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13/07/2023 | FRANCE | N°21BX02285

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 13 juillet 2023, 21BX02285


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 28 mai 2021, 26 janvier 2022 et 15 mars 2022, la société CEPE Champs Paille, représentée par Me Duval, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2021 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'implantation et l'exploitation de six éoliennes d'une hauteur de 180 mètres sur le territoire des communes de Lezay et de Saint-Vincent-la-Châtre ;

2°) à titre principa

l, de lui délivrer l'autorisation sollicitée assortie le cas échéant de prescriptions particul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 28 mai 2021, 26 janvier 2022 et 15 mars 2022, la société CEPE Champs Paille, représentée par Me Duval, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2021 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'implantation et l'exploitation de six éoliennes d'une hauteur de 180 mètres sur le territoire des communes de Lezay et de Saint-Vincent-la-Châtre ;

2°) à titre principal, de lui délivrer l'autorisation sollicitée assortie le cas échéant de prescriptions particulières ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de lui délivrer l'autorisation sollicitée, le cas échéant assortie de prescriptions particulières, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 22 mars 2021 est entaché d'erreur d'appréciation dès lors qu'aucun effet cumulé avec d'autres parcs éoliens ni de saturation visuelle n'est induit par le projet ;

- il a commis une erreur d'appréciation quant à la distance d'éloignement entre le projet et les premières habitations ;

- il a commis une erreur de droit en fondant son refus sur le motif tiré des avis défavorables du commissaire enquêteur et de certaines communes ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que son projet ne porte pas atteinte à la biodiversité et notamment à l'avifaune et aux chiroptères.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2021, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 27 janvier 2022, l'association Stop éolien en pays Mellois, M. O..., M. D..., M. F..., Mme L..., M. B... E..., M. I... E..., Mme A..., Mme G..., M. J..., MM. M..., Mme H..., M. et Mme C..., M. N... et Mme K..., représentés par la SCP KPL avocats, interviennent au soutien de la défense et concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à intervenir ;

- les moyens de la société CEPE Champs Paille ne sont pas fondés ;

- la société CEPE Champs Paille aurait dû solliciter une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées s'agissant de l'outarde canepetière.

Par ordonnance du 7 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 avril 2022 à 12h00.

Des documents ont été remis à l'audience par M. D..., intervenant. La présidente a indiqué que si ces documents apportaient des éléments nouveaux que la cour prendrait en compte, l'affaire serait remise à l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme P... ;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Daheron représentant la SARL Cepe Champs Paille, de Me Kolenc représentant l'Association Stop Eolien en pays Mellois et autres et de M. D....

Des documents ont été remis à l'audience par M. D.... La présidente a indiqué que si ces documents apportaient des éléments nouveaux à prendre en compte par la cour, l'affaire serait remise à l'instruction.

Une note en délibéré présentée par Me Duval a été enregistrée le 5 juillet 2023 pour la SARL Cepe Champs Paille.

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 avril 2019, la société CEPE Champs Paille a déposé une demande d'autorisation environnementale, complétée le 8 novembre 2019, pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien composé de six éoliennes d'une hauteur de 180 mètres sur le territoire des communes de Lezay et de Saint-Vincent-la-Châtre. Par un arrêté du 22 mars 2021, le préfet des Deux-Sèvres a rejeté sa demande d'autorisation environnementale. La société CEPE Champs Paille demande l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de l'intervention collective :

2. Est recevable à former une intervention devant le juge du fond toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

3. Il résulte de l'article 2 des statuts de l'association Stop à l'éolien en pays Mellois que cette association a notamment pour objet de " s'opposer à l'implantation de parcs éoliens et des équipements qui leur sont liés sur le territoire communal de Saint-Vincent-la-Châtre et le territoire de la communauté de communes de Mellois en Poitou déjà très impacté par l'industrie éolienne (...) " et de " mener à cet effet toute action qu'elle juge opportune, y compris en justice (...) ". Par suite, eu égard à l'objet du litige relatif à la décision par laquelle le préfet des Deux-Sèvres a refusé de délivrer à la société CEPE Champs Paille une autorisation d'exploiter un parc de six éoliennes d'une hauteur de 180 mètres sur les territoires des communes de Saint-Vincent-la-Châtre et de Lezay, cette association justifie d'un intérêt au maintien de la décision attaquée du préfet des Deux-Sèvres.

