Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile d'exploitation agricole Château la Tilleraie a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté sa demande de versement de la somme de 186 824, 65 euros, correspondant à la seconde fraction de l'aide accordée dans le cadre de l'organisation commune des marchés (OCM) vitivinicole 2014-2018, et de condamner l'établissement à lui verser la somme de 186 824,65 euros, d'autre part, d'annuler la décision du 2 mars 2020, valant titre de recettes, par laquelle le directeur général de FranceAgriMer lui a réclamé le versement de la somme de 177 446,70 euros, correspondant au remboursement de l'aide avancée, somme majorée de 10 % de garantie, au titre de l'aide aux investissements vitivinicoles pour les exercices financiers 2014 à 2018, de la décharger de cette somme.
Par un jugement n° 1904716, 2001944 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 septembre 2021, et un mémoire enregistré le 17 avril 2023, la société Château la Tilleraie, représentée par Me Maujeul, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1904716, 2001944 du 29 juin 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler le titre de recettes du 2 mars 2020 par lequel FranceAgriMer lui a réclamé le versement de la somme de 177 446,70 euros, correspondant au remboursement de l'aide avancée ;
3°) d'annuler la décision par laquelle FranceAgriMer a implicitement rejeté sa demande de versement de la somme de 186 824,65 euros, correspondant à la seconde fraction de l'aide accordée dans le cadre de l'OCM vitivinicole 2014-2018 ;
4°) de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 186 824,65 euros ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- le jugement attaqué méconnait les dispositions de l'article R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative dès lors qu'il ne comporte pas les signatures du président-rapporteur, de l'assesseur le plus ancien et du greffier d'audience ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
- la décision du 2 mars 2020 valant titre de recettes n'est pas suffisamment motivée ;
- FranceAgriMer ne pouvait plus décider la restitution par la société Château la Tilleraie de la subvention qui lui avait été attribuée dès lors que ce droit à restitution était prescrit ;
- le titre de recettes du 2 mars 2020 méconnait le principe général du droit de confiance légitime ;
- ce titre de recettes est entaché d'une erreur d'appréciation, dès lors que la société Château la Tilleraie a respecté l'ensemble de ses engagements et a réalisé dans les délais impartis les travaux pour lesquels elle avait obtenu l'aide en cause ;
- la décision de FranceAgriMer est entachée d'erreur de droit du fait de l'illégalité de l'article 5.2 de la décision du directeur général FILITL/SEM/D 2013 76 du 4 décembre 2013 la fondant qui présente un caractère disproportionné, inefficace et inapproprié par rapport aux objectifs poursuivis par les règlements 479/2008 et 555/2008 et qui réduit de manière inconsidérée les possibilités d'octroi de l'aide ;
- elle est fondée à solliciter la condamnation de FranceAgriMer à lui verser la somme de 186 824,65 euros, correspondant à la moitié de l'aide qui lui a été accordée, sur le fondement de l'exécution de la décision du 18 septembre 2014 par laquelle FranceAgriMer lui a accordé une aide de 373 649,30 euros ;
- elle renvoie expressément à l'ensemble des moyens soulevés en première instance.
Par des mémoires en défense, enregistrés, le 20 mai 2022 et le 25 mai 2023, FranceAgriMer, représenté par Me Alibert, conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de la société requérante le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors que la société ne justifie pas de la qualité de son représentant légal pour agir en son nom dans le cadre de l'instance ;
- les moyens invoqués par la société Château la Tilleraie ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 22 août 2022, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la souveraineté alimentaire indique s'en remettre aux écritures présentées par FranceAgriMer et ne pas avoir d'observations à présenter.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission du 21 avril 2004 ;
- le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 ;
- le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le décret n° 2013-172 du 25 février 2013 ;
- la décision FILITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013 du directeur général de FranceAgrimer relative à la mise en œuvre d'une aide aux programmes d'investissement des entreprises dans le cadre des OCM vitivinicoles pour les exercices financiers 2014 à 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pauline Reynaud,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lacoste, représentant la société civile d'exploitation agricole Château la Tilleraie, et les observations de Me Idrissi, représentant FranceAgriMer.