Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 par laquelle le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2203176 du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 novembre 2022, M. B..., représenté par Me El Abdelli, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 octobre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 du préfet de Lot-et-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de procéder à la destruction immédiate de son dossier médical ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier ; le tribunal n'a pas tenu compte de son état de santé et de sa situation actuelle ; les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le jugement n'est pas motivé s'agissant de l'examen de sa situation personnelle et familiale ;
- le refus de séjour repose sur une erreur de fait ; il conserve des séquelles de son accident, en particulier une algodystrophie au niveau des membres droits inférieur et supérieur ; son état de santé est évolutif et il bénéfice en France d'une prise en charge multidisciplinaire adéquate ;
- il présente, du fait de ses séquelles, un handicap ; son état de santé nécessite l'adaptation de son logement et de son véhicule ainsi qu'une aide par une tierce personne et il est inapte à l'exercice des emplois qu'il occupait auparavant ; au regard de sa situation, il devait bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour ;
- son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; il a droit à un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2022, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 19 février 1972, est entré sur le territoire français le 8 décembre 2018 muni d'un visa de long séjour en qualité de travailleur saisonnier. Le même jour, il a obtenu un titre de séjour pluriannuel portant la mention " travailleur saisonnier ". Le 11 octobre 2021, il a sollicité un changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 12 mai 2022, le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 12 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si l'appelant reproche aux premiers juges de n'avoir pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier qu'un tel moyen n'avait pas été soulevé devant le tribunal administratif.
3. En second lieu, le jugement est régulièrement motivé. Les circonstances que les premiers juges se sont appuyés sur l'absence de démonstration de liens profonds et stables en France pour écarter la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'auraient pas correctement apprécié l'état de santé de M. B... relèvent du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) /La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été victime, le 23 juin 2020, d'un grave accident de la circulation lui ayant occasionné de nombreuses fractures, dont il conserve des séquelles, en particulier une algodystrophie des membres droits inférieur et supérieur et des difficultés motrices. Par un avis du 20 janvier 2022, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge n'était pas susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine où il pouvait bénéficier d'un traitement approprié. Si le requérant fait valoir qu'il présente un handicap et que son état de santé reste évolutif et nécessite une prise en charge médicale pluridisciplinaire, il ne produit aucun élément de nature à établir qu'il ne pourrait pas effectivement recevoir au Maroc des soins appropriés. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de Lot-et-Garonne n'a entaché sa décision ni d'une erreur de fait, ni d'une inexacte application des dispositions précitées de de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. B..., qui résidait en France sous couvert d'un titre de séjour " travailleur saisonnier ", fait valoir qu'eu égard aux séquelles qu'il conserve de son accident, il est désormais inapte à l'exercice des emplois de travailleur agricole et de menuisier aluminium qu'il occupait auparavant. Il ajoute qu'il présente un taux d'incapacité de 30 % et bénéficie en France d'une prise en charge multidisciplinaire et des mesures d'adaptation à son handicap. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, le requérant ne démontre pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée au Maroc. De plus, il n'est pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales au Maroc où résident, selon ses propres déclarations, ses parents, son épouse et ses cinq enfants, et où il a lui-même vécu la majeure partie de sa vie. Le requérant ne démontre ni qu'il aurait noué en France des liens d'une intensité particulière, ni davantage qu'il serait inapte à l'exercice de toute activité professionnelle. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de Lot-et-Garonne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le refus de séjour en litige ne repose pas davantage sur une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
8. Enfin, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
9. Eu égard à la situation de M. B... telle qu'elle a été exposée ci-dessus, le préfet ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le requérant ne faisait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent dès lors être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.
L'assesseur le plus ancien,
Manuel Bourgeois
La présidente-rapporteure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 22BX02855