4. Dès lors qu'au moins l'un des intervenants est recevable, une intervention collective est recevable. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt à intervenir de M. O..., M D..., M. F..., Mme L..., M. B... E..., M. I... E..., Mme A..., Mme G..., M. J..., M. M..., Mme H..., M. et Mme C..., M. N... et Mme K..., l'intervention doit être admise.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". L'article L. 511-1 du même code dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages , soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions précitées en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.

6. En premier lieu, pour rejeter la demande d'autorisation environnementale de la société CEPE Champs Paille, le préfet s'est fondé sur l'impact cumulé du projet avec d'autres parcs éoliens en fonctionnement ou autorisés dans le secteur et la saturation visuelle qu'il induit sur les lieux de vie avoisinants. Il doit, eu égard à la motivation de son arrêté, être regardé comme s'étant fondé, pour s'opposer au projet, non pas sur le motif tiré de ce que le projet de parc éolien de la société CEPE Champs Paille porterait atteinte au paysage déjà fortement encombré par les éoliennes, mais sur celui tiré des inconvénients du projet concernant la commodité du voisinage compte tenu de l'impact visuel et de l'effet d'encerclement de certains bourgs et de saturation visuelle induit par ce projet. Ainsi, l'absence d'intérêt particulier des paysages environnant le site d'implantation et son caractère favorable à l'éolien, invoqués par la société pétitionnaire, ne suffisent pas à écarter toute atteinte aux intérêts des habitants des lieux de vie situés à proximité du projet.

7. Si le projet de la société CEPE Champs Paille s'inscrit dans un environnement déjà marqué par la présence de 29 parcs éoliens existants ou en projet de construction dans l'aire d'étude du projet d'implantation, il ne résulte pas de l'instruction que ces parcs présenteraient entre eux des co-visibilités depuis les lieux de vie indiqués par l'arrêté en litige de nature à créer un effet de saturation visuelle, eu égard à l'éloignement de ces parcs avec le projet en litige, 26 d'entre eux se situant dans l'aire d'étude éloignée à une distance comprise entre 11 et 20,5 kilomètres du projet et 3 d'entre eux dans l'aire d'étude rapprochée à une distance comprise entre 4 et 5,8 kilomètres de ce dernier. La seule co-visibilité établie pour le hameau du Ruisseau ne suffit pas à générer une saturation visuelle de nature à porter une atteinte anormale aux conditions de vie des habitants de ce hameau dès lors que les parcs éoliens de Clussais la Pommeraie et de Raffauds 2 n'y sont perceptibles que depuis l'arrière-plan boisé duquel ils émergent discrètement, occupant un angle d'horizon de seulement 10° à plus de 5 kilomètres du hameau. Ainsi, en l'absence de co-visibilité avec les autres parcs éoliens dans le secteur, et bien que le projet contribue à réduire l'espace de respiration des communes de Lezay, de Saint-Vincent-la-Châtre et de Saint-Coutant, augmente l'indice d'occupation des horizons des hameaux de la Boutrie et de la Rivière et se situe à proximité immédiate de plusieurs hameaux, aucune saturation visuelle n'est pour autant générée dès lors qu'il ne résulte pas des photomontages produits ni d'aucun autre élément de l'instruction que l'implantation des six éoliennes en litige à une distance de plus de 500 mètres des premières habitations aurait pour effet de créer à elle-seule un effet de saturation visuelle. Par suite, le motif tiré de la saturation visuelle induite par le projet n'est pas de nature à justifier légalement le refus opposé par le préfet.

8. En deuxième lieu, contrairement à ce qu'allègue la société CEPE Champs Paille, il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet a tenu compte de la faible distance d'éloignement des éoliennes avec les premières habitations aux fins de justifier, parmi d'autres arguments, son refus au regard du motif tiré de la saturation visuelle du projet, sans pour autant dégager de cet argument un nouveau motif, distinct de celui de la saturation visuelle, et tiré de la faible distance d'éloignement des premières habitations avec les éoliennes en projet. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait fonder son refus sur un tel motif doit être écarté.

9. En troisième lieu, il résulte des termes de l'arrêté contesté que, pour rejeter la demande d'autorisation environnementale de la société CEPE Champs Paille, le préfet s'est fondé sur l'opposition de plusieurs communes concernées par le projet ainsi que sur l'avis défavorable du commissaire enquêteur. Toutefois, un tel motif ne se rattache à aucun des intérêts mentionnés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par ailleurs, il ne résulte d'aucun texte que l'avis des communes environnantes et celui du commissaire enquêteur auraient le caractère d'avis conformes. Dès lors, ce motif est insusceptible de fonder le rejet d'une demande d'autorisation environnementale. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet se serait à tort cru en situation de compétence liée par rapport à ces avis et aurait ainsi entaché sa décision d'incompétence négative. Par suite, ce moyen doit également être écarté.

