Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le maire de Saint-Georges-de-Didonne a délivré à la SCI Saint-Georges un permis de construire modificatif concernant une maison située 1 Allée des Fusains ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n°2000341 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande, l'a condamné à une amende de 2 000 euros sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, a mis à sa charge le versement de 1 500 euros à la commune de Saint-Georges-de-Didonne et 1 500 euros à la SCI Saint-Georges et a rejeté les conclusions de cette dernière sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 décembre 2021 et 2 mai 2022, M. C..., représenté par Me Araguas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
3°) d'ordonner une expertise avant dire droit pour attester que les allégations de la société Saint-Georges sont dénuées de réalité et n'ont été commises que dans le but de faire déclarer le requérant non recevable ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie, en qualité de voisin immédiat du terrain d'assiette du projet, d'un intérêt à demander l'annulation du permis de construire modificatif en litige au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- le greffe du tribunal administratif ne lui a pas demandé de justifier d'un intérêt à agir et ne l'a pas invité à régulariser sa demande en apportant les précisions permettant d'en apprécier la recevabilité au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- l'affichage du permis de construire modificatif n'a pas respecté l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme, le panneau n'était pas sur le terrain de la pétitionnaire et l'affichage n'a eu lieu que 78 jours après l'obtention de l'arrêté contesté ;
- entre la date d'enregistrement de la notification de la requête d'appel du 22 décembre 2021 et la date d'envoi de la notification de celle-ci, le 6 janvier 2022, s'est écoulée une période de 14 jours francs ; les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ont été respectées ;
- la requête est suffisamment motivée conformément aux dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- son recours ne pouvant être regardé comme abusif, les conclusions présentées par la SCI Saint-Georges au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme seront rejetées.
Par deux mémoires enregistrés les 28 janvier 2022 et 6 juin 2022 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), la SCI Saint-Georges, représentée par Me Fouchet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. C... d'une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- au regard de la portée des modifications autorisées par le permis de construire modificatif en litige qui n'affectent pas les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de M. C..., ce dernier ne justifie pas d'un intérêt à agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de justice administrative ;
- la requête d'appel est irrecevable dès lors que la notification requise par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme est tardive ;
- la requête ne formule aucune critique du jugement et ne respecte pas les exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire enregistré le 8 mars 2022, la commune de Saint-Georges-de-Didonne, représentée par Me Boisseau, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. C... d'un montant de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- au regard des modifications autorisées par le permis de construire modificatif contesté qui n'affectent pas les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de l'immeuble de M. C..., ce dernier ne justifie pas d'un intérêt à agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- la requête lui a été notifiée le 6 janvier 2022 soit 16 jours après le dépôt de la requête d'appel datée du 22 décembre 2021 ; les conditions de notification exigées par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne sont pas respectées ;
- la requête n'est pas suffisamment motivée et n'est pas recevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
Par deux mémoires enregistrés le 25 mars 2022 et 6 juin 2022 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), la SCI Saint-Georges, représentée par Me Fouchet, demande à la cour de condamner M. C... à lui verser une somme de 60 873,19 euros de dommages et intérêts en application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ainsi que 50 000 euros au titre de son préjudice moral, sommes assorties des intérêts et de la capitalisation des intérêts à compter de la date d'introduction du recours gracieux formé par M. C... en novembre 2019.
Elle soutient que :
- M. C... ne justifie pas d'un intérêt à agir au vu des modifications autorisées par le permis de construire modificatif contesté et aucun moyen sérieux n'étaye le recours présenté par M. C... qui use de tous les recours gracieux et contentieux depuis onze ans pour faire échec au projet de la famille D... sans aucune justification valable ; le tribunal administratif a d'ailleurs relevé le caractère abusif de son recours et l'a condamné à verser une amende de 2 000 euros en application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- les préjudices subis par la SCI Saint-Georges résultent des frais liés à l'actualisation des montants des marchés de travaux entre 2017 et 2019 évalués à 26 891,38 euros hors taxes et à l'augmentation des honoraires d'architectes s'élevant à 14 017,02 euros hors taxes ; la défense des intérêts de la SCI Saint-Georges a nécessité l'intervention d'un avocat dont les honoraires s'élèvent à 2 280 euros hors taxes ; la SCI Saint-Georges et la famille D... ont subi un préjudice moral résultant du retard de leur projet et de la multiplication des recours, qui peut être évalué à 50 000 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Gay;
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;
- et les observations de M. C..., de Me Boisseau, représentant la commune de Saint-Georges-de-Didonne et de Me Gournay, représentant la SCI Saint-Georges.
