Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a, par requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler, d'une part, la décision du 28 mai 2018 par laquelle la directrice du groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion " a prononcé à son encontre la sanction de l'avertissement, d'autre part, d'annuler la décision du 13 juillet 2018 par laquelle la même autorité a prononcé à son encontre une nouvelle sanction d'avertissement.
Par un jugement n° 1800636, 1800772 du 22 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2021, M. C... A..., représenté par Me Maillot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 22 décembre 2020 ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge du groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion " la somme de 2 170 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- les décisions attaquées lui infligeant la sanction de l'avertissement ont été signées par une autorité incompétente ;
- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de fait en jugeant qu'il ne pouvait être reproché à son employeur de ne pas avoir eu accès à son dossier au motif qu'il ne l'avait pas demandé ;
- les décisions attaquées ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pu avoir accès à son dossier individuel, en méconnaissance de l'article 44 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat et du principe général de respect des droits de la défense ;
- elles sont entachées d'une erreur sur la matérialité des faits.
- la sanction prononcée le 13 juillet 2018 du fait de son état de santé est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2022, le groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion ", représenté par Me Clotagatide, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, faute pour M. A... de produire le courrier de notification du jugement attaqué permettant de vérifier que les dispositions de l'article R. 811-5 du code de justice administrative ont été respectées ;
- les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le décret n° 2013-292 du 5 avril 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... qui exerce l'emploi de garde animateur au sein du groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion " a demandé au tribunal administratif de La Réunion, par deux requêtes distinctes, l'annulation des décisions des 28 mai et 13 juillet 2018 par lesquelles la directrice de ce groupement a prononcé à son encontre, à chaque fois, une sanction d'avertissement. Par un jugement du 22 décembre 2020 dont M. A... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal, après avoir joint les requêtes, a rejeté ses demandes.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion " :
2. D'une part, en vertu des dispositions combinées des articles R. 751-1 et R. 811-7 du code de justice administrative, les requêtes d'appel doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées d'une copie du jugement attaqué.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues par les articles R. 751-3 et R. 751-4. (...) ". Selon l'article R. 811-5 du même code, " les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-7 de ce code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent (...) à La Réunion (...) ". Il résulte de ces dispositions que le délai pour introduire une requête d'appel dirigée contre un jugement du tribunal administratif de La Réunion devant une cour administrative d'appel qui a son siège en France métropolitaine est de trois mois lorsque le requérant demeure sur ce territoire.
4. Il ressort des pièces du dossier que la requête d'appel présentée par M. A... n'est pas accompagnée d'une copie de la lettre de notification du jugement attaqué, alors que la notification de ce jugement mentionnait cette obligation. Toutefois, à l'initiative du greffe de la cour, le dossier de première instance, incluant une lettre de notification du jugement et l'avis de réception de cette lettre, a été demandé au tribunal administratif puis joint par le greffe au dossier de la requête d'appel. Il en ressort que le jugement attaqué a été notifié à
M. A... par une lettre du greffe du tribunal administratif de La Réunion du 23 décembre 2020, reçue le lendemain. Ainsi, la requête d'appel de M. A..., enregistrée au greffe de la cour le 24 mars 2021, soit dans le délai augmenté de trois mois qui lui était imparti pour contester le jugement attaqué, n'est pas tardive. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par le groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion " doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes du dernier alinéa de l'article 109 de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit : " Sous réserve des dispositions relatives à la mise à disposition prévues par le statut général de la fonction publique, les personnels du groupement ainsi que son directeur sont soumis, par la convention constitutive, soit à un régime de droit public déterminé par décret en Conseil d'Etat lorsque le groupement au sein duquel ils exercent assure, à titre principal, la gestion d'une activité de service public administratif, soit au code du travail lorsque le groupement assure, à titre principal, la gestion d'une activité de service public industriel et commercial. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 5 avril 2013 relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d'intérêt public, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. ' Le présent décret détermine le régime de droit public, mentionné au dernier alinéa de l'article 109 de la loi du 17 mai 2011 susvisée, auquel peuvent être soumis les personnels et le directeur d'un groupement d'intérêt public dans les conditions prévues à ce même article. / II. - A l'exception des agents publics placés en situation de mise à disposition ainsi que des personnels mis à disposition par une personne morale de droit privé membre du groupement en application du 1° de l'article 109 de la loi du 17 mai 2011 susvisée et régis par l'article 3 du présent décret, les personnels d'un groupement d'intérêt public relevant du I sont régis par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 (...) à l'exception des articles 5, 6, 8, 27, 28, 28-1, 29, 30, 31 et 42-1 à 42-7 (...) ".
6. En vertu de l'article 16 de la convention constitutive du groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion " signée le 15 décembre 2015 et de l'article 2 du statut du personnel de ce groupement adopté par délibération du conseil d'administration du 18 novembre 2011, les personnels propres du groupement, lequel assure à titre principal la gestion d'une activité de service public administratif, qui ne sont ni mis à disposition du groupement ni détachés, sont des agents contractuels de droit public, régis par les dispositions du décret du 17 janvier 1986, à l'exception des articles mentionnés par les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 5 avril 2013 au nombre desquels ne figurent pas les dispositions relatives aux garanties procédurales prévues en matière disciplinaire.
7. Aux termes de l'article 43-2 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; (...) ". Aux termes de l'article 44 du même décret, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) L'agent non titulaire à l'encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous documents annexes et à se faire assister par les défenseurs de son choix. / L'administration doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier. ".
8. Une sanction ne peut être légalement prononcée à l'égard d'un agent public sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense. Cette garantie procédurale est assurée, en application des dispositions de l'article 44 du décret du 17 janvier 1986, par l'information donnée par l'administration à l'intéressé qu'une procédure disciplinaire est engagée, et qu'il dispose du droit à la communication de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ainsi qu'à l'assistance des défenseurs de son choix. Cette information constitue pour l'agent une garantie dont le respect conditionne la régularité de la procédure disciplinaire suivie.
9. Il ressort des pièces du dossier que, par courriers des 28 mai et 13 juillet 2018, la directrice du groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion " a informé M. A... qu'une sanction d'avertissement avait été prononcée à son encontre les mêmes jours. Si ces courriers précisent les griefs reprochés à l'agent ayant justifié ces sanctions, il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier, et n'est d'ailleurs pas même allégué par le groupement, que ce dernier aurait, avant de prononcer ces deux avertissements, informé M. A... qu'une procédure disciplinaire était engagée et qu'il disposait du droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel, et de la possibilité de se faire assister par un défenseur de son choix. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie instituée par l'article 44 du décret du 17 janvier 1986, d'ailleurs rappelée à l'article 9.3 du statut du personnel, et, partant, de la possibilité de présenter utilement sa défense.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 28 mai et 13 juillet 2018 par lesquelles la directrice du groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion " lui a infligé les deux avertissements en litige. Par suite, ce jugement et ces décisions doivent être annulés.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion " au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupement la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre des frais de même nature.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800636,1800772 du tribunal administratif de La Réunion du 22 décembre 2020 et les décisions des 28 mai et 13 juillet 2018, par lesquelles la directrice du groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion " a infligé à M. A... les sanctions d'avertissement, sont annulés.
Article 2 : Le groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion " versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions du groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion " présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au groupement d'intérêt public " Réserve nationale marine de La Réunion ".
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
M. Frédéric Faïck, président,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
M. Anthony Duplan, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2023.
Le rapporteur,
Anthony B...
Le président,
Frédéric Faïck
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX01247