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18/07/2023 | FRANCE | N°23BX00242

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 18 juillet 2023, 23BX00242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler les décisions du 17 janvier 2023 par lesquelles le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté leur demande d'entrée en France au titre de l'asile et ordonné leur réacheminement vers le territoire du Sri Lanka ou, le cas échéant, vers tout autre pays dans lequel ils seraient légalement admissibles.

Par un jugement n° 2300067, 2300071 du 21 janvier 2023, le magistrat désigné du tribunal administrat

if de La Réunion a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler les décisions du 17 janvier 2023 par lesquelles le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté leur demande d'entrée en France au titre de l'asile et ordonné leur réacheminement vers le territoire du Sri Lanka ou, le cas échéant, vers tout autre pays dans lequel ils seraient légalement admissibles.

Par un jugement n° 2300067, 2300071 du 21 janvier 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée sous le numéro 23BX00242 le 25 janvier 2023, M. B... et Mme A..., représentés par Me Weinling-Gaze, demandent à la cour :

1°) de leur accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 21 janvier 2023 du tribunal administratif de La Réunion ;

3°) d'annuler les décisions du 17 janvier 2023 par lesquelles le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté leur demande d'entrée en France au titre de l'asile et ordonné leur réacheminement vers le territoire du Sri Lanka ou, le cas échéant, vers tout autre pays dans lequel ils seraient légalement admissibles ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'Intérieur et des outre-mer de les autoriser à entrer en France et leur délivrer un visa de régularisation, dès la notification du présent arrêt, et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre au ministre de l'Intérieur et des outre-mer, si leur réacheminement a déjà eu lieu, d'organiser leur retour sur le territoire français dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

- les décisions de refus d'entrée en France au titre de l'asile sont entachées d'un vice de procédure tiré du non-respect par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des exigences minimales de l'entretien d'un demandeur d'asile ;

- les décisions attaquées méconnaissent les dispositions de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions fixant le pays de destination sont entachées d'un défaut de motivation.

M. B... et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 8 juin 2023.

II. Par une requête enregistrée sous le numéro 23BX00243 le 25 janvier 2023, M. B... et Mme A..., représentés par Me Weinling-Gaze, demandent à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 21 janvier 2023 du tribunal administratif de La Réunion.

Ils soutiennent que :

- la décision de refus d'entrée en France au titre de l'asile est entachée d'un vice de procédure tiré du non-respect par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des exigences minimales de l'entretien d'un demandeur d'asile ;

- la décision attaquée méconnait les dispositions de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut de motivation.

M. B... et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 8 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Pauline Reynaud.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme A..., ressortissants sri lankais nés respectivement les 19 octobre 1974 et 14 février 1978 à Kalpitiya (Sri Lanka) sont arrivés irrégulièrement à La Réunion le 14 janvier 2023, par voie maritime, et ont demandé à entrer en France au titre de l'asile. Les intéressés ont été placés en zone d'attente, puis entendus par un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 15 janvier 2023, par visioconférence. Par des décisions du 17 janvier 2023, prises au vu de l'avis émis le 16 janvier 2023 par l'OFPRA, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté leur demande d'entrée en France au titre de l'asile et ordonné son réacheminement vers le Sri Lanka ou tout pays où ils seraient légalement admissibles. Par une requête n° 23BX00242, M. B... et Mme A... relèvent appel du jugement n° 2300067, 2300071 du 21 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions du 17 janvier 2023. Par une seconde requête n° 23BX00243, les requérants sollicitent le sursis à exécution de ce jugement.

2. Les requêtes n° 23BX00242 et 23BX00243 concernent les membres d'une même famille, amènent à juger des mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de joindre les requêtes visées ci-dessus et de statuer par un seul arrêt.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ".

