Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 18 février 2022 par lequel le préfet de La Réunion a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois.
Par un jugement n° 2200615 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2023, Mme D..., représentée par Me Belliard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 14 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 18 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision portant refus de séjour :
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur d'appréciation dès lors qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; il a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'ancienneté et la continuité de son séjour sur le territoire français.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.
Par un mémoire enregistré le 7 juin 2023, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Nathalie Gay a été rendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., ressortissante comorienne née le 3 août 1981 à Ouani-Anjouan (Union des Comores), a été admise à entrer à La Réunion le 19 décembre 2020 dans le cadre d'une évacuation sanitaire. Le 26 avril 2021, elle a demandé au préfet la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 18 février 2022, le préfet de La Réunion a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois. Mme D... relève appel du jugement du 14 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 février 2022.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ".
3. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
4. En l'espèce, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, dans son avis du 1er octobre 2021, que l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, cette dernière peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... souffre d'une maladie auto immune déclenchant des crises d'éclampsies sévères en cas de grossesse. Mme D... soutient que le traitement et le suivi régulier rendus nécessaires par son état de santé ne sont pas effectivement accessibles dans son pays d'origine et produit à l'appui de ses allégations trois certificats médicaux, postérieurs à l'arrêté en litige, dont deux sont nouveaux en appel. Toutefois, d'une part, le premier certificat, déjà produit en première instance, établi par le docteur B... le 12 septembre 2022, fait seulement état de ce que l'ensemble des spécialités qu'implique sa pathologie ne serait pas présent à Mayotte, sans mentionner ni la nécessité pour la santé de Mme D... de la prise d'un traitement approprié à sa maladie, ni l'absence d'un tel traitement dans son pays d'origine. D'autre part, si le deuxième certificat produit pour la première fois en appel, établi le 25 novembre 2022 par le même docteur, indique cette fois-ci que son pays d'origine ne disposerait ni des spécialités médicales, ni des moyens nécessaires à son traitement, il n'apporte aucune précision quant aux soins et au traitement nécessités par l'état de santé de de Mme D... qui ne seraient pas disponibles aux Comores. Enfin, le troisième certificat établi le 26 décembre 2022 par le docteur M. A..., exerçant à Ounai aux Comores, ne fait pas mention de l'absence de traitement approprié dans son pays d'origine mais seulement de " la meilleure prise en charge " de la maladie de Mme D... sur le territoire français. Par suite, ces seuls certificats, qui ne sont pas suffisamment précis et circonstanciés, ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII quant à la disponibilité aux Comores d'un traitement approprié à la pathologie dont souffre Mme D.... Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., qui allègue avoir vécu depuis l'année 2010 à Mayotte avant de rejoindre La Réunion en 2020 sans pour autant établir, par la seule production de son carnet de santé et de ses avis d'imposition, la continuité de son séjour à Mayotte, vit depuis son entrée à la Réunion en décembre 2020 avec sa mère, ses deux sœurs ainsi que ses neveux et nièces. Si elle produit des attestations d'une partie de sa famille certifiant de leurs liens personnels intenses, il ressort des pièces du dossier que Mme D..., âgée de 40 ans à la date de la décision en litige, a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine sans sa famille, qui était déjà présente sur le territoire français. Il n'est par ailleurs pas établi ni même allégué qu'elle serait entrée sur le territoire français dans le but de les rejoindre, alors qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du laissez-passer sanitaire qu'elle a rejoint la Réunion en décembre 2020 pour des raisons de santé. Par suite, l'arrêté en litige, qui a été pris seulement un an et deux mois après l'entrée de Mme D... à la Réunion n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces circonstances, la décision de refus de titre de séjour n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de Mme D....
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision refusant de délivrer un titre de séjour à la requérante doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 février 2022 par lequel le préfet de La Réunion a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives à l'injonction et aux frais d'instance ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.
La rapporteure,
Nathalie GayLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX00668 2