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile d'exploitation agricole Château la Tilleraie, qui exerce une activité de culture de la vigne sur le territoire de la commune de Bergerac, a déposé le 6 janvier 2014 un dossier de demande d'aide communautaire aux investissements vitivinicoles auprès de l'établissement national FranceAgriMer, dont l'objet était l'édification d'un bâtiment de construction et d'un caveau, des équipements de conditionnement et de vinification. Par une décision d'éligibilité du 18 septembre 2014, le directeur général de FranceAgriMer a accordé à la société Château la Tilleraie une aide d'un montant de 373 649,30 euros. Dans ce cadre, la société a bénéficié d'une avance d'un montant de 186 824,65 euros. Un contrôle du programme d'investissement a été effectué par FranceAgriMer dont les résultats, qui ont donné lieu à un rapport le 4 décembre 2018, ont été à l'origine d'observations présentées par l'exploitant par courrier du 18 février 2019. Par lettre reçue le 8 juillet 2019, la société Château la Tilleraie a sollicité de FranceAgriMer le versement du montant du solde de l'aide de 186 824,65 euros. Le 22 juillet 2019, FranceAgriMer a informé la société Château la Tilleraie que des anomalies avaient été relevées portant sur le début prématuré des travaux de construction du bâtiment de production et du caveau et l'absence de justificatif du paiement d'une dépense et a, par conséquent, invité la société à faire part de ses observations sur la demande de remboursement de l'avance perçue à hauteur de 177 446,70 euros. La société Château la Tilleraie a présenté ses observations le 24 septembre 2019. Par une décision du 2 mars 2020, valant titre exécutoire, la directrice générale de FranceAgriMer a demandé à la société Château la Tilleraie le reversement d'une somme de 177 446,70 euros, correspondant à une partie de l'avance perçue, assortie d'une majoration de 10 %, en raison de l'inéligibilité des dépenses relatives à la construction du bâtiment de production et du caveau et de la dépense relative au matériel Agrifoy de 1 602 euros. La société Château la Tilleraie a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle FranceAgriMer a rejeté sa demande de versement de la somme de 186 824, 65 euros, correspondant à la seconde fraction de l'aide accordée dans le cadre de l'OCM vitivinicole 2014-2018, d'autre part, la décision du 2 mars 2020, valant titre de recettes, par laquelle FranceAgriMer lui a réclamé le versement de la somme de 177 446,70 euros, correspondant au remboursement de l'aide avancée, majorée de 10 %. La société a également demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 186 824, 65 euros. Par un jugement n° 1904716, 2001944 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. La société Château la Tilleraie relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué est signée par la présidente de la formation de jugement, la rapporteure et la greffière d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la société appelante ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué sur ce point doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité du titre de recettes du 2 mars 2020 :
4. Aux termes du second alinéa de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Tout état exécutoire doit ainsi indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
5. Le titre de recettes en litige, qui correspond au remboursement d'aides aux investissements vitivinicoles versées pour les exercices financiers 2014-2018, indique comme objet de la créance : " recouvrement aide investissement - Lettre de reversement ", désigne l'ordonnateur et le redevable, précise le montant global à percevoir, à savoir 177 446,70 euros, et précise enfin, pour chacune des dépenses engagées, tant le montant de la somme à restituer que les motifs justifiant l'inéligibilité aux aides sollicitées ainsi que leur fondement juridique. Ainsi, ces indications étaient suffisantes pour permettre à la société Château la Tilleraie de comprendre et de contester utilement les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle le titre litigieux était émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fondait. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du titre exécutoire qui répond aux exigences de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012, doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :
S'agissant de l'erreur de droit tirée du retrait illégal de la décision du 18 septembre 2014 :
6. Aux termes de l'article 97 du règlement (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008, relatif à la récupération de l'indu : " Tout paiement indu est recouvré, avec intérêts, auprès des bénéficiaires concernés. Les règles fixées à l'article 73 du règlement (CE) n° 796/2004 s'appliquent (...) ". L'article 63 du règlement (CE) n° 1306/2013 du 21 avril 2004, relatif aux paiements indus, prévoit que : " Lorsqu'il est constaté qu'un bénéficiaire ne respecte pas les critères d'admissibilité, les engagements ou les autres obligations relatifs aux conditions d'octroi de l'aide ou du soutien prévus par la législation agricole sectorielle, l'aide n'est pas payée ou est retirée en totalité ou en partie et, le cas échéant, les droits au paiement correspondants visés à l'article 21 du règlement (UE) n° 1307 / 2013 ne sont pas alloués ou retirés (...) ". Enfin, selon l'article 73 du règlement (CE) n° 796/2004 du 21 avril 2004, relatif à la récupération de l'indu : " (...) / 5. L'obligation de remboursement visée au paragraphe 1 ne s'applique pas si plus de dix ans se sont écoulés entre le jour du paiement de l'aide et celui de la première notification au bénéficiaire par l'autorité compétente, du caractère indu du paiement reçu. / Toutefois, la période visée au premier alinéa est limitée à quatre ans si le bénéficiaire a agi de bonne foi. (...) 7. Les paragraphes 4 et 5 ne s'appliquent pas dans le cas d'avances (...) ".