4. M. B... et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 8 juin 2023. Par suite, leurs conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de rejet de demande d'entrée en France au titre de l'asile :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 351-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande. Lorsque l'examen de la demande d'asile est susceptible de relever de la responsabilité d'un autre Etat, l'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de l'application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dans les conditions fixées par son article 4 ". L'article R. 351-16 du même code prévoit que : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut décider de procéder à l'entretien personnel en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle dans les cas suivants : / (...) / 3° Lorsqu'il se trouve dans une collectivité d'outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie. / Les modalités techniques garantissant la confidentialité de la transmission et l'exactitude de la transcription des propos tenus au cours de l'entretien sont définies par décision du directeur général de l'office. / Le local destiné à recevoir les demandeurs d'asile entendus par un moyen de communication audiovisuelle doit avoir été préalablement agréé par le directeur général de l'office. Cet agrément peut être retiré si les modalités énoncées au cinquième alinéa ne sont plus remplies. / L'officier de protection chargé de la conduite de l'entretien a la maîtrise des opérations. Il lui appartient de veiller au respect des droits de la personne. Il doit à tout instant pouvoir s'assurer du respect des bonnes conditions d'audition et de visionnage. Il peut mettre fin à l'entretien si ces conditions ne sont pas réunies ou si les circonstances de l'espèce l'exigent. Dans ce cas, l'entretien a lieu en présence de l'intéressé. / L'intéressé entendu par un moyen de communication audiovisuelle doit, si besoin avec l'aide d'un interprète, être informé par l'office avant le commencement de l'entretien du déroulement des opérations, notamment des modalités permettant d'assurer le respect des règles de confidentialité ".

6. Si les requérants soutiennent que les conditions matérielles de leur entretien dans une salle de l'aéroport ne respectaient pas les " exigences minimales de l'entretien d'un demandeur " d'asile, dès lors que seule une tablette a été mise à leur disposition pour la visioconférence avec l'officier de protection et que l'entretien a été interrompu à plusieurs reprises, ces circonstances ne suffisent toutefois pas à établir que la confidentialité des échanges n'aurait pas été respectée. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'officier de protection, auquel il appartient de veiller au respect des droits de la personne et de s'assurer du respect des bonnes conditions de son audition, ait estimé que ces conditions n'étaient pas réunies lors de l'entretien personnel de M. B... et Mme A..., dont il n'est pas contesté qu'il s'est au demeurant déroulé dans un local préalablement agréé par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ainsi que l'exigent les dispositions précitées de l'article R. 531-16. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'un vice de procédure doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise que dans les cas suivants : (...) / 3° La demande d'asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. ". L'article L. 352-2 du même code énonce que : " Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au titre III du livre V. (...) / Sauf si l'accès de l'étranger au territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public, l'avis de l'office, s'il est favorable à l'entrée en France de l'intéressé au titre de l'asile, lie le ministre chargé de l'immigration. ".

8. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. Ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Toutefois, le ministre chargé de l'immigration peut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeter la demande d'asile d'un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque les déclarations de celui-ci, et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre du 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève sur le statut des réfugiés.

9. Il ressort d'une part, des pièces du dossier que pour refuser l'entrée en France à M. B... et Mme A..., le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'est approprié les termes des avis défavorables émis par l'OFPRA le 16 janvier 2023, en relevant que la demande de M. B... et Mme A... est manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves à leur intégrité physique, exprimé en cas de retour dans leur pays. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce faisant, le ministre de l'Intérieur et des outre-mer aurait porté une appréciation allant au-delà du caractère " manifestement infondé " de leur demande d'asile au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit au regard de ces dispositions doit être écarté.

10. Il ressort, d'autre part, des pièces du dossier ainsi que des observations présentées par M. B... et Mme A... au cours de leur entretien avec l'agent de l'OFPRA, que les requérants, qui se prévalent à titre principal des discriminations subies du fait de leur religion catholique dans une région majoritairement musulmane, ont tenu des propos manifestement imprécis ou évasifs, notamment concernant les tensions existant avec un responsable de la communauté musulmane, s'agissant de l'installation d'une croix sur un rond-point près de chez eux. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de droit que le magistrat désigné du tribunal administratif de La Réunion a estimé que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'avait pas fait une inexacte application des dispositions du 3° de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à M. B... et Mme A... l'entrée en France au titre de l'asile. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

11. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article L. 333-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision mentionne que M. B... et Mme A... indiquent être de nationalité sri lankaise et précise qu'il ne saurait être considéré comme plausible que les intéressés soient victimes de mauvais traitements en cas de retour dans leur pays. Dans ces conditions, les décisions attaquées, qui comportent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fondent, sont suffisamment motivées. Par suite, le moyen doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

13. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de M. B... et Mme A..., leur requête aux fins de sursis à exécution est devenue sans objet.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 23BX00242 de M. B... et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23BX00243 de M. B... et Mme A....

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente de chambre,

Mme Bénédicte Martin, présidente assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

La rapporteure,

Pauline Reynaud La présidente,

Evelyne Balzamo, Le greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00242, 23BX00243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00242
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : WEINLING GAZE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-18;23bx00242 ?
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