maur

du 19 décembre 2018 au 24 août 2020, puis au centre pénitentiaire de Châteauroux du 24 août

au 23 octobre 2020, date de sa libération. Le 14 avril 2018, il a été condamné par la Cour d'assises de Paris à une peine de quinze ans de réclusion criminelle pour des faits de tentative de vol en bande organisée avec arme, de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, d'acquisition illégale et de transport de matériel de guerre, arme

et munition, de détention et de transport en bande organisée de produit incendiaire ou explosif,

et de recel en bande organisée de bien provenant d'un vol, le tout en récidive. Par une décision du 22 novembre 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice, a maintenu son inscription

au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS), sur lequel il était inscrit depuis

le 6 avril 2011. M. C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler cette décision et d'enjoindre sous astreinte au garde des sceaux, ministre de la justice de le retirer du répertoire des DPS. Par un jugement du 1er juillet 2021, le tribunal a annulé cette décision au motif que M. C... n'avait pas eu communication de sa fiche pénale lors de la procédure contradictoire préalable, et a enjoint au ministre de réexaminer la situation de l'intéressé. Le garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale alors applicable : " En vue de la mise en œuvre des mesures de sécurité adaptées, le ministre de la justice décide de l'inscription et de la radiation des détenus au répertoire des détenus particulièrement signalés dans des conditions déterminées par instruction ministérielle. " La circulaire du 15 octobre 2012 relative à l'instruction ministérielle relative au répertoire des détenus particulièrement

signalés (DPS), publiée au bulletin officiel du ministère de la Justice n° 2012-10 du 31 octobre 2012, prise pour la mise en œuvre de ces dispositions, qui a valeur réglementaire, prévoit une consultation de la commission DPS sur l'opportunité de l'inscription, du maintien ou de la radiation d'une personne détenue au répertoire des DPS. Aux termes du point 1.1.2.3 de cette circulaire : " La procédure contradictoire doit permettre à la personne détenue de faire valoir ses observations (...). / En cas d'avis d'inscription ou de maintien de la commission : Lorsque la commission émet un avis d'inscription ou de maintien au répertoire des DPS, le débat contradictoire doit avoir lieu. / (...) / Préalablement au débat contradictoire, le chef d'établissement informe la personne détenue des motifs qui fondent la proposition d'inscription ou de maintien. Il s'agit d'exposer les informations personnalisées, actualisées, circonstanciées, reposant sur des éléments objectifs et vérifiables (ex : risque d'évasion, intensité de l'atteinte à l'ordre public que celle-ci pourrait engendrer, comportement particulièrement violent en détention des intéressés). / Ces éléments motivés en droit et en fait fondent la décision pouvant être prise en application des dispositions de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale et de la présente instruction. / La personne détenue, et son conseil le cas échéant, reçoivent ainsi communication : / - de la synthèse établie par le chef d'établissement ; / - de la fiche pénale ; / - des antécédents disciplinaires ; / - le cas échéant de toutes les pièces fondant la décision envisagée ; (...). / L'administration pénitentiaire peut toutefois décider de ne pas communiquer à l'intéressé, à son avocat ou au mandataire agréé, les informations ou documents en sa possession lorsqu'ils contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des établissements pénitentiaires ou des personnes (art. R. 57-6-9 du code de procédure pénale), notamment dans un objectif de protection des sources, et de respect du secret de l'enquête et de l'instruction (art. 11 du code de procédure pénale). (...) La décision motivée d'inscription ou de maintien au répertoire DPS prise à l'issue de cette procédure est notifiée à la personne détenue par l'établissement. (...) ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a fait valoir, lors de son audition

le 21 juillet 2018, qu'il n'avait pas été condamné pour meurtre, qu'il avait 31 mois de crédits de réduction de peine, et qu'il venait de bénéficier de 18 mois de réduction de peine, de sorte qu'il ne lui restait que 35 mois de détention à effectuer. Il a ainsi présenté l'ensemble des éléments plaidant en sa faveur qui figuraient sur sa fiche pénale. Dans ces circonstances, l'absence de communication de cette fiche ne l'a pas privé d'une garantie. Par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'absence de communication de la fiche pénale pour annuler la décision de maintien au répertoire des DPS du 22 novembre 2018.

5. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... devant le tribunal et en appel.

6. En premier lieu, la décision n'est pas fondée sur l'existence d'antécédents disciplinaires, mais au contraire fait état d'un comportement correct en détention, qu'elle

invite l'intéressé à poursuivre avant que soit envisagée la levée prochaine de son statut de DPS. Le moyen tiré de l'absence de communication de prétendus antécédents disciplinaires est ainsi inopérant.

7. En second lieu, M. C... fait valoir qu'il n'a pas été condamné pour meurtre ou complicité de meurtre, et que seule la médiatisation de l'affaire pour laquelle il a été condamné, un vol avec arme au cours duquel une policière municipale a été tuée en mai 2010, serait à l'origine de son maintien au répertoire des DPS. Toutefois, si la décision mentionne le trouble à l'ordre public susceptible de résulter d'une évasion en raison de cette médiatisation, elle est fondée sur l'appartenance de M. C... à la criminalité organisée, déduite de ses trois condamnations à des peines de réclusion criminelle, respectivement de huit, douze et quinze ans d'emprisonnement en 1993, 2002 et 2014, de ce que les liens de l'intéressé avec le grand banditisme pourraient lui permettre de bénéficier de soutiens logistiques et matériels dans la perspective d'une tentative d'évasion, et du caractère récent de son affectation, après huit ans de détention provisoire, dans un établissement pour peines devant lui permettre de préparer sa réinsertion. Dans ces circonstances, et alors même qu'aucune tentative d'évasion n'est reprochée à M. C..., son maintien au répertoire des DPS ne peut être regardé comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé

à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges

a annulé la décision du 22 novembre 2018. Par suite, le jugement doit être annulé, et la demande présentée par M. C... devant le tribunal doit être rejetée.

9. M. C..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1900610 du 1er juillet 2021

est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal et le surplus

de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice,

et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 29 août 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.

La rapporteure,

Anne B...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21BX03560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03560
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : AARPI THEMIS AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-09-14;21bx03560 ?
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