7. D'une part, contrairement à ce que soutient la société Château la Tilleraie, les dispositions précitées trouvent à s'appliquer aux modalités de récupération de l'aide communautaire en litige, à l'exclusion des règles nationales relatives au retrait des décisions créatrices de droit. Par ailleurs, dès lors qu'en l'espèce, seule une avance d'un montant de 186 824,65 euros a été versée à la société Château la Tilleraie, en application des dispositions précitées de l'article 73 du règlement du 21 avril 2004, le délai de quatre ans prévu pour le remboursement de l'indu n'avait pas commencé à courir et n'était pas applicable.
8. D'autre part, en tout état de cause, la décision du 18 septembre 2014 par laquelle FranceAgriMer a octroyé à la société Château la Tilleraie une aide d'un montant de 373 649,30 euros constituait une décision créatrice de droits, quand bien même ces droits étaient subordonnés au respect de diverses conditions. La décision du 2 mars 2020 valant titre exécutoire par laquelle FranceAgriMer lui a réclamé le versement de la somme de 177 446,70 euros, correspondant au remboursement de l'aide avancée, majorée de 10 %, qui était motivée par la constatation de plusieurs non-conformités des dépenses engagées dans le cadre de l'aide accordée, se bornait à exécuter cette décision d'octroi en tirant les conséquences du non-respect des conditions posées par cette dernière et n'en constituait donc pas le retrait. Dans ces conditions, le titre de recettes du 2 mars 2020, qui ne constitue pas une décision de retrait de la décision par laquelle l'établissement a déclaré la société Château la Tilleraie éligible à l'aide du 19 septembre 2014, pouvait être pris plus de quatre mois après celle-ci.
9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le titre de recettes du 2 mars 2020 constituerait un retrait illégal de la décision du 18 septembre 2014 ne peut qu'être écarté.
S'agissant de la méconnaissance du principe de confiance légitime :
10. Le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire. Tel est le cas lorsqu'est en cause la répétition d'aides versées en application d'une réglementation communautaire. La possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique de bonne foi auprès duquel une institution publique a fait naître des espérances fondées, y compris, sous réserve que cela ne porte pas une atteinte excessive à un intérêt public ou au principe de légalité, dans le cas où elle l'a fait bénéficier d'un avantage indu mais que l'opérateur pouvait néanmoins, eu égard à la nature de cet avantage, aux conditions dans lesquelles il a été attribué et au comportement de l'administration postérieurement à cette attribution, légitimement regarder comme lui étant définitivement acquis.
11. Il ressort des pièces du dossier que lors des contrôles sur place, plusieurs anomalies ont été relevées par FranceAgriMer, tenant au commencement des travaux réalisés sur les bâtiments de production et au caveau avant leur date d'autorisation le 6 janvier 2014, et à l'absence de justification de dépenses d'équipement par la structure bénéficiaire. Si la société Château la Tilleraie soutient que seuls les travaux de fouilles archéologiques obligatoires ont été réalisés avant la date d'autorisation, cette circonstance est sans incidence sur la caractérisation de manquements aux obligations que la société Château la Tilleraie tenait de la décision d'éligibilité à l'aide du 18 septembre 2014, laquelle renvoyait à la décision du directeur général de FranceAgriMer n° FILIT/SEM/D 2013-76 modifiée définissant les conditions de mise en œuvre de la mesure de soutien aux investissements.
12. Il n'est pas contesté que FranceAgriMer a respecté les délais impartis pour réaliser les contrôles prévus par les dispositions de l'article 5.8 de la décision du directeur général de FranceAgriMer du 4 décembre 2013. Par ailleurs, la société Château la Tilleraie ne démontre pas que FranceAgriMer lui aurait donné l'assurance qu'aucun contrôle sur place ne serait diligenté à son encontre. Les circonstances que la société requérante serait de bonne foi, qu'elle a réalisé l'ensemble des travaux à la date fixée, payé les factures dans le délai imparti, et transmis l'ensemble des justificatifs nécessaires au versement du complément de l'aide, sont sans incidence, dès lors qu'elles ne remettent pas en cause les irrégularités constatées lors des contrôles. Enfin, le versement d'une avance d'un montant de 186 824,65 euros n'est pas de nature à assurer la société requérante du versement du solde de l'aide, alors que l'article 5.8.2 de la décision du 4 décembre 2013 du directeur général de FranceAgriMer précise que l'avance est obligatoire. Dans ces conditions, la société Château la Tilleraie n'est pas fondée à soutenir que la décision du 2 mars 2020 porterait atteinte au principe de confiance légitime. Ce moyen doit, par suite, être écarté.
