La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/09/2023 | FRANCE | N°21BX01121

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 14 septembre 2023, 21BX01121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 23 février 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saint-Junien a prononcé

à son encontre la sanction de révocation.

Par un jugement n° 1800629 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Limoges

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2021, M. C..., représenté par

Me Bourra, demande à la c

our :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 25 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décisi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 23 février 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saint-Junien a prononcé

à son encontre la sanction de révocation.

Par un jugement n° 1800629 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Limoges

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2021, M. C..., représenté par

Me Bourra, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 25 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 23 février 2018 du directeur du centre hospitalier

de Saint-Junien ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Junien la somme

de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Limoges est irrégulier car il est intervenu sans que le sens des conclusions du rapporteur public ne soit communiqué ;

- la décision de révocation est insuffisamment motivée en fait et en droit car le rapport de saisine du conseil de discipline ne figure pas dans les visas ; les faits qui lui sont reprochés n'entrent pas dans la définition du harcèlement sexuel ; il n'est pas fait état des dysfonctionnements du service de restauration, ni de sa manière de servir ;

- la matérialité des faits n'est pas établie ;

- la décision est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits qui lui sont reprochés dès lors qu'ils ne sont pas constitutifs de harcèlement sexuel ;

- la sanction de révocation est disproportionnée au regard de la gravité des faits, de l'absence d'avertissement préalable et de formation aux risques psycho-sociaux, de sa manière de servir et des dysfonctionnements du service.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le décret n°2016-1705 du 12 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... ;

- et les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui était ouvrier principal au sein du centre hospitalier

de Saint-Junien, s'est vu reprocher des comportements et actes à connotation sexuelle à l'égard d'une agente d'entretien handicapée, qui ont amené le conseil de discipline à émettre à l'unanimité un avis de révocation. Il relève appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision

du 23 février 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 732-1 du code de justice administrative : " Dans des matières énumérées par décret en Conseil d'Etat, le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions sur une requête, eu égard à la nature des questions à juger ". Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 732-1-1 du même code fixe la liste des contentieux dans lesquels une telle dispense est possible. Toutefois, l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les tribunaux administratifs a prévu que durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020, il est dérogé aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux juridictions administratives dans les conditions qu'elle prévoit. Aux termes de l'article 8 de cette ordonnance, " Le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience des conclusions sur une requête ". Il résulte des visas du jugement attaqué qu'il a été fait application lors de l'audience du 11 juin 2020, tenue avant la fin de l'état d'urgence sanitaire, de ces dispositions dérogatoires, lesquelles ne limitent pas les matières dans lesquelles cette dispense peut être prononcée. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'absence de conclusions du rapporteur public entacherait le jugement d'irrégularité.

Sur la légalité de la sanction :

En ce qui concerne la motivation :

3. Aux termes de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination (...) la décision prononçant une sanction disciplinaire (doit) être motivé(e) ". Selon l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions

qui : (...) 2° Infligent une sanction (...) ". L'article L. 211-5 de ce code prévoit que : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. Contrairement à ce que soutient M. C..., le rapport introductif présentant les faits au conseil de discipline, qu'il a reçu en main propre, a bien été mentionné par la décision attaquée, qui considère les pièces qu'il comporte et rappelle qu'il a reconnu les faits lors d'un entretien avec l'autorité hiérarchique. La décision expose le cadre juridique et indique que des propos, comportements et actes à connotation sexuelle sont reprochés à M. C..., et ce de manière répétée, à l'encontre d'un agent reconnu travailleur handicapé, ce qui caractérise suffisamment la gravité des faits, dont elle note qu'ils font obstacle à son maintien dans l'établissement et entachent la réputation de celui-ci. Dans ces conditions, l'autorité n'avait pas à faire état des évaluations dont il a pu bénéficier ou de prétendus dysfonctionnements dans le service des cuisines, et la motivation de sa décision répond aux exigences des dispositions précitées.

En ce qui concerne la faute :

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Aux termes de l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : "Aucun fonctionnaire ne doit subir les faits : a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers (...) ". Il résulte de ces dispositions que sont constitutifs de harcèlement sexuel des propos ou des comportements à connotation sexuelle, répétés ou même, lorsqu'ils atteignent un certain degré de gravité, non répétés, tenus dans le cadre ou à l'occasion du service, non désirés par celui ou celle qui en est destinataire et ayant pour objet ou pour effet soit de porter atteinte à sa dignité, soit, notamment lorsqu'ils sont le fait d'un supérieur hiérarchique ou d'une personne qu'elle pense susceptible d'avoir une influence sur ses conditions de travail ou le déroulement de sa carrière, de créer à l'encontre de la victime, une situation intimidante, hostile ou offensante.

7. Il ressort du rapport de saisine du conseil de discipline qu'après le récit de la victime concernant les faits survenus le 24 octobre 2017, une enquête a été menée avec audition des personnels travaillant aux cuisines et M. C... a reconnu, lors d'un entretien avec la directrice des ressources matérielles et des travaux, des comportements inappropriés avec une agente malentendante, notamment lui avoir tiré la blouse pour regarder ses seins, lui avoir baissé son pantalon au niveau des genoux, lui avoir " tapé sur les fesses " et avoir eu à son égard des gestes à connotation sexuelle. Témoin d'un comportement similaire de la part d'un autre collègue, qui tentait de baisser le pantalon de la même femme, il n'est pas intervenu, et a estimé que ce comportement relevait de l'humour et de la plaisanterie. La matérialité des faits est ainsi suffisamment établie, et leur gravité ne saurait être ni excusée ni atténuée par la circonstance que d'autres collègues masculins aient également eu des gestes obscènes et tenu des propos déplacés. Contrairement à ce que soutient M. C..., ces faits qui ont créé à l'encontre de la victime, une situation intimidante, hostile ou offensante, répondent à la définition précitée du harcèlement sexuel, quand bien même cette qualification n'a pas été précisée par la décision attaquée, et constituent en tout état de cause une faute

de nature à justifier une sanction disciplinaire.

En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction :

8. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / L'avertissement, le blâme ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions

pour une durée maximale de quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. / (...) "

9. Pour contester la proportionnalité de la sanction de révocation, M. C..., qui ne semble pas avoir pris conscience de la gravité des faits en réitérant qu'ils relevaient de l'humour et de la plaisanterie, ne peut sérieusement reprocher au centre hospitalier un défaut d'encadrement, alors qu'il n'est pas établi que la hiérarchie aurait eu connaissance des faits avant leur dénonciation par la victime, et que le respect envers des collègues de travail relève du minimum attendu d'un agent public. Eu égard à la particulière vulnérabilité de la victime, ni les circonstances qu'il n'avait pas d'autorité hiérarchique sur l'agente et qu'il n'avait pas bénéficié d'une formation aux risques psycho-sociaux, ni celle qu'il avait déjà fait l'objet d'une suspension, laquelle n'est pas une sanction, à raison des faits reprochés, ni les conséquences alléguées sur sa vie familiale et professionnelle ne sont de nature à démontrer une erreur d'appréciation dans le choix de la sanction.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 23 février 2018. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et au centre hospitalier

de Saint-Junien.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 septembre 2023.

La présidente-assesseure

Anne MeyerLa présidente, rapporteure

Catherine A...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX01121 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01121
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : DEBLOIS PHILIPPE DANCIE SOLANGE BOURRA J PHILIPPE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-09-14;21bx01121 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award