Une note en délibéré présentée par M. C... A... a été enregistrée le 6 juillet 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Le 1er juillet 2011, le maire de Saint-Georges-de-Didonne a délivré un permis de construire à la SCI Saint-Georges en vue de la réalisation de travaux sur une construction existante située 1 allée des Fusains. M. C..., voisin immédiat du terrain d'assiette du projet, a exercé un recours gracieux puis a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler cet arrêté. Son recours a été rejeté par un jugement du tribunal du 6 novembre 2014 puis par la cour administrative d'appel de Bordeaux par un arrêt du 8 juin 2017. Le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi formé par M. C... par une décision du 28 décembre 2017. Le 11 avril 2019, la SCI Saint-Georges a sollicité la délivrance d'un permis de construire modificatif qui a été accordé par un arrêté du 13 juin 2019. M. C... a exercé un recours gracieux les 8 et 9 novembre 2019 tendant au retrait de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 28 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2019 et à la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial ou après avoir épuisé les voies de recours contre le permis initial, ainsi devenu définitif, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ou, lorsque le contentieux porte sur un permis de construire modificatif, des modifications apportées au projet
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la SCI Saint-Georges et la commune de Saint-Georges de-Didonne avaient soulevé en première instance une fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. C..., par un mémoire qui a été communiqué au conseil du demandeur et auquel il a répliqué. Par suite, contrairement à ce que soutient l'appelant, le tribunal n'était pas tenu de l'inviter à régulariser sa demande en apportant des précisions permettant d'en apprécier la recevabilité au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif contesté a pour objet la création d'un plancher vitré sur la terrasse N+1 et l'augmentation de son périmètre, la modification de la teinte des menuiseries, la modification de la baie coulissante du séjour en 2 baies coulissantes, le déplacement du jacuzzi, la création d'une faille vitrée et la pose de deux velux dont les dimensions n'excèderont pas 55 cm x 78 cm. Il ressort des pièces du dossier et notamment des plans joints au dossier de demande de permis de construire que la plupart des modifications concernent les façades sud-ouest et sud-est et que les seules modifications portant sur la façade nord-est, visibles depuis la maison appartenant à M. C..., consistent en la modification de la teinte des menuiseries et la pose d'une ouverture de type " vélux " au sommet de la toiture. Eu égard à ses dimensions, sa localisation et son orientation, cette ouverture n'est pas de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de l'immeuble dont M. C... est propriétaire. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que ce dernier ne justifiait pas d'un intérêt à agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel ni d'ordonner l'expertise sollicitée, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2019 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :
7. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel ".
8. En premier lieu, la société Saint-Georges demande le remboursement des frais liés à l'actualisation des montants des marchés de travaux et des honoraires d'architectes entre 2017 et 2019. Toutefois, les montants invoqués sont relatifs à la réalisation des constructions résultant du permis de construire délivré le 1er juillet 2011 et ne correspondent pas aux seuls travaux autorisés par le permis de construire modificatif en litige dans la présente instance. En deuxième lieu, dès lors que la société Saint-Georges avait qualité de partie à l'instance, la part de son préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens est réputée intégralement réparée par la décision que prend le juge dans l'instance en cause. La société a pu bénéficier des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative durant les diverses instances engagées, les frais exposés pour sa défense ont fait l'objet d'une appréciation d'ensemble dans ce cadre qui exclut toute demande indemnitaire de ce chef sur un autre fondement juridique. En troisième lieu, la société ne saurait utilement demander réparation pour son compte du préjudice moral subi par ses associés. Par suite, les conclusions présentées par la SCI Saint-Georges, par la voie de l'appel incident, tendant à l'annulation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et les conclusions indemnitaires présentées sur le même fondement doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Saint-Georges et de la commune de Saint-Georges-de-Didonne, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C..., le versement à la SCI Saint-Georges et à la commune de Saint-Georges-de-Didonne d'une somme de 1 500 euros chacune en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SCI Saint-Georges au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.
Article 3 : M. C... versera à la SCI Saint-Georges une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : M. C... versera à la commune de Saint-Georges-de-Didonne une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la SCI Saint-Georges et à la commune de Saint-Georges-de-Didonne.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme B... E..., première-conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.
La rapporteure,
Nathalie GayLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX04712 2