S'agissant de l'article 5.2 de la décision du 4 décembre 2013 :
13. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret n° 2013-172 du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 : " Le programme d'aide national au secteur vitivinicole mentionné à l'article 103 decies du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 susvisé et rendu applicable dans les conditions prévues à l'article 103 duodecies de ce règlement et à l'article 2 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 susvisé pour les exercices financiers 2014 à 2018 est mis en œuvre par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer)./ A ce titre, sous réserve de l'article 2, le directeur général de l'établissement détermine notamment, après avis du conseil spécialisé intéressé :/ 1° Les modalités de demande des aides, les conditions d'éligibilité aux aides, la procédure et les critères de sélection des demandes, le montant des aides attribuables et leurs modalités de paiement ;/ 2° Le cas échéant, le taux de réduction applicable aux aides, en fonction du taux de dépassement des crédits communautaires disponibles ; /3° Les réductions du montant des aides applicables en cas de non-respect du régime d'aide concerné ". En application de ces dispositions, le directeur général de FranceAgriMer a, par une décision FILITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013 modifiée par la décision INTV-SANAEI 2014-28 du 22 avril 2014, précisé les conditions et les modalités d'attribution des aides aux programmes d'investissement des entreprises dans le cadre de l'organisation commune du marché (OCM) vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018.
14. D'autre part, l'article 5.2 de la décision du directeur général de FranceAgriMer du 4 décembre 2013 prévoit que : " (...) / La demande doit impérativement bénéficier d'une autorisation de démarrage des travaux, dont la date est mentionnée dans l'accusé de réception, avant tout début d'exécution du projet, c'est-à-dire avant toute exécution matérielle du projet et avant le premier acte juridique passé pour la réalisation du projet (soit avant tout devis dont la date d'acceptation (signature) est antérieure à la date d'ACT, avant tout bon de commande, avant tout paiement même partiel(...). Les éventuelles études préalables nécessaires à la réalisation de ces travaux (études de sol, d'architectes ...) ne sont toutefois pas concernés par cette disposition. / En cas de démarrage des travaux pour un poste donné avant la date autorisée l'intégralité de la tranche fonctionnelle concernée est considérée comme non éligible à l'aide. On entend par tranche fonctionnelle un investissement fonctionnellement détachable des autres investissements du projet. / En cas de constatation d'un démarrage de travaux antérieurs à la date d'ACT effectuée après la réalisation complète du projet et versement du soutien financier, l'aide en sa totalité ou la tranche fonctionnelle concernée peut faire l'objet d'une demande de reversement (...) ". Il ressort de l'annexe 1 jointe à la décision du 4 décembre 2013 que sont éligibles aux travaux de construction de bâtiments pour la transformation, le stockage et le conditionnement, les investissements relatifs aux fondations, terrassements, génie civil, aménagements intérieurs, plomberie, électricité, bardages intérieurs et extérieurs, toitures, isolation et climatisation.
15. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions de l'article 5.2 de la décision du 4 décembre 2013 seraient imprécises. De même, la société Château la Tilleraie n'est pas fondée à soutenir que ces dispositions seraient inefficaces ou inappropriées par rapport aux objectifs poursuivis par le règlement (CE) n° 555/2008 du de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil de développer le secteur vitivinicole.
16. D'autre part, il résulte des dispositions précitées de l'article 5.2 de la décision du 4 décembre 2013 que la demande de reversement d'une aide, en sa totalité ou la tranche fonctionnelle concernée, ne constitue qu'une faculté, et que ces dispositions n'apparaissent dès lors pas, dans ces circonstances, pas disproportionnées.
