Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le centre hospitalier de Châteauroux-Le Blanc a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la restitution, à hauteur de la somme de 611 655 euros, des droits de taxe sur les salaires dont il s'est acquitté au titre des années 2016 et 2017, assortie des intérêts moratoires.
Par un jugement n° 1901702 du 1er décembre 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 décembre 2021 et 6 mai 2022 le centre hospitalier de Châteauroux-Le Blanc, représenté par Me Frèrejacques, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de prononcer la restitution sollicitée ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de transmettre pour avis au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, la question de savoir si les sommes versées au titre du maintien de leur traitement aux agents de la fonction publique hospitalière bénéficiant de congés de maladie entrent ou non dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la nature des sommes dont le dégrèvement est sollicité est identifiable ;
- ni le tribunal, ni l'administration ne se sont prononcés sur la question de savoir si le maintien du plein traitement constitue un revenu de remplacement ;
- les sommes correspondant au maintien du traitement des agents en arrêt maladie constituent des revenus de remplacement au sens de l'article L. 136-1-2 du code de la sécurité sociale et non des revenus d'activité, en l'absence de toute contrepartie de la part de l'agent ; elles sont à ce titre exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires en application de l'article 231 du code général des impôts ;
- la documentation fiscale publiée en 2019 sous la référence BOI-TPS-TS-20-10, point 80, prévoit expressément que les revenus de remplacement versés sous quelque forme que ce soit et quelle qu'en soit la dénomination sont exclus de l'assiette de la taxe sur les salaires ;
- il entend également se prévaloir de la documentation fiscale publiée sous la référence BOFIP-TPS-TS-20-10, point 40 ainsi que de la réponse du ministre de l'économie et des finances à MM. Hugonet et Delahaye, sénateurs, publiée au Journal officiel du Sénat du 2 janvier 2020, dont il ressort que seul le demi-traitement versé sur une période supérieure à 90 jours est inclus dans l'assiette de la taxe sur les salaires ;
- l'interprétation de l'administration fiscale crée une différence de traitement avec les établissements du secteur privé, qui bénéficient de l'exonération des revenus de remplacement et, en particulier, des indemnités journalières de sécurité sociale qu'ils versent ;
- à titre subsidiaire, et puisque la question n'a pas été tranchée, il appartiendra à la cour de transmettre au Conseil d'Etat les questions formulées dans sa requête sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le centre hospitalier de Châteauroux-Le Blanc ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012 ;
- le décret n° 60-58 du 11 janvier 1960 ;
- le décret n° 85-1353 du 12 décembre 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande du 31 juillet 2018, le centre hospitalier de Châteauroux-Le Blanc a sollicité la restitution partielle de la taxe sur les salaires au titre des années 2013 à 2017, soit 1 527 449 euros, au motif au motif que les traitements versés à ses agents en situation d'arrêt maladie n'auraient pas dû être soumis au paiement de cette taxe. Cette demande a été rejetée le 15 janvier 2019, pour les années 2013 et 2014. Le 14 février 2019, le centre hospitalier de Châteauroux-Le Blanc a, à nouveau, sollicité la restitution partielle de cette taxe sur les salaires au titre des seules années 2016 et 2017, soit 611 655 euros. Sa demande a été rejetée le 22 juillet 2019. Par un jugement du 1er décembre 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à ce que cette restitution partielle soit prononcée. Le centre hospitalier relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges ont, par le point 10 du jugement, suffisamment explicité les motifs qu'ils ont retenus pour qualifier les versements faits aux fonctionnaires hospitaliers au regard des textes applicables alors même qu'ils n'ont pas expressément pris parti sur la qualification de revenu de remplacement. Par suite, le jugement est suffisamment motivé.
Sur les conclusions en restitution :
En ce qui concerne le terrain de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 231 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période en litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sociale généralisée : " I. La contribution est assise sur le montant brut des traitements (...) et des revenus tirés des activités exercées par les personnes mentionnées aux articles L. 311-2 et L. 311-3. (...) II.- Sont inclus dans l'assiette de la contribution : (...) 7° Les indemnités journalières ou allocations versées par les organismes de sécurité sociale ou, pour leur compte, par les employeurs à l'occasion de la maladie, de la maternité ou de la paternité et de l'accueil de l'enfant, des accidents du travail et des maladies professionnelles, à l'exception des rentes viagères et indemnités en capital servies aux victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle ou à leurs ayants droit (...) ".
4. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...) 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement (...) ".
5. Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 11 janvier 1960 dans sa version issue du décret du 12 décembre 1985 : " Le présent décret fixe le régime de sécurité sociale applicable, en matière d'assurance maladie, maternité, décès et invalidité (allocations temporaires et soins), aux agents permanents des départements, des communes et de leurs établissements publics n'ayant pas le caractère industriel ou commercial, affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ou à un régime spécial de retraites ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " I. En cas de maladie, l'agent qui a épuisé ses droits à une rémunération statutaire, mais qui remplit les conditions fixées par le Code de la sécurité sociale pour avoir droit à l'indemnité journalière visée à l'article L. 321-1 dudit code, a droit à une indemnité (...) II - Lorsque l'agent continue à bénéficier, en cas de maladie, d'avantages statutaires, mais que ceux-ci sont inférieurs au montant des prestations en espèces de l'assurance maladie, telles qu'elles sont définies au paragraphe 1er du présent article, l'intéressé reçoit, s'il remplit les conditions visées audit paragraphe, une indemnité égale à la différence entre ces prestations en espèces et les avantages statutaires ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " Les prestations en espèces visées aux articles 4 à 7 ci-dessus sont liquidées et payées par les collectivités ou établissements dont relèvent les agents intéressés ".
6. Il résulte des travaux parlementaires de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont est issu l'article 231 du code général des impôts, que le législateur a entendu rendre l'assiette de la taxe sur les salaires identique à celle de la contribution sociale généralisée, sous réserve des seules exceptions mentionnées à la première phrase du 1 de cet article 231. Les prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, lesquelles sont exclues expressément de l'assiette de la taxe sur les salaires par le 1 de l'article 231, doivent s'entendre des indemnités et allocations versées par l'employeur, pour le compte des organismes de sécurité sociale, au bénéfice des salariés à l'occasion de la survenance de risques sociaux tels que notamment la maladie. Le maintien d'un plein ou d'un demi-traitement au fonctionnaire malade, dont peuvent notamment bénéficier les fonctionnaires hospitaliers en cas de maladie en vertu de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, constitue en revanche un avantage statutaire ayant le caractère d'une rémunération, et non une prestation de sécurité sociale versée par l'employeur pour le compte d'un organisme de sécurité sociale au sens de l'article 231. Cette rémunération statutaire est également distincte des indemnités prévues aux I et II de l'article 4 du décret du 11 janvier 1960, pris en application de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale qui porte définition de l'assurance-maladie, lesquelles sont des prestations du régime spécial de sécurité sociale versées aux fonctionnaires en cas de maladie par leur collectivité ou établissement de rattachement. Dès lors, le centre hospitalier public de Châteauroux-Le Blanc n'est pas fondé à soutenir que les traitements versés à ses agents publics ayant bénéficié d'un congé de maladie au cours de la période d'imposition en litige devaient, en tant que revenus de remplacement assimilables à des prestations de sécurité sociale, être exclus de l'assiette de la taxe sur les salaires.
7. Enfin, les impositions en litige ayant été établies conformément aux dispositions de l'article 231 du code général des impôts, le centre hospitalier de Châteauroux-Le Blanc n'est pas fondé à se prévaloir de la rupture d'égalité qui résulterait d'une différence de traitement avec les établissements hospitaliers du secteur privé, qui bénéficient d'une exonération de taxe sur les salaires pour les revenus de remplacement et en particulier pour les indemnités journalières de sécurité sociale qu'ils versent à leurs salariés.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
8. Aux termes de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. ". La taxe sur les salaires dont le centre hospitalier de Châteauroux-Le Blanc demande la restitution a été établie sur la base de ses déclarations. En l'absence de rehaussement, l'établissement n'est donc pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des points 40 et 80 de la documentation fiscale référencée BOI-TPS-TS-20-10 du 30 janvier 2019 et de la réponse du ministre de l'économie, des finances et de la relance à MM. Hugonet et Delahaye, sénateurs, du 2 janvier 2020. En tout état de cause, le centre hospitalier ne peut pas utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales de ces interprétations de la loi fiscale dès lors qu'elles sont postérieures à l'imposition en litige, établie au titre au titre des années 2016 et 2017.
9. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Châteauroux-Le Blanc n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Sa requête doit, en conséquence, être rejetée, en toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de Châteauroux-Le Blanc est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Châteauroux-Le Blanc et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information au directeur spécialisé du contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.
La rapporteure,
Claire A...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX04707