10. En quatrième lieu, le préfet des Deux-Sèvres s'est fondé, pour justifier le refus opposé à la société CEPE Champs Paille, sur le motif tiré de ce que son projet était de nature à porter atteinte à la protection de la nature et notamment à l'avifaune et aux chiroptères présents sur le territoire concerné.

11. S'agissant de l'atteinte à l'avifaune, il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'incidences Natura 2000 produite par la société CEPE Champs Paille que la zone d'implantation du projet se situe à une distance d'1,4 kilomètre de la zone de protection spéciale (ZPS) de la Mothe-Saint-Héray, au sein de laquelle 15 espèces d'intérêt communautaire sont présentes, dont 7 atteignent des effectifs remarquables sur le site. Au sein de l'aire d'étude rapprochée du projet, 148 espèces d'oiseaux ont été recensées, dont 29 sont inscrites à l'Annexe I de la Directive Oiseaux, 47 sont déterminantes nicheuses en Poitou-Charentes et 28 sont déterminantes hivernantes en Poitou-Charentes. Sur l'aire d'étude immédiate du projet, 62 espèces ont été recensées pendant la période de nidification, dont 10 rapaces, et 23 espèces d'entre elles sont considérées comme patrimoniales. S'agissant de l'avifaune hivernante, 51 espèces ont été recensées, dont 5 figurent à l'Annexe 1 de la directive oiseaux et sont jugées d'intérêt patrimonial. Enfin, 80 espèces migratrices en transit actif et en halte migratoire ont été recensées, dont 20 sont d'intérêt patrimonial et 15 figurent à l'Annexe 1 de la directive oiseaux.

12. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'incidences Natura 2000 que l'impact du projet sur l'avifaune est jugé faible pour la majorité des oiseaux présents sur le site. L'administration n'apporte aucune précision quant aux impacts du projet sur la conservation de l'avifaune ni aucun élément permettant de mettre en doute la pertinence de cette appréciation. S'il existe des risques de collision pour certaines espèces migratrices de taille moyenne, telle que le vanneau huppé et le pluvier doré, en raison de l'orientation perpendiculaire du parc à l'axe de migration principal de ces oiseaux, il résulte de l'instruction que la mise en place d'une trouée de plus d'un kilomètre au centre du parc entre deux groupes d'éoliennes ainsi que les espacements entre les éoliennes de 200 à 600 mètres devraient permettre de réduire ce risque, pour lequel la société CEPE Champs Paille a prévu une mesure de suivi. S'agissant de l'avifaune nicheuse, si des risques de perte d'habitat et de collision mortelle sont possibles, notamment pour l'œdicnème criard, la bondrée apivore, le busard cendré, le busard Saint-Martin, le milan noir, le faucon hobereau et l'outarde canepetière, il résulte de l'instruction que les mesures mentionnées ci-dessus ainsi que celles relatives à la mise en place d'un gabarit d'éolienne permettant une garde au sol minimale de 40 mètres, à la protection de nichées des busards, à la réduction de l'attractivité des plateformes des éoliennes pour les busards cendrés et Saint-Martin et pour le milan noir permettront de réduire notablement ces risques. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que l'implantation du projet aurait un impact significatif sur la perte d'habitat ou la mortalité par collision des espèces présentes dans l'aire d'étude du projet. Dans ces conditions, et alors que, comme il a été dit, l'administration n'apporte aucune précision sur les impacts du projet au regard de l'avifaune et que la seule présence, même significative, d'une avifaune protégée dans le secteur d'implantation du projet ne saurait, en elle-même, justifier un refus d'autorisation environnementale, la société CEPE Champs Paille est fondée à soutenir que le préfet des Deux-Sèvres ne pouvait légalement fonder son refus sur le motif tiré de l'atteinte à l'avifaune au regard des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement.

13. S'agissant de l'atteinte aux chiroptères, il résulte de l'instruction que dix-neuf espèces ont été identifiées sur le site d'implantation du projet ou à proximité, dont six présentent un enjeu fort en raison de leurs statuts protecteur et de conservation, à savoir la barbastelle d'Europe, la pipistrelle commune, la pipistrelle de Nathusius, la noctule de Leisler, la sérotine commune et le murin de Bechstein, et dont certaines présentent une sensibilité à l'éolien considérée comme modérée ou forte.