S'agissant de l'erreur d'appréciation :
Quant au respect de la date d'autorisation de démarrage des travaux :
17. La société requérante soutient avoir respecté l'ensemble de ses engagements dès lors que les factures réglées avant la date d'autorisation de commencement des travaux d'investissement concernaient seulement des études préliminaires, avant le dépôt du dossier de demande de permis de construire ainsi que des travaux de préparation du terrain avant des fouilles archéologiques, imposées par l'Institut national de recherches archéologiques préventives, et que FranceAgriMer avait été informé de l'existence de ces travaux, qui faisaient partie du dossier de demande d'aide. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'un devis émis le 6 mars 2013 par la société MTCE Bergerac pour la construction d'un chai mentionne, sans détail ni distinction entre les études préalables et la programmation des travaux, la mise en place de la main-d'œuvre pour les fouilles archéologiques, la préparation des réseaux divers et VRD, la fondation, le gros œuvre et le coût de la main-d'œuvre. Un autre devis émis par cette société le même jour pour l'installation du chantier, mentionne quant à lui le plan d'exécution, le dossier de recollement, les travaux préparatoires, le déboisage et dessouchage des arbres, l'aplanissement du terrain d'assiette, le terrassement et le remblaiement, la reprise et la consolidation des puits de fouille, les fouilles et l'enterrement des canalisations. Or, ces deux devis ont été signés le 6 mai 2013 par la société Château la Tilleraie, et la facture émise par cette dernière le 20 août 2014 précise que les travaux ont été réalisés entre le 22 juillet 2013 et le 12 mars 2014. La circonstance, à la supposer avérée, que FranceAgriMer aurait été informé de la réalisation de ces travaux préalablement à leur date d'autorisation, est à cet égard sans incidence sur l'application des dispositions de l'article 5.2 de la décision du 4 décembre 2013. Dans ces conditions, alors que la société Château la Tilleraie n'apporte aucune précision sur les conditions dans lesquelles elle aurait été soumise à l'obligation d'effectuer des fouilles archéologiques préventives, en décidant que l'intégralité des tranches concernées " bâtiment neuf de production ", et " caveau neuf " n'étaient pas éligibles, FranceAgriMer n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 5.2 de la décision de son directeur et pouvait, pour ce motif, prendre la décision contestée.
Quant aux factures de climatisation, de plomberie et de régulation thermique :
18. En premier lieu, si la société requérante soutient que les rares factures réglées avant que les travaux ne débutent ne concernaient que les études préliminaires et les études pour le permis de construire, il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 17, que ces factures concernaient des travaux préparatoires aux bâtiments que souhaitait édifier la société requérante.
19. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article 5.8.3 de la décision FILITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013 que les factures doivent être acquittées par la structure bénéficiaire.
20. Si la société requérante soutient que la facture émise par la société Agrifoy pour un montant de 1 602 euros a été payée par la société groupe Sobefi pour son compte, en vertu d'une convention de trésorerie et de son avenant, et que les fonds versés par la société groupe Sobefi pour son compte ont fait l'objet d'avance en compte courant d'associés, elle ne produit toutefois aucun élément permettant d'établir la réalité de cette allégation.
21. En troisième et dernier lieu, si la société Château la Tilleraie soutient que les factures relatives à la climatisation dans le bâtiment de production et à la régulation thermique des cuves ainsi que les travaux de plomberie, réalisés en appui de cette régulation auraient dû être reconnus comme éligibles aux aides, elle n'apporte toutefois ni précision, ni ne produit aucune pièce à l'appui de son moyen. Au surplus, le constat du démarrage des travaux avant la date autorisée entraîne l'inéligibilité à l'aide de l'intégralité de la tranche fonctionnelle concernée. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
22. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par FranceAgriMer, que la société Château la Tilleraie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle FranceAgriMer a rejeté sa demande de versement de la somme de 186 824,65 euros, correspondant à la seconde fraction de l'aide accordée dans le cadre de l'OCM vitivinicole 2014-2018, et à l'annulation de la décision du 2 mars 2020, valant titre de recettes, par laquelle le directeur général de FranceAgriMer lui a réclamé le versement de la somme de 177 446,70 euros, correspondant au remboursement de l'aide avancée, somme majorée de 10 % de garantie, au titre de l'aide aux investissements vitivinicoles pour les exercices financiers 2014 à 2018, et à la décharger de cette somme. Il y a également lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par la société Château la Tilleraie.
Sur les frais liés à l'instance :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de FranceAgriMer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la société requérante demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Château la Tilleraie le versement de la somme demandée par FranceAgriMer sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Château la Tilleraie est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par FranceAgriMer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole Château la Tilleraie et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer.
Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.
La rapporteure,
Pauline ReynaudLa présidente,
Evelyne Balzamo Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX003591 2