14., D'une part, il résulte de l'instruction que le projet de la société CEPE Champs Paille s'implante à proximité de haies, lisières et boisements attractifs pour les chiroptères, entraînant de par cette proximité un risque de collision fort, l'éolienne E1 ne se situant qu'à 65 mètres d'une haie jugée importante pour les chiroptères, l'éolienne E2 à une distance de 102 mètres des linéaires boisées et l'éolienne E6 à une distance de 184 mètres d'une haie basse arbustive, bien que cette dernière soit jugée d'intérêt moindre pour les chiroptères. Les éoliennes E3 et E5 se situent quant à elles à une distance respective de 117 et 87 mètres des corridors de transit principaux du secteur. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société CEPE Champs Paille a prévu un plan de bridage des aérogénérateurs strict et proportionné aux enjeux consistant en une mise à l'arrêt programmée des éoliennes, réparti en trois protocoles distincts en fonction des éoliennes concernées, aux fins de réguler l'activité en fonction de la période, des heures suivant le coucher du soleil ainsi que des données météorologiques relatives à la température atmosphérique et à la vitesse du vent. La société CEPE Champs Paille a également prévu une adaptation de l'éclairage du parc éolien afin de réduire l'attractivité du site pour les chiroptères ainsi qu'une mesure de suivi du comportement des chiroptères. D'autre part, si comme le mentionne le préfet dans son arrêté, le projet en litige aura pour effet d'entraîner une perte d'habitat dès lors qu'il comporte des abattages de linéaires de haies, la société pétitionnaire prévoit de compenser cet abattage par la plantation et la gestion de haies bocagères. Dans ces conditions, et en l'absence d'élément permettant de douter de la pertinence des mesures prises, il ne résulte pas de l'instruction que les mesures prévues par la société CEPE Champs Paille ne permettraient pas de compenser de manière suffisante l'impact du projet de parc éolien pour les chiroptères et de garantir la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par suite, le préfet, ne pouvait légalement fonder son refus sur le motif tiré de ce que le projet porterait, s'agissant des chiroptères, atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

15. En cinquième lieu, une substitution de motifs ne peut être demandée au juge que par l'administration auteur de la décision attaquée. Par suite, les motifs invoqués par les intervenants, notamment relatifs aux effets stroboscopiques, ne peuvent être retenus pour justifier l'arrêté préfectoral contesté.

16. Il résulte de ce qui précède que la société CEPE Champs Paille est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

17. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions. Dans le cas où le juge administratif fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour autoriser le fonctionnement d'une installation classée, la décision d'autorisation ainsi rendue présente le caractère d'une décision juridictionnelle et se trouve en conséquence revêtue de l'autorité de chose jugée.

18. Aux termes de l'article L. 181-2 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : (...) 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2 ; ". Aux termes de l'article L. 411-1 du même code : " I. Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " I. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 (...) ".

19. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le projet contesté, alors même qu'il ne présente pas pour la protection de la biodiversité des dangers justifiant un refus au regard de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, est susceptible, dès lors qu'il ne doit pas être tenu compte des mesures de compensation, d'entrainer une atteinte suffisamment caractérisée aux espèces protégées appartenant tant à l'avifaune qu'aux chiroptères nécessitant une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats. Les éléments produits en l'espèce au dossier sur ce point ne sont pas suffisants pour permettre à la cour de délivrer elle-même la dérogation prévue par les dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Par suite, les conclusions tendant à ce que la cour délivre l'autorisation environnementale sollicitée avec injonction sous astreinte au préfet de fixer les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement doivent être rejetées. Il en va de même des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer l'autorisation.

20. Il y a lieu, en revanche, d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer la demande d'autorisation présentée par la société CEPE Champs Paille et de prendre une nouvelle décision dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société CEPE Champs Paille d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association Stop éolien en pays Mellois, de M. O..., de M. D..., de M. F..., de Mme L..., de M. B... E..., de M. I... E..., de Mme A..., de Mme G..., de M. J..., de M. M..., de Mme H..., de M. et Mme C..., de M. N... et de Mme K... est admise.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 22 mars 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Deux-Sèvres de procéder au réexamen de la demande d'autorisation présentée par la société CEPE Champs Paille dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société CEPE Champs Paille une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société CEPE Champs Paille, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'association Stop éolien en pays Mellois, désignée en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.

Copie en sera adressée à la préfète des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.

La rapporteure,

Héloïse P...La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX02285 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02285
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-13;21bx